Nos maisons de vente s'étaient-elles données le mot ? Toujours est-il qu'il y avait deux ventes fort intéressantes pour le bibliophile dauphinois ce samedi après-midi.
La première, étalée sur deux jours, était la vente de la bibliothèque du docteur Blanc, de Thonon-les-Bains. Essentiellement consacrée à la Savoie, elle comprenait néanmoins une intéressante section Alpes/montagne.
Au même moment, c'était la bibliothèque du château de la Gardette, dans la Drôme (ancienne bibliothèque d'Amédée de Bouffier) qui était dispersée.
Les deux bibliothèques étaient de nature différente. La première est celle d'un bibliophilie qui a rassemblé au cours de sa vie un ensemble d'ouvrages et de manuscrits sur des thèmes qui lui étaient chers. La seconde est plus celle d'érudits locaux, qui ont accumulé au cours du temps une phénoménale collection d'ouvrages, plaquettes, revues, factums et documents en tous genres, conservés en l'état, c'est à dire presque toujours brochés, et vendus par lots, des lots qui comprenaient parfois plusieurs dizaines d'ouvrages. Il aurait fallu farfouiller dans près de 200 lots pour trouver la plaquette rare. Vu l'assistance de la vente, j'imagine d'ailleurs que l'on va bientôt voir resurgir chez les libraires et sur e-bay les ouvrages des lots vendus à l'unité, ce qui va probablement m'offrir une deuxième chance (certes un peu plus cher).
Il m'a fallu donc jonglé entre les deux ventes, étant d'abord présent à celle du docteur Blanc (où j'ai rencontré mes amis Textor et Jacques Perret), en suivant au téléphone la vente dauphinoise, puis, mes lots achetés dans la première, j'ai rejoint la deuxième vente, sous la neige qui commençait à tomber à Paris. Autant la première se déroulait dans le calme feutré de l'hôtel Regina, autant la deuxième se passait dans une salle exiguë, dans une sympathique ambiance légèrement pagailleuse (mais où sont les lots ? où sont les cartons ?), vente où l'on crée pendant la vacation des lots bis et ter qui font que certains finissaient pas plus bien savoir sur quoi ils enchérissaient. On y voyait aussi de frêles jeunes filles devant déplacer les lourds cartons contenant les lots, d'autant plus que, selon la loi de l'emm... maximum, le carton recherché se trouvait toujours au bas de la pile.
Mes lots acquis et récupérés, je suis rentré chez moi, sous une neige qui tombait alors drue. De plus, panne de métro oblige, j'ai fini le trajet à pied, ayant bien pris soin d'empaqueter mes lots pour les protéger. Pour l'ouvrage de 1641, vu sa grande taille, je l'est porté contre moi, sous ma parka. Je crois bien que c'est la première fois que je porte une livre du XVIIe siècle serré contre moi, marchant dans la neige parisienne.
Cela étant dit, j'ai pu faire quelques acquisitions que j'ai "artistiquement" mis en scène ce matin :
On y voit :
La topographie militaire de la frontière des Alpes., de M. de Montannel, édité par les soins de M. A. de Rochas d'Aiglun en 1875, exemplaire sur papier de Hollande avec la grande carte dépliante.
Topographie militaire des Alpes comprises entre le Petit Saint-Bernard et la Méditerranée. Mémoire écrit de 1744 à 1782 par de Montanel, ingénieur-géographe du Roi., 1874.
Mémoires militaires sur les frontières de la France, du Piémont et de la Savoie depuis l'embouchure du Var jusqu'au lac de Genève, par Pierre de Bourcet. Peut-être pour me remettre de certaines de mes déceptions, j'ai acheté les deux éditions, celle de Berlin, 1802 et celle de Paris-Strasbourg, an X, avec la grande carte dépliante qui a été reprise par Rochas d'Aiglun pour illustrer sa publication de Montannel. Ces ouvrages sont considérés comme rares.
Les transactions d'Imbert, dauphin de Viennois, prince du Briançonnois et marquis de Sézanne, avec les syndics et procureurs des communautez de la principauté du Briançonnois en Dauphiné,…. contenant les franchises, libertez et privilèges desdits Briançonnois…, le tout recueilly par Claude Desponts… et Jean-Etienne Rossignol., Paris, 1641. Il s'agit de la première impression de la charte de franchise du Briançonnais, passée entre Humbert II, dernier Dauphin du Dauphiné, et les représentants des communautés briançonnaises le 29 mai 1343. Cette charte a donné naissance à l'institution des Escartons, qui instituait un régime presque républicain où tous les habitants étaient francs-bourgeois (on en avait fini avec les nobles de façon pacifique !) et administraient eux-mêmes les communautés, en particulier pour le partage de l'impôt.
Enfin, Réglements de police pour la ville de Gap et son territoire, de 1784, où on y apprend, entre autres, que l'on ne peut jeter par la fenêtre les eaux usées et les immondices (on imagine !) que si l'on a crié au préalable, sous peine d'amende.
J'ai aussi acheté la collection complète (96 numéros + table) de la revue Annales des Alpes. Recueil périodique des archives des Hautes-Alpes, publiée par l'abbé Paul Guillaume entre 1897 et 1913. Comme son nom ne l'indique pas, c'est un précieux recueil d'articles sur les Hautes-Alpes. La collection complète est évidemment rarissime.
Il y a bien eu quelques déceptions inhérentes à toutes ventes aux enchères. A celle du docteur Blanc, il y avait de nombreux Italiens qui ne semblaient pas partager les difficultés financières de leur pays. Il y avait aussi une sympathique dame, qui s'ingéniait à enchérir exactement sur les mêmes lots que moi. J'ai eu l'occasion d'échanger avec elle. Elle a été assez aimable pour donner l'explication. Je sais maintenant que son père a le même intérêt que moi pour les ouvrages sur la topographie alpine. Ma plus grosse déception est de ne pas avoir pu (ou voulu, c'est aussi un choix de ne pas monter) acquérir le manuscrit : Précis d’un voyage à la Bérarde, en Oisans parmi les grandes montagnes de la province de Dauphiné. En revanche, j'ai eu aussi la bonne aubaine de pouvoir enfin acheter un livre qui m'avait échappé en 2004, l'un des deux Bourcet. Je l'avais vu chez un libraire parisien. Je m'étais décidé un peu tardivement et il était déjà parti. Je sais maintenant que cet exemplaire avait été acheté par le docteur Blanc et j'ai pu ainsi l'acquérir (5% plus cher). Preuve, s'il en est, que la bibliophilie offre parfois une deuxième chance.
Pour finir, une vue de la neige parisienne ce matin depuis chez moi :
La première, étalée sur deux jours, était la vente de la bibliothèque du docteur Blanc, de Thonon-les-Bains. Essentiellement consacrée à la Savoie, elle comprenait néanmoins une intéressante section Alpes/montagne.
Au même moment, c'était la bibliothèque du château de la Gardette, dans la Drôme (ancienne bibliothèque d'Amédée de Bouffier) qui était dispersée.
Les deux bibliothèques étaient de nature différente. La première est celle d'un bibliophilie qui a rassemblé au cours de sa vie un ensemble d'ouvrages et de manuscrits sur des thèmes qui lui étaient chers. La seconde est plus celle d'érudits locaux, qui ont accumulé au cours du temps une phénoménale collection d'ouvrages, plaquettes, revues, factums et documents en tous genres, conservés en l'état, c'est à dire presque toujours brochés, et vendus par lots, des lots qui comprenaient parfois plusieurs dizaines d'ouvrages. Il aurait fallu farfouiller dans près de 200 lots pour trouver la plaquette rare. Vu l'assistance de la vente, j'imagine d'ailleurs que l'on va bientôt voir resurgir chez les libraires et sur e-bay les ouvrages des lots vendus à l'unité, ce qui va probablement m'offrir une deuxième chance (certes un peu plus cher).
Il m'a fallu donc jonglé entre les deux ventes, étant d'abord présent à celle du docteur Blanc (où j'ai rencontré mes amis Textor et Jacques Perret), en suivant au téléphone la vente dauphinoise, puis, mes lots achetés dans la première, j'ai rejoint la deuxième vente, sous la neige qui commençait à tomber à Paris. Autant la première se déroulait dans le calme feutré de l'hôtel Regina, autant la deuxième se passait dans une salle exiguë, dans une sympathique ambiance légèrement pagailleuse (mais où sont les lots ? où sont les cartons ?), vente où l'on crée pendant la vacation des lots bis et ter qui font que certains finissaient pas plus bien savoir sur quoi ils enchérissaient. On y voyait aussi de frêles jeunes filles devant déplacer les lourds cartons contenant les lots, d'autant plus que, selon la loi de l'emm... maximum, le carton recherché se trouvait toujours au bas de la pile.
Mes lots acquis et récupérés, je suis rentré chez moi, sous une neige qui tombait alors drue. De plus, panne de métro oblige, j'ai fini le trajet à pied, ayant bien pris soin d'empaqueter mes lots pour les protéger. Pour l'ouvrage de 1641, vu sa grande taille, je l'est porté contre moi, sous ma parka. Je crois bien que c'est la première fois que je porte une livre du XVIIe siècle serré contre moi, marchant dans la neige parisienne.
Cela étant dit, j'ai pu faire quelques acquisitions que j'ai "artistiquement" mis en scène ce matin :
On y voit :
La topographie militaire de la frontière des Alpes., de M. de Montannel, édité par les soins de M. A. de Rochas d'Aiglun en 1875, exemplaire sur papier de Hollande avec la grande carte dépliante.
Topographie militaire des Alpes comprises entre le Petit Saint-Bernard et la Méditerranée. Mémoire écrit de 1744 à 1782 par de Montanel, ingénieur-géographe du Roi., 1874.
Mémoires militaires sur les frontières de la France, du Piémont et de la Savoie depuis l'embouchure du Var jusqu'au lac de Genève, par Pierre de Bourcet. Peut-être pour me remettre de certaines de mes déceptions, j'ai acheté les deux éditions, celle de Berlin, 1802 et celle de Paris-Strasbourg, an X, avec la grande carte dépliante qui a été reprise par Rochas d'Aiglun pour illustrer sa publication de Montannel. Ces ouvrages sont considérés comme rares.
Les transactions d'Imbert, dauphin de Viennois, prince du Briançonnois et marquis de Sézanne, avec les syndics et procureurs des communautez de la principauté du Briançonnois en Dauphiné,…. contenant les franchises, libertez et privilèges desdits Briançonnois…, le tout recueilly par Claude Desponts… et Jean-Etienne Rossignol., Paris, 1641. Il s'agit de la première impression de la charte de franchise du Briançonnais, passée entre Humbert II, dernier Dauphin du Dauphiné, et les représentants des communautés briançonnaises le 29 mai 1343. Cette charte a donné naissance à l'institution des Escartons, qui instituait un régime presque républicain où tous les habitants étaient francs-bourgeois (on en avait fini avec les nobles de façon pacifique !) et administraient eux-mêmes les communautés, en particulier pour le partage de l'impôt.
Enfin, Réglements de police pour la ville de Gap et son territoire, de 1784, où on y apprend, entre autres, que l'on ne peut jeter par la fenêtre les eaux usées et les immondices (on imagine !) que si l'on a crié au préalable, sous peine d'amende.
J'ai aussi acheté la collection complète (96 numéros + table) de la revue Annales des Alpes. Recueil périodique des archives des Hautes-Alpes, publiée par l'abbé Paul Guillaume entre 1897 et 1913. Comme son nom ne l'indique pas, c'est un précieux recueil d'articles sur les Hautes-Alpes. La collection complète est évidemment rarissime.
Il y a bien eu quelques déceptions inhérentes à toutes ventes aux enchères. A celle du docteur Blanc, il y avait de nombreux Italiens qui ne semblaient pas partager les difficultés financières de leur pays. Il y avait aussi une sympathique dame, qui s'ingéniait à enchérir exactement sur les mêmes lots que moi. J'ai eu l'occasion d'échanger avec elle. Elle a été assez aimable pour donner l'explication. Je sais maintenant que son père a le même intérêt que moi pour les ouvrages sur la topographie alpine. Ma plus grosse déception est de ne pas avoir pu (ou voulu, c'est aussi un choix de ne pas monter) acquérir le manuscrit : Précis d’un voyage à la Bérarde, en Oisans parmi les grandes montagnes de la province de Dauphiné. En revanche, j'ai eu aussi la bonne aubaine de pouvoir enfin acheter un livre qui m'avait échappé en 2004, l'un des deux Bourcet. Je l'avais vu chez un libraire parisien. Je m'étais décidé un peu tardivement et il était déjà parti. Je sais maintenant que cet exemplaire avait été acheté par le docteur Blanc et j'ai pu ainsi l'acquérir (5% plus cher). Preuve, s'il en est, que la bibliophilie offre parfois une deuxième chance.
Pour finir, une vue de la neige parisienne ce matin depuis chez moi :