samedi 3 août 2013

La "bienveillance" entre érudits locaux...

Les relations entre les érudits locaux n'étaient pas toujours bienveillantes ! Pour preuve le commentaire peu amène de Joseph Roman sur le travail de publication d'Aristide Albert :

Voir la transcription plus bas dans le message.

Il se termine par "C'est le néant" ! Tout est dit.

Pour revenir au début de l'histoire :
En 1639, un avocat de Briançon, Antoine Froment, publie un ouvrage sur Briançon, qui fait suite à l'incendie qui ravagea la ville en 1624. Cet ouvrage, le premier sur Briançon, est vite devenu introuvable en édition originale. Malgré les jugements sévères sur ce travail, il méritait d'être connu pour les quelques renseignements qu'il contenait sur l'histoire de la ville.

Aristide Albert, un Briançonnais amoureux de sa ville, soucieux de faire connaître le passé de la ville, entreprit de republier cet ouvrage, accompagné de notes. Aristide Albert, avocat, n'était pas à proprement parler un érudit, mais il a beaucoup œuvré pour faire connaître son pays natal, en publiant de nombreuses plaquettes et ouvrages, dont une Biographie-Bibliographie du Briançonnais, source irremplaçable sur les l'histoire des hommes qui ont illustré la vie briançonnaise.

 Aristide Albert (Briançon 21/12/1821 - Grenoble 5/9/1903)
Pour voir une notice : cliquez-ici.

Cette réédition du texte d'Antoine Froment a paru en 1868, sortie des presses d'Allier à Grenoble. Travail soigné, irremplaçable pour pouvoir accéder au texte d'Antoine Froment, il a été complété de notes, au ton parfois personnel (Aristide Albert ne résiste jamais à agrémenté son propos de souvenirs personnels, ce que Joseph Roman appelle des "cancans"). Comme souvent pour ce type d'ouvrage, il a été tiré à petit nombre : 200 exemplaires, dont 30 sur Hollande.


Pour plus d'informations, je vous renvoie à la page que je lui consacre : cliquez-ici. Il reproduit la page de titre de l'édition originale :


 J'ai la chance de posséder l'exemplaire personnel de Joseph Roman, un érudit des Hautes-Alpes à l’œuvre abondante.

 (Gap 13/11/1840 - Picomtal (Les Crots - Hautes-Alpes) 8/6/1924)
 Pour voir une notice : cliquez-ici.

Malgré ses qualités comme érudit (même s'il faut parfois prendre ses informations avec précaution), il était doté d'un fort mauvais caractère, qui l'a conduit à se chamailler (le mot est même un peu faible) avec tous ceux qui se piquaient d'érudition sur le même territoire que lui : les Hautes-Alpes. Aristide Albert n'a évidemment pas fait exception. Pour preuve, il a apporté un commentaire sur cette publication et le travail d'Aristide Albert. Je vois laisse découvrir le jugement pour le moins peu amène qu'il porte sur tout cela :

«  L'ouvrage de Froment est de médiocre importance; avec un petit nombre de curieux renseignements (très petit nombre) sur les vieux usages du Briançonnais, il a amalgamé un tas d'inepties, de contes et le résultat insipide d'une érudition indigeste. Cependant,  comme l'ouvrage est fort rare et qu'on aurait pu y joindre des notes intéressantes, on a bien fait de le réimprimer, mais il aurait fallu le réimprimer proprement, c'est à dire avec un certain nombre de notes courtes, claires et intéressantes. Or nul n'était moins propre que M. Albert à faire ce travail, car il demande de l'érudition et de l'instruction; l'éditeur ne possédait ni l'une ni l'autre. Ses notes ne sont que des cancans encore plus absurdes que ceux de Froment; il nous raconte des histoires qui lui sont arrivées sans se donner la peine d'éclaircir les brouillards de son auteur. A la p. 262 par exemple on lit une inscription mystérieuse que Froment considère comme un des signes qui ont précédé l'embrasement de sa patrie; Albert la laisse sans commentaire. Ce n'est qu'une citation des saintes écritures, voici le texte complet : Anima [...] erunt ? Il en est ainsi pour toutes les inscriptions, pour toutes les citations de Froment. La préface ne vaut pas mieux que les notes, c'est le néant.  JR »

Cette note était à usage privé et ce n'est que le hasard des choses qui fait qu'aujourd'hui je la rends publique. Joseph Roman s'est montré tout de même plus mesuré dans la notice nécrologique qu'il consacre à Aristide Albert, même si le reproche de fond reste le même : "Si on pouvait considérer cela comme un travers, on lui reprocherait d'avoir trop aimé le Briançonnais ; il poussait cette idolâtrie exclusive au point de ne pas admettre qu'on discutât la valeur des écrivains originaires de cette contrée, pas même celle de Barthélémy Chaix et d'Antoine Froment. Presque toutes les publications de M, Albert sont relatives au Briançonnais. [...] Son seul travail de longue haleine est la réimpression des Essais d'Antoine Froment, ouvrage aussi rare que burlesque (Grenoble, Allier, 1868 in-8° XV et 349 pages). Malheureusement cette édition aurait eu besoin de notes et de commentaires qui ne s'y trouvent point."

Reconnaissons un mérite à Joseph Roman. Il faisait relier ses ouvrages avec soin et les ornait de son bel ex-libris :