lundi 8 septembre 2008

Les libraires Nicolas de Grenoble, Nicolas Chorier et Luisa Sigea

A tous ceux qui s'intéressent à la bibliophilie dauphinoise, je conseille de se procurer le travail magistral de Henri-Jean Martin et Martin Lecocq : Livres et lecteurs à Grenoble. Les registres du libraire Nicolas (1645-1668), Genève, Libraririe Droz; Paris, Librairie Champion, 1977.



Par une chance extraordinaire, les registres du libraire Jean Nicolas ont été conservés. Ils couvrent les années 1645 à 1668, avec quelques lacunes. Après avoir dépouillés ces registres, Henri-Jean Martin et Martine Lecocq se sont livrés à un travail de bénédictins pour identifier tous les acheteurs et vendeurs de Jean Nicolas et tous les ouvrages achetés ou vendus. L'étude qui ouvre le livre contient une analyse de la société grenobloise du milieu du XVIIe siècle et de ses élites. C'est l'occasion de pénétrer dans les bibliothèques des Grenoblois, d'analyser leur rapport au livre, la nature et la valeur de leurs achats, etc. On apprend par exemple qu'ils étaient peu intéressés par les grands classiques, mais qu'ils étaient grands acheteurs de littérature contemporaine et d'ouvrages de droits. Ils étaient aussi très intéressés par tous les ouvrages d'actualité, en particulier tous ceux qui concernaient les controverses religieuses qui étaient alors très vives dans la province ou les fameuses Mazarinades. Certains mêmes étaient abonnés à La Gazette, que Jean Nicolas distribuait ou mettait à disposition. La clientèle de Nicolas était essentiellement composée de Grenoblois, mais on trouve aussi quelques clients dans le reste de l'Isère, la Drôme et les Hautes-Alpes. L'autre volet de l'étude de H.-J. Martin traite du métier de libraire et d'éditeur de Nicolas. On y apprend qu'il ne vivait pas seulement de son métier de libraire, mais avait aussi une activité importante de papeterie et, qu'à l'occasion, il vendait des gants, des peaux et autres objets ou se faisait homme d'affaires. Il se trouvait au centre d'un réseau de correspondants, où l'on retrouve de nombreux libraires lyonnais et quelques confrères grenoblois (Philippe Charvys). A travers l'étude de sa situation financière et des prix des livres, il apparaissait indispensable pour lui d'être éditeur et vendeur de contrefaçons.
En plus de cette étude, l'ouvrage contient la listes complète des clients et des libraires correspondants et la liste des livres achetés et vendus.

Pour poursuivre sur le Dauphiné au XVIIe siècle, j'ai décrit ce week-end un bel exemplaire que je viens d'acquérir d'une étude de Paul Allut sur Luisa Sigea, aussi connue sous son nom latin d'Aloysia Sigea : Aloysia Sygea et Nicolas Chorier, Lyon, N. Scheuring, 1862.



Emu par la diffamation dont elle a été victime lorsque Nicolas Chorier lui attribua les dialogues érotiques qu'il publia vers 1660 : Aloysiae Sygeae Toletanae de arcanis amoris et veneris, Paul Allut entreprend de la réhabiliter en écrivant sa biographie. Il rend hommage à son savoir et à sa vertu. Il rapporte de nombreux témoignages élogieux sur elle, laissés par ses contemporains. Cet ouvrage est aussi intéressant par l'étude sur la "paternité" de l'ouvrage érotique en question. On y retrouve le libraire Nicolas, qui aurait publié le livre et dont le fils aurait donné la première traduction. On revient ainsi au début de ce message car Henri-Jean Martin évoque longuement Nicolas Chorier et son ouvrage "infâme", pour reprendre le terme de Paul Allut.

Ce petite plaquette, seulement tirée à 112 exemplaires, a été imprimée par le célèbre Louis Perrin de Lyon sur un beau papier de Hollande des papèteries BFK de Rives.


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