J'ai commencé à m'intéresser aux torrents des Alpes lors de la description des deux ouvrages de Scipion Gras. Ce week-end, c'est l'ouvrage fondateur d'Alexandre Surell qui a été l'objet de toutes mes préoccupations.
Alexandre Surell (1813-1887), polytechnicien, ingénieur des Ponts et Chaussées, s'est retrouvé à 23 ans nommé dans un département bien éloigné de sa Lorraine natale : les Hautes-Alpes. Il y resta 6 ans, mais dès 1838, à 25 ans, il rédigea une Etude sur les torrents des Hautes-Alpes, qui se trouve être l'ouvrage fondateur de toutes les politiques de restauration des terrains de montagne depuis plus de 150 ans.
Le premier, il décrivit les torrents des Alpes et les phénomènes torrentiels, alliant la théorie à l'observation pratique sur les torrents de l'Embrunais (torrent de Boscodon, du Rabiou, etc.). Allant au delà des moyens de défenses couramment utilisés à son époque: barrages, digues, murs, levées, etc., il préconisa d'aller à la source du problème et recommanda le reboisement des bassins d'altitude et le regazonnement des alpages, s'opposant aux surpâturage, qui était de règle à l'époque. Au-delà des recommandations techniques, il aborda aussi les aspects législatifs, règlementaires et administratifs qui devaient servir de cadre au déploiement d'une politique de restauration des terrains de montagne.
Cet ouvrage est paru chez Carilian-Goeury et Victor Dalmont à Paris en 1841. Malgré la pertinence de son message, il ne sera entendu qu'en 1860, lorsque fut promulguée la première loi de reboisement des montagnes. Il avait fallu attendre les crues catastrophiques et d'ampleur nationale de 1856 pour que les autorités se préoccupent vraiment du problème.
Illustré de 6 planches, il fait le tour de la question. Il contient une belle représentation des torrents issus du Mont Saint-Guillaume, au dessus d'Embrun, basée sur la carte de Cassini.
Pour ceux qui s'intéressent à cette question, je recommande un ouvrage de référence :Restaurer la montagne. Photographies des Eaux et Forêts du XIXe siècle, 2004, paru à l'occasion d'une exposition présentée au Museon Arlaten, d'Arles, qui exploite les fonds photographiques des Eaux et Forêts, riches en clichés qui illustrent les travaux de reboisement dans les Alpes (Hautes-Alpes, Alpes de Haute-Provence et Alpes-Maritimes).
Dans un des articles introductifs : De la politique française de restauration des terrains de montagne à la prévention des risques naturels (pp. 15-22), Gérard Brugnot et Yves Cassayre donnent un historique de cette politique depuis la fin du XVIIIe siècle jusqu'à nos jours.
Cet ouvrage se distingue par la qualité des photographies tirées des fonds d'archives des Eaux et Forêts.
Pour revenir à Alexandre Surell, notons qu'il s'inspire d'un ouvrage fondamental du Saint-Simonisme : Des intérêts matériels de la France, de Michel Chevalier, qui plaide en faveur de l'action de l'Etat pour la "replantation" des forêts dans les Alpes, les Pyrénées, les Vosges et les Landes. On ne dira jamais assez l'influence que cette pensée a eu sur les administrateurs "éclairés" du début du XIXe siècle, qui ont fait la France moderne. Je partage l'opinion de la notice Wikipedia sur le Saint-Simonisme :
Refoulement de la mémoire nationale
Méconnue à tort, la doctrine de Saint-Simon a été en prise avec son siècle. Elle reste, aujourd’hui, une matière à réflexion étonnamment moderne (technocratie, égalité des sexes, importance des réseaux, ...).
Les raisons du refoulement du saint-simonisme hors de la mémoire nationale sont multiples, et s'expliquent notamment par des prises de positions radicales jugées attentatoires à la propriété et aux mœurs, des textes difficiles à lire, et bien sûr le développement ultérieur et l'emprise considérable de la pensée marxiste, qui a condamné le saint-simonisme.
Alexandre Surell (1813-1887), polytechnicien, ingénieur des Ponts et Chaussées, s'est retrouvé à 23 ans nommé dans un département bien éloigné de sa Lorraine natale : les Hautes-Alpes. Il y resta 6 ans, mais dès 1838, à 25 ans, il rédigea une Etude sur les torrents des Hautes-Alpes, qui se trouve être l'ouvrage fondateur de toutes les politiques de restauration des terrains de montagne depuis plus de 150 ans.
Le premier, il décrivit les torrents des Alpes et les phénomènes torrentiels, alliant la théorie à l'observation pratique sur les torrents de l'Embrunais (torrent de Boscodon, du Rabiou, etc.). Allant au delà des moyens de défenses couramment utilisés à son époque: barrages, digues, murs, levées, etc., il préconisa d'aller à la source du problème et recommanda le reboisement des bassins d'altitude et le regazonnement des alpages, s'opposant aux surpâturage, qui était de règle à l'époque. Au-delà des recommandations techniques, il aborda aussi les aspects législatifs, règlementaires et administratifs qui devaient servir de cadre au déploiement d'une politique de restauration des terrains de montagne.
Cet ouvrage est paru chez Carilian-Goeury et Victor Dalmont à Paris en 1841. Malgré la pertinence de son message, il ne sera entendu qu'en 1860, lorsque fut promulguée la première loi de reboisement des montagnes. Il avait fallu attendre les crues catastrophiques et d'ampleur nationale de 1856 pour que les autorités se préoccupent vraiment du problème.
Illustré de 6 planches, il fait le tour de la question. Il contient une belle représentation des torrents issus du Mont Saint-Guillaume, au dessus d'Embrun, basée sur la carte de Cassini.
Pour ceux qui s'intéressent à cette question, je recommande un ouvrage de référence :Restaurer la montagne. Photographies des Eaux et Forêts du XIXe siècle, 2004, paru à l'occasion d'une exposition présentée au Museon Arlaten, d'Arles, qui exploite les fonds photographiques des Eaux et Forêts, riches en clichés qui illustrent les travaux de reboisement dans les Alpes (Hautes-Alpes, Alpes de Haute-Provence et Alpes-Maritimes).
Dans un des articles introductifs : De la politique française de restauration des terrains de montagne à la prévention des risques naturels (pp. 15-22), Gérard Brugnot et Yves Cassayre donnent un historique de cette politique depuis la fin du XVIIIe siècle jusqu'à nos jours.
Cet ouvrage se distingue par la qualité des photographies tirées des fonds d'archives des Eaux et Forêts.
Pour revenir à Alexandre Surell, notons qu'il s'inspire d'un ouvrage fondamental du Saint-Simonisme : Des intérêts matériels de la France, de Michel Chevalier, qui plaide en faveur de l'action de l'Etat pour la "replantation" des forêts dans les Alpes, les Pyrénées, les Vosges et les Landes. On ne dira jamais assez l'influence que cette pensée a eu sur les administrateurs "éclairés" du début du XIXe siècle, qui ont fait la France moderne. Je partage l'opinion de la notice Wikipedia sur le Saint-Simonisme :
Refoulement de la mémoire nationale
Méconnue à tort, la doctrine de Saint-Simon a été en prise avec son siècle. Elle reste, aujourd’hui, une matière à réflexion étonnamment moderne (technocratie, égalité des sexes, importance des réseaux, ...).
Les raisons du refoulement du saint-simonisme hors de la mémoire nationale sont multiples, et s'expliquent notamment par des prises de positions radicales jugées attentatoires à la propriété et aux mœurs, des textes difficiles à lire, et bien sûr le développement ultérieur et l'emprise considérable de la pensée marxiste, qui a condamné le saint-simonisme.