samedi 6 décembre 2008

Deux publications de la Librairie Dauphinoise

Entre 1897 et 1903, Félix Perrin voulut doter le Dauphiné de publications de qualité, qui alliaient un texte de référence et une qualité bibliophilique des ouvrages (typographie, tirage de luxe, illustrations, etc.), le tout à la gloire de la province.

En association avec H. Falque, sous la dénomination commerciale de Librairie dauphinoise, ce qui disait bien leur objectif, ils publièrent quelques beaux ouvrages. J'en est décrit deux ce week-end.


Le premier est l'ouvrage fondateur de la collecte ethnologique de chansons populaires dans les Alpes :
Chansons populaires recueillies dans les Alpes françaises (Savoie et Dauphiné), de Julien Tiersot, paru en 1903.

C'est la publication des résultats d'une enquête menée par Julien Tiersot de 1895 à 1900 dans les Alpes françaises afin de recueillir les chansons populaires. Il en donne 227, dont une bonne partie avec la musique notée. Le chapitre consacré aux danses contient un développement particulier sur le Bacchu-Ber, la célèbre danse d'épées du Briançonnais.


A la lecture de ces pages, on sent l'amour de l'auteur pour son sujet et le très grand respect, voir la sympathie, pour tous les Alpins, qu'ils soient savants ou issus du peuple, qui l'ont aidé dans sa quête.

L'exemplaire décrit est un des cinquante exemplaires du tirage de tête sur papier Japon, dans une reliure demi-maroquin havane à coins.

En conclusion, un beau texte, doublé d'un bel objet.

Julien Tiersot : "C'est une manière d'alpinisme assez inédite que celle qui consiste à courir la montagne à la recherche des chansons populaires".


Le deuxième ouvrage est un recueil de poèmes d'Emile Roux-Parassac sur sa famille (en particulier son fils Jean-Xavier), la patrie, les Alpes, le Dauphiné, etc.:
Souffles d'en haut. Poèmes intimes et poèmes alpestres, publié en 1902.
Il est richement illustré par des reproductions d'œuvres d'artistes dauphinois.


Cet ouvrage, par son thème et son iconographie, ainsi que par les nombreux artistes qui ont contribué à sa réalisation, se voulait un hommage bibliophilique au Dauphiné, alliant la qualité du texte, de l'illustration, de la typographie et du papier. En faisant appel à de nombreux artistes dauphinois, l'auteur voulait rassembler ce qui se faisait de mieux dans la province. Malgré cela, l'ouvrage n'échappe ni à l'académisme, ni à une certaine préciosité. Cette entreprise éditoriale doit être replacée dans le mouvement de valorisation de la province, qui souhaitait la doter d'une bibliophilie de qualité, pouvant rivaliser avec d'autres productions régionales ou parisiennes. Au tournant du siècle, la Librairie dauphinoise a eu cette ambition, qui s'est concrétisée par quelques belles réalisations comme celle-ci ou la Revue dauphinoise. Malheureusement, les résultats et le succès n'ont pas été au rendez-vous. Emile Roux-Parassac, malgré tout l'amour qu'il portait à son pays natal et à ses Alpes, n'avait pas le talent qui permettait de faire de cet ouvrage une pièce de collection qui traverserait les années. Il en reste juste un bel ouvrage, un peu recherché, mais qui n'a pas fait date.






Que ce commentaire ne laisse pas penser que je n'ai pas une forme d'attachement pour ce bel objet, un peu dérisoire et suranné.


Parmi les autres beaux livres publiées par la Librairie dauphinoise, le plus connu et le plus recherché est la somme de John Grand-Carteret : La Montagne à travers les âges, référence sur l'image et la représentation de la montagne à travers les âges, bel ouvrage richement illustré. J'avais déjà eu l'occasion de le décrire.

Pour finir sur Félix Perrin, je souhaiterais en savoir plus sur lui. Je ne connais ni sa date de naissance, ni celle de son décès. Il s'est illustré aussi bien comme alpiniste que comme libraire et bibliophile. Comme alpiniste, il œuvra à la découverte et à la mise en valeur des Alpes Dauphinoises. Avec W.-A.-B. Coolidge et Henry Duahmel , il est le rédacteur de l'ouvrage fondateur de la description touristique des Alpes dauphinoises : Guide du Haut-Dauphiné, paru en 1887, ancêtre de tous les guides d'excursions et de randonnées dans le massif des Ecrins.

Félix Perrin a probablement été trop ambitieux dans son entreprise éditoriale. Suite à des difficultés financières, il dut vendre sa bibliothèque en décembre 1903. Le catalogue est une référence encore indispensable de la bibliographie dauphinoise : Catalogue des livres dauphinois et autres, anciens et modernes, cartes, tableaux et objets d'art provenant de la bibliothèque de M. Félix Perrin, ancien libraire-éditeur.

En guise d'amuse-gueule, j'ai décrit une petite plaquette savoureuse, où Emile Roux-Parassac brocarde en vers la manie querelleuse de l'érudit haut-alpin Joseph Roman : Un Roman Scientifique. Simple croquis des Mœurs savantes.


L'image du jour sera cette illustration d'Emile Guigues, pour Souffles d'en haut. Que ceux qui ne connaissent pas cet illustrateur haut-alpin découvrent son trait léger et ironique, qui a illustré de nombreux ouvrages dauphinois à la croisée des XIXe et XXe siècles. La page que je lui consacre mériterait d'être plus développée.




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