samedi 26 juillet 2014

Le Chamois, par le Docteur Marcel Couturier, 1938

Parmi les ouvrages classiques sur les animaux de montagne, ceux du docteur Marcel Couturier gardent une place à part. En 4 travaux magistraux : Le Chamois (1938), L’Ours brun (1954), Le Bouquetin des Alpes (1962) et Les Coqs de bruyère (1980), il a fourni des monographies scientifiques précises et exhaustives sur  ces animaux, en abordant tous les aspects : histoire naturelle, éthologie et, plus inhabituelle, chasse. Ces livres sont très abondamment illustrés, sur la base des propres clichés et dessins de l'auteur, et contiennent une très riche bibliographie. J'imagine que depuis, de nombreux travaux scientifiques ont complété la connaissance de ces animaux.


Ces ouvrages sont aussi des beaux livres à collectionner. Il y a quelques mois j'ai acquis un exemplaire du tirage de tête (à l'époque, les ouvrages scientifiques faisaient aussi l'objet de tirage de tête!) de sa monographie sur Le Chamois. C'est une bonne occasion de présenter ces travaux et l'auteur (voir la notice plus complète sur le site : cliquez-ici).


C'est une belle impression de l'imprimerie Allier de Grenoble, pour le compte des éditons Arthaud de Grenoble. Le tirage de tête est composé de 15 exemplaires sur Japon impérial et 80 exemplaires sur Hollande Van Gelder (j'ai le n° 72).
Pour donner quelques chiffres afin d'illustrer l'ampleur du travail, l'ouvrage compte plus de 850 pages, en un seul volume pour la tirage courant et en 2 volumes pour le tirage de tête. Pour les illustrations, le titre annonce : "110 clichés au trait, 15 radiographies, 473 héliogravures, 34 cartes en deux couleurs". Elles sont reparties entre 103 planches pleine page, dont seule la première, en frontispice, est hors texte, et 76 figures dans le texte. La bibliographie à la fin de l'ouvrage répertorie plus de 1000 références.

Cette planche, choisie parmi toutes celles qui illustrent l'ouvrage, montre le travail de précision scientifique de Marcel Couturier, basé sur des observations nombreuses et une recension photographique des particularités des animaux.

Cette autre planche est aussi l'occasion de parler plus longuement de l'auteur.  Elle illustre l'autre aspect de la personnalité de Marcel Couturier, celle du chasseur impénitent qui, époque oblige, est fier de poser au milieu de ses trophées de chasse, trophées qui seront aussi minutieusement étudiés pour enrichir son travail scientifique, comme le montre la planche précédente.


En effet, le Docteur Marcel Couturier (1897-1973) était non seulement un grand chirurgien, un alpiniste de haut niveau (il a réalisé en 1932 avec A. Charlet la première ascension de la face nord de l’Aiguille Verte par le couloir appelé depuis couloir Couturier), un naturaliste de renom et un des promoteurs des parcs nationaux en France, en particulier celui de la Vanoise. C'était aussi un grand chasseur, qui n'hésita pas à exposer ces exploits dans ce livre paru en 1949 : Sur les traces de mes 500 chamois de France (changement d'époque oblige, la réédition de 1986 s'appelle plus simplement Mes Chamois de France et de Navarre). Il contient une page qui recense précisément son tableau de chasse :

Il a même été condamné deux fois pour braconnage, ce qui, pour une notabilité comme lui, montre qu'il avait vraiment dû dépasser les limites.

Ces deux aspects de sa personnalité sont clairement et honnêtement abordés dans les 2 notices de référence que l'on trouve sur Internet : site de l'Association pour Histoire de la Protection de la Nature et de l'Environnement (AHPNE) : cliquez-ici (la plus complète) et site du Muséum d'Histoire Naturelle de Grenoble : cliquez-ici. Pour prendre aussi du recul sur cette apparente contradiction, je rappelle ce que j'ai pu écrire sur Henry Faige-Blanc (1811-1901) qui a publié, sous le pseudonyme d'Alpinus, ses récits de chasse : La Chasse Alpestre en Dauphiné, paru en 1874 et réédité en 1925 avec des illustrations d'Emile Guigues. Dans ses récits, agrémentés de nombreuses digressions sur la cuisine, les mœurs, la politique, la philosophie, etc., au ton plein de verve, de légèreté, avec un soupçon de gauloiserie, l'auteur se veut aussi un défenseur des animaux. Dans son chapitre sur l'ours, il défend la réputation de l'ours, contre ceux qui le considèrent comme dangereux ou agressif. Par différents récits de chasse, il approche et décrit les mœurs de cet animal, qu'il souhaite voir toujours habiter nos montagnes. Son vibrant plaidoyer pour l'animal, joint à une vigoureuse défense de la chasse, n'est pas sans contradiction. Il ne semble pas se rendre compte qu'il concourt à la disparition de cet animal qu'il veut défendre. L'importance de la population d'ours vivant alors dans les massifs dauphinois lui masquait probablement le déclin inexorable. On retrouve ce même manque de lucidité pour les autres animaux.
Cette photo fait écho à celle du Dr Couturier devant les chamois de son tableau de chasse (reconnaissons qu'Alpinus a la fierté plus démonstrative!)

Par son âge et son origine, le docteur Marcel Couturier est l'héritier de cette époque, mais aussi un passeur vers une autre époque, celle que nous connaissons aujourd'hui, de la protection de l'environnement.

Pour finir, cette photo de chamois prise presque au bord de la route, en montant à l'Izoard, au printemps 2012 :


samedi 12 juillet 2014

Un nouvel ouvrage sorti des presses de Louis Perrin, à Lyon

J'ai déjà eu l'occasion de parler de Louis Perrin (1799-1865) un célèbre imprimeur de Lyon, réputé pour la qualité de sa typographie et par l'invention des caractères augustaux. Il a fait l'objet de plusieurs ouvrages, d'expositions, d'un catalogue thématique par la libraire Anne Lamort (voir ce message : cliquez-ici).


Un érudit, Jean-Louis Mestrallet, était devenu le spécialiste de Louis Perrin. Il a consacré son temps à établir une bibliographie exhaustive des ouvrages imprimés par Louis Perrin et, en corollaire, il s'est constitué une belle bibliothèque d'ouvrages ... de Louis Perrin. Décédé le 13 janvier 2013 à l'âge de 78 ans, sa bibliothèque a récemment été vendue aux enchères à Villefranche-sur-Saône, le 19 juin 2014, par la maison de vente Guillaumot-Richard. Le dernier lot de la vente était un "Essai de catalogue des impressions de Louis Perrin (1821-1865)", composé de  2 forts classeurs avec chaque feuille sous plastique transparent, représentant la version imprimée de son monumental travail de bibliographie, malheureusement resté inédit. J'ai eu la chance d'être en relation avec lui. Il me l'avait gracieusement communiqué.

Couverture du catalogue de la vente


Lors de cette vente, j'ai voulu me porter acquéreur d'un ouvrage, en hommage et en souvenir de cet érudit dont le travail et la démarche bibliophilique sont une source d'inspiration pour mon propre travail de bibliographie sur le Dauphiné et les Hautes-Alpes. Il s'était attaché à se constituer une bibliothèque composée de beaux exemplaires. Il n'était donc pas difficile de trouver un lot pouvant satisfaire ma double exigence bibliophilique et thématique. Mon choix s'est porté sur : 
De Lyon à Seyssel. Guide historique et pittoresque du voyageur en chemin de fer. Promenade dans l'Ain par un Dauphinois.


Certes, l'Ain n'est pas le Dauphiné, mais il en est proche. Et, comme l'indique le titre, l'auteur anonyme est dauphinois. Il s'agit du comte Emannuel de Quinsonas (1818-1901), membre d'une illustre famille noble du Dauphiné, les Pourroy de L'Auberivière, de la branche des Quinsonas. L'ouvrage contient d'ailleurs son blason (planche p. 778), indice semé au détour d'une page pour identifier l'auteur.


L'ouvrage a paru en 1858, sorti des presses de Louis Perrin, dont on reconnaît immédiatement la qualité de la typographie, en particulier dans les nombreux bandeaux et culs-de-lampe qui illustrent l'ouvrage. Celui-ci (p. 365) est un des plus beaux exemples.


Gravure signée LP (Louis Perrin), il reprend les lettres P et M, de Philibert de Savoie et Marguerite d'Autriche, à la fin du chapitre consacré au monastère de Brou. Rappelons que ce monastère a été créé par Marguerite d'Autriche pour abriter le tombeau de son mari Philibert de Savoie, trop tôt disparu.

Comme on peut le remarquer, sur la page de titre, il est précisé : "Se vend au profit des Pauvres de Seyssel".

C'est un exemplaire bien relié, en maroquin rouge. C'est un des exemplaires réservés à l'auteur, comme exemplaire de présent. Il l'a offert à Paul Allut, un érudit lyonnais (1794-1880), auteur entre autres d'une étude sur Nicolas Chorier, parue chez Louis Perrin, ainsi que d'ouvrages d'érudition sur le père Claude François Menestrier et Symphorien Champier (pour en savoir plus, cliquez-ici).


L'exemplaire a ensuite appartenu à Joseph Nouvellet (1841-1904), un bibliophile lyonnais, installé à Saint-André-de-Corcy dans l'Ain.


Il avait réuni une bibliothèque importante, vendue plusieurs années avant sa mort, par Louis Brun libraire-expert à Lyon. Cette collection se composait principalement d'ouvrages relatifs à l'histoire de Lyon, du Lyonnais, de la Bresse, du Bugey et de la Dombes : Catalogue de l'importante et magnifique bibliothèque de M. X. ... de Lyon ... vente aux enchères publiques à l'Hôtel des ventes à Lyon, le lundi 14 décembre et 8 jours suivants, Lyon, 1891.

Apropos de Louis Perrin, je lui ai consacré une notice sur mon site (cliquez-ici), car je possède 6 ouvrages dauphinois qui sortent de ses presses.

Ci-dessous la notice sur cet ouvrage dans la bibliographie de Jean-Louis Mestrallet, à titre d'exemple sur sa méthode et son travail :

dimanche 6 juillet 2014

Maquisards et Gestapo, de Richard-Duchamblo, exemplaires de l'auteur et de ses parents

Il y a quelques années, je présentais la collection complète de Maquisards et Gesatapo, 19 cahiers parus entre 1946 et 1949 à Gap, rédigés par le père Joseph Richard (1906-2003), dit Duchamblo en Résistance, qui entreprit un travail de mémorialiste sur la Résistance dans les Hautes-Alpes.


Comme je le disais à l'époque, une telle série complète est une rareté, car aucun des grands dépôts publics n'en possède une collection complète.

Depuis, j'ai eu la chance de pouvoir dénicher une autre série, certes incomplète (il manque les 5 premiers cahiers), qui contient 25 fascicules, dont certains sur grand papier, ayant appartenu à Richard-Duchamblo lui-même et à ses parents, avec envois et notes manuscrites.

Cette collection des cahiers de Maquisards et Gestapo, du 6e au 19e cahier comporte des exemplaires en double ou en triple. Le total représente 25 exemplaires. En règle générale, il y a deux exemplaires. Le premier est l'exemplaire personnel de l'abbé Richard-Duchamblo, sur papier courant, portant sa signature, avec parfois des notes manuscrites ou des documents et le deuxième un exemplaire sur papier vélin (exemplaire de « luxe ») avec des envois de l'abbé Richard à ses parents.

Pour donner quelques exemples afin d'illustrer l'intérêt de cette série :

Cahier hors-série. Paul Héraud (Commandant Dumont).

Un exemplaire du tirage de tête sur vélin, un des 200 exemplaires du tirage de luxe (n° 45) avec envoi à ses parents :
« Cher Papa et Maman, voici l'exemplaire de luxe que les éditeurs vous ont réservé et que j'ai la joie de vous transmettre, Joseph +, Gap 30 Oct 46. » 


Un exemplaire du tirage courant avec plus d'une dizaine de notes manuscrites de l'abbé Richard-Duchamblo : 


Dixième cahier
Un exemplaire sur vélin avec envoi à sa mère : «A Maman pour son anniversaire, 4 mars 48, Joseph +, Gap, 8 mars 48. ». Notons que l'exemplaire est en partie non coupée :


Douzième cahier
Ce cahier est particulièrement intéressant. C'est un exemplaire du tirage courant avec signature manuscrite « Duchamblo » et mention « Personnel » sur la couverture :


Il contient des notes manuscrites pour plusieurs articles, comme celui sur Les maquis de Champoléon en 1943 :


Surtout, il contient deux feuillets tapuscrits avec, au recto, un texte « Révision générale Douzième cahier », daté et signé en fin « R. D. oct 48 », à propos des carnets du lieutenant Rouxel dont Richard-Duchamblo a eu communication par les parents du lieutenant.


C'est une pièce inédite.

Il contient aussi deux petits feuillets, visiblement extraits d'un carnet, portant des notes manuscrites au crayon à papier, difficilement lisibles, sur Paul-Marie Radius.


Les lieutenants Rouxel et Radius se sont illustrés au sein de la Résistance dans les Hautes-Alpes.

En définitive, avec cette collection, je possède tous les cahiers du 7e au 19e sur un papier vélin  de bonne qualité, plus fort pour les premiers, qui les distinguent des exemplaires sur papier courant, papier de mauvaise qualité comme on devait seulement en trouver à la sortie de la guerre.

Pour une description précise et complète : cliquez-ici.

Pour conclure ce message, cette photo de lui-même, assez humoristique, où l'on voit les deux personnalités de Joseph Richard : l'abbé Richard et le résistant Duchamblo.