Un achat récent lors d'une vente aux enchères m'a inspiré ce billet. Année après année, je rassemble tous les ouvrages que je trouve sur le concile d'Embrun. Quel rapport avec le Dauphiné ? Comme chacun sait, Embrun est une ville des Hautes-Alpes (un des 3 départements constituant l'ancien Dauphiné), qui a été jusqu'en 1789 un archevêché dont le périmètre couvrait les Hautes-Alpes et une bonne partie des Alpes du Sud.
Un petit aperçu de ma collection d'ouvrages sur le concile d'Embrun :
En 1726, Jean Soanen est évêque de Senez (Alpes-de-Hautes-Provence), dépendant de l'archevêque d'Embrun, Pierre de Tencin. Depuis longtemps favorable aux thèses jansénistes, il publie une Instruction pastorale ouvertement janséniste. L'ambitieux archevêque d'Embrun prend prétexte de cette Instruction pour convoquer un concile à Embrun afin de juger l'évêque dissident.
Le concile a lieu à l'été 1727 et se termine en septembre 1727 par la condamnation de l'évêque de Senez à l'exil. Il est assigné à résidence à La Chaise-Dieu, où il est mort le 25 décembre 1740, âgé de 93 ans.
Ce concile a souvent été considéré comme une opération plus politique que religieuse. Jean Soanen avait alors 80 ans et son Instruction ne méritait probablement pas un tel déploiement de force. Mais l'archevêque Pierre de Tencin était ambitieux. Il espérait le cardinalat et un archevêché de plus d'ampleur qu'Embrun. Il souhaitait obtenir les bonnes grâces de Fleury. Il était secondé dans ses entreprises, d'aucuns diraient ses intrigues, par sa sœur Mme de Tencin. Tout cela fait que ce concile est parfois appelé le brigandage d'Embrun.
Les actes du concile ont été publiés dès 1728 chez Pierre Faure à Grenoble, avec un beau titre en noir et rouge : Concilium Provinciale Ebreduni Habitum.
Après cette condamnation, tout ce que la France comptait de jansénistes a pris la plume pour défendre l'évêque Jean Soanen et donner sa propre version du concile d'Embrun. François de Montauzan a donné un Journal historique du Concile, sous forme d'un recueil anonyme de lettres envoyées pendant le concile.
Jean-Baptiste Cadry a publié anonymement une Histoire de la condamnation de M. l'Evêque de Senez, par les Prelats assemblez à Ambrun.
Mais ce sont surtout de très nombreux libelles qui ont été publiés. Ce sont deux recueils de ces libelles, constitués aux XVIIIe siècle, qui ont rejoint ma bibliothèque. Le premier débute par une Consultation de Messieurs les Avocats du Parlement de Paris, au sujet du jugement rendu à Ambrun, contre Mr. l'Evêque de Senez. Il contient ensuite une succession de factums pour faire suite à cette Consultation.
Le deuxième recueil, que je viens d'acquérir dans une vente qui comprenait de nombreux ouvrages sur le jansénisme, débute par l'Instruction pastorale qui a servi de déclenchement à toute cette affaire.
Ce Concile est, malgré tout, assez anecdotique dans l'histoire du jansénisme en France, probablement parce qu'il est plus le fruit d'une ambition personnelle que d'un vrai conflit idéologique. A notre connaissance, il n'y a eu qu'une seule étude sur le sujet, par l'abbé Jean Carreyre en 1929.
Jean Sareil, dans son étude sur les Tencin, consacre un chapitre à ce concile.
En définitive, est-ce que ce concile a été au moins favorable à Pierre de Tencin ? Visiblement non. Il doit attendre 1739 pour être nommé Cardinal et 1740 pour être mis sur le siège de l'archevêché de Lyon. Il devient primat des Gaules. Ses éventuelles ambitions politiques n'ont pas abouties. Il meurt à Lyon en 1758.
Quant à Jean Soanen, il a continué à intéresser le petit monde des jansénistes. En 1750, Jean Baptiste Gaultier fait paraître La vie de Messire Jean Soanen, évêque de Senez. C'est plus une hagiographie qu'une biographie. L'auteur ne cache pas ses sentiments jansénistes. Il attaque très durement le "brigandage" d'Embrun et met en valeur la résistance de certaines des ouailles de Mgr Soanen après sa condamnation. L'ouvrage se termine par deux importants chapitres contenant la description des différents miracles dont il est l'auteur. Selon Quérard : "On trouve dans cette vie une histoire très-curieuse sur le secret de la transmutation des métaux." Le frontispice est un beau portrait gravé de Jean Soanen.
Pour aller plus loin, quelques liens Wikipédia :
Jean Soanen
Pierre de Tencin
Voilà un petit billet fort instructif. Je connaissais le concile de Nicée ou le concile de Trente, mais le concile d'Embrun, nenni ! C'est bien d'avoir pu trouver autant d'ouvrages sur ce sujet plutot ... confidentiel.
RépondreSupprimerMerci !
Textor
En rangeant (oui, ça m'arrive), je viens de tomber sur une brochure intitulée "Thèses de phisique, d'astronomie, de morale, et de mathématique, dédiées à Monseigneur Bernardin-François Foucquet, Archevêque et Prince d'Embrun. répondront, M.M. Etienne Pons, de Saint-Clément et Laurent Blanc, de Caleyere, dans le Collège d'Embrun le ... du mois d'août 1760." A Grenoble chez la Veuve Faure... 1760. Connais-tu?
RépondreSupprimerJ'avoue que je ne connais pas. Il doit d'agir de deux élèves du collège jésuite d'Embrun. Je n'ai pas identifié Etienne Pons. Saint-Clément est une commune sur la Durance, en amont d'Embrun. Quant à Laurent Blanc, il doit s'agir de cet ecclésiastique, professeur au collège d'Embrun pendant 23 ans, auteur de deux ouvrages de botanique publiés à Embrun avant la Révolution (Essai sur les propriétés des plantes., 1781 et Essai de botanique pratique., 1787. Il est né à Caléyère, un hameau de la commune d'Embrun.
RépondreSupprimerJean-Marc
Merci Jean-Marc pour ces précisions.
RépondreSupprimerCes derniers jours au cours d'un épisode de rangement j'ai retrouvé un exemplaire de cet ouvrage de 1728 tel qu'il a du sortir de chez l'imprimeur, non relié, non coupé, en couverture d'attente et d'une fraicheur étonnante. Merci pour toutes ces explications
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