dimanche 29 mars 2015

Bélôti, un enfant des Hautes-Alpes

Une naissance récente dans ma proche famille m'a remis en mémoire une petit fascicule acheté il y a quelques années : Bélôti, publié dans la collection « Bibliothèque de Travail - Collection de brochures hebdomadaires pour le travail libre des enfants ». Pour ceux qui s'intéressent à l'histoire de l'éducation, il s'agit de petits cahiers pédagogiques publiés en support de la démarche pédagogique appelée l'école Freinet, fondée par Célestin Freinet (pour aller plus loin : Pédagogie Freinet et Bibliothèque de Travail, sur Wikipédia).


Il s'agit du récit des 10 premières années d'enfance d'une petite fille, surnommée Bélôti, née en 1828, dans une famille de cultivateurs d'un village des Hautes-Alpes. L'intérêt du texte est qu'il contient de nombreuses notations sur les mœurs et coutumes de la petite enfance dans les Hautes-Alpes. A titre d'exemple, les soins apportés au nouveau-né :
On ne lave jamais Bélôti avec de l'eau.
De temps en temps, on lui passe sur les yeux du lait de sa maman. Le dimanche, on lui frotte sur tout le corps un peu de vin clairet sucré : on dit que c'est pour la fortifier.
On ne la baigne jamais.
On ne lui lave jamais la tête. On laisse venir sur son crâne une croûte de crasse noire : ça protège le cerveau, disent les grand-mères, et ça s'en ira tout seul, quand les cheveux auront poussé...
L'habillement d'un petit enfant :
Bélôti est maintenant un poupon de huit mois. On lui met une petite robe à corselet taillée dans une vieille jupe de sa grand-mère. Sur la tête, elle a toujours sa berre, grand bonnet à trois pièces que l'on garnit de laine frisée. On la chausse de bons bas tricotés et de petits souliers à barrettes faits par le cordonnier.
Sur les épaules, elle a son petit fichu fin qui empêche le cou et le menton de frotter sur la rude étoffe de la robe.
Ainsi vêtue, Bélôti ressemble à une toute petite grand-mère.
L'initiation précoce au travail :
Dès que Bélôti sait se servir de ses mains, on lui apprend à faire de petites choses utiles.
L'hiver, elle dévide la laine au dévidoir; elle défait les vieux bas, va jeter les cendres pour faire fondre la neige.
L'été, elle va chercher du crottin sur les routes avec son petit balai de bruyère et son petit panier d'osier : c'est pour fumer le jardin. Elle va aussi à la feuille morte pour faire la litière du bétail, et elle cueille des herbes pour les vaches et les petits veaux. Quand la moisson est finie, elle va glaner dans les chaumes.
A sept ans, elle est déjà une fillette travailleuse.

Dans la ronde du travail
Bélôti a maintenant dix ans. Elle doit travailler, gagner sa vie comme une grande personne.
Chaque saison lui apporte sa besogne.
L'hiver, elle apprend à tresser la paille, 3 pailles, 5 pailles, 7 pailles, 11 pailles ! Avec les tresses de paille, sa maman fait de grandes capelines pour le soleil et la pluie et de beaux cabas qu'on ira vendre à la foire.
Bélôti apprend aussi à filer le chanvre et la laine au petit rouet.
Elle sait tricoter des bas, raccommoder les vêtements. Elle sait aussi faire de solides boutons en fil de chanvre, pour les chemises des hommes.
L'été, Bélôti va garder les vaches dans les pâturages. Le dimanche, elle monte, là-haut, dans les hauts alpages, ramasser les violettes, les véroniques, la bétoine, l'absinthe, le thé des Alpes, toutes sortes de plantes médicinales, qu'on vendra aux foires d'automne pour faire un peu d'argent.
A dix ans, déjà, Bélôti gagne sa vie.
On y trouve des évocations de la vie quotidienne : le pain, le colporteur, les travaux des champs, la maison, etc., ainsi que certains usages : le baptême, le carnaval, etc. Une reproduction numérique est disponible sur le site de l'ICEM : cliquez-ici.


L'intérêt de cet ouvrage est qu'il est écrit par une institutrice des Hautes-Alpes, Julie Lagier-Bruno, née Julie Rostollan à Vars (Hautes-Alpes) le 8 octobre 1870, fille de Claude Rostollan, cultivateur, et Élisabeth Pellissier. Il est fort probable que ce récit soit directement issu des souvenirs d'enfance de la mère de Julie Rostollan, car celle-ci est née à Vars le 3 novembre 1828 (le texte parle du 19 novembre 1828) et Bélôti est un diminutif d’Élisabeth. C'est ce qui fait tout le prix de ce court texte. Les témoignages directs sur les mœurs et coutumes par ceux qui les ont eux-mêmes vécus sont souvent rares. La parole, dans ce domaine, est souvent celle des érudits locaux ou des chercheurs et moins celle des habitants eux-mêmes.

De son mariage avec Claude Lagier-Bruno, lui-même instituteur à Vallouise, Julie Rostollan aura plusieurs enfants, dont Elise Lagier-Bruno, l'épouse de Célestin Freinet. Ce fascicule de l'école Freinet est donc un travail de famille, puisque l'auteur est la belle-mère de Célestin Freinet et les illustrations, de sa femme Elise Freinet.

Voir une généalogie d’Élise Lagier-Bruno, épouse de Célestin Freinet : cliquez-ici.

Description de l'ouvrage


Mme Lagier-Bruno, institutrice en retraite.
Bélôti
Cannes, « Bibliothèque de Travail », n° 79, 1949, in-8° (229 x 155 mm), 24 pp., une photographie en noir et blanc dans le texte, nombreux dessins dans le texte, dont 2 fusains, couverture illustrée d'un fusain.
Les dessins sont d'Elise Freinet, née Lagier-Bruno.
La couverture imprimée sert de titre.


lundi 16 mars 2015

Une médaille moderne pour Gap

Médaille frappée à l'occasion des Journées Numismatiques de Gap, 6-7 juin 2014.
Vappincum est le nom antique de Gap.

Une fois n'est pas coutume, c'est une médaille que je présente aujourd'hui. Elle a été fondue à l'occasion des Journées Numismatiques de Gap, 6-7 juin 2014. Elle m'a été offerte par Jean-Pierre Garnier, l'auteur de la médaille, pour des raisons que l'on va bientôt voir.

Revers

Notice explicative


Les différentes contributions présentées lors de ces journées numismatiques ont été rassemblées dans un bulletin. Non seulement ces journées se sont déroulées à Gap, dans les Hautes-Alpes, mais de très nombreuses communications concernent ce département. Pêle-mêle, on y trouve des articles sur le trésor du Noyer, les monnaies de la Bâtie-Montsaléon, le journal de Fazy-de-Rame, le médailler du Musée départemental, etc. Rien qu'à ce titre, ce bulletin mérite déjà d'appartenir à une bibliothèque haut-alpine.


Mais, encore plus proche de ce que sont les centres d'intérêt de ce blog, on trouve : Paul Guillemin et la médaille du Club alpin français par Oscar Roty, une communication de Jean-Pierre Garnier sur une médaille dont le droit et le revers sont reproduits ci-dessous :



Cette médaille, gravée vers 1889,  a été donnée par Paul Guillemin aux Archives départementales des Hautes-Alpes en 1920. Pour la rédaction de cet article, j'ai apporté mes modestes lumières sur cette riche personnalité des Hautes-Alpes, qui a tant fait pour le département. En particulier, j'ai fourni ce beau portrait de Paul Guillemin, d'après une photographie de Jacques Garcin, photographe à Lyon, originaire du Queyras.


En remerciements, Jean-Pierre Garnier m'a offert une des épreuves de la médaille gravée pour cet événement.

lundi 9 mars 2015

Livres pour la jeunesse qui ont pour cadre la montagne et les Alpes dauphinoises

Je ne me suis encore jamais vraiment intéressé aux livres pour la jeunesse qui ont pour cadre la montagne. Autant je sais que le livre pour la jeunesse a maintenant ses collectionneurs, qui sont parfois prêts à payer fort cher des ouvrages (selon quels critères, je ne sais), autant je ne sais pas si le créneau plus restreint du livre de montagne pour la jeunesse a été plus particulièrement exploré. C'est le hasard d'une brocante à Chambéry qui m'a fait découvrir cet ouvrage. J'ai eu l’œil attiré par les illustrations, dont j'aime le style sobre, dépouillé et cependant évocateur. Et quand j'ai vu le mot Dauphiné en le feuilletant, ma décision était prise !
Il s'agit d'une enquête du style "club des cinq", mais je n'entrerai pas plus dans les détails. 





Paru en 1944, aux éditions Archat, il est illustré par A. Brunyer.

Qui est Jean des Brosses ? Je ne sais pas vraiment. Bien représenté dans le catalogue de la BNF, il est l'auteur de pièces de théâtre (plusieurs fois en collaboration avec Gabriel d'Hervilliez) et surtout de livres pour la jeunesse, dans l'esprit scoutisme (cliquez-ici) et énigme policière pour jeunes lecteurs. Les dates extrêmes de ses publications sont 1936 et 1959. S'agit-il de lui : cliquez-ici ?

L'illustrateur est A. Brunyer, dont on ne sait guère plus. Il semble s'être plutôt fait connaître comme affichistes.

Quant à l'éditeur, Archat, il était en même temps installé à Lyon, 7 place Antonin-Poncet et à Paris, 12, rue d'Anjou. Il a été assez actif pendant la Seconde guerre mondiale.

En fouillant dans ma bibliothèque, j'ai trouvé quelques autres livres pour la jeunesse qui ont pour cadre la montagne et, plus précisément, les Alpes dauphinoises.

D'abord un livre pour adolescent dont le héros, fasciné par une image de la Meije, se fait aide-berger à La Grave et découvre ainsi le monde de la montagne. C'est un récit d'initiation, illustré par Michel Gourlier :
Suzy Arnaud-Valence
La route de là-bas
Paris, Magnard, [1968], in-8°, 171 pp., culs-de-lampe, 8 planches hors texte (dessins en couleurs) dont une en frontispice, cartonnage de l'éditeur, jaquette illustrée d'un dessin en couleurs, rhodoïd.
Collection : "Fantasia", n° 95.


Un roman pour la jeunesse sur la vie d'une femme juive réfugiée dans le Queyras durant la guerre et sur la vie de son fils dans le Queyras d'après-guerre :
Zlata Pirnat
Comme une source
Paris, Magnard, (1971), in-8°, 184-[8] pp., vignettes gravées dans le texte, 8 planches illustrée de dessins en couleurs hors-texte d'après des dessins de Philippe Lorin, cartonnage de l'éditeur, jaquette illustrée en couleurs, jaquette rhodoïd.
Collection "Fantasia", n° 137.



Enfin, signé d'un illustrateur plus prestigieux, Samivel :
Micheline Morin
Trag, le Chamois
Paris, Delagrave, 1948, in-8°, 125 pp., 47 dessins dont 10 hors texte
Récit qui se passe dans le Combeynot, près du Lautaret.