Dans une bibliothèque régionaliste, on finit tôt ou tard par s'intéresser aux guides touristiques, d'abord comme sources d'information mais aussi comme objets de collection. Comme ces guides appartiennent d'abord au domaine de l'éphémère, de l'utilitaire, on peut être tenté de les négliger au profit d'ouvrages plus prestigieux. Pourtant, il ne faut pas les oublier. D'abord, lorsqu'on veille à les trouver en bon état, ce peuvent être des belles pièces. Ensuite, c'est un témoignage sur la perception que l'on avait au XIXe et au XXe siècles de nos régions préférées. Après cette introduction pleine de généralité, venons-en au guide qui nous intéresse. C'est un guide sur le Dauphiné et la Savoie, dans la collection des Guides-Diamant (ou Guides Joanne) créée par Adolphe Joanne, puis poursuivie pas son fils Paul Joanne. Il s'agit d'une édition de 1897.
C'est d'abord un bel objet car les couvertures de percaline verte (ou bronze) sont en même temps estampées à froid et ornées de motifs dorés. La reliure (industrielle) est restée d'une grande fraîcheur. C'est le guide soit d'un touriste très soigneux, soit d'un touriste qui se contentait de voyager dans sa chambre en lisant des guides (comme Des Esseintes, pour ceux qui connaissent)
Ensuite, c'est un texte intéressant, plus par ce qu'il dit de la perception de la montagne, que pour son intérêt intrinsèque. A ce titre, il est instructif de voir comment était perçue une ville comme Briançon en cette fin de XIXe siècle fort militariste : une ville de garnison et une ville frontière garante de la sécurité d'une petite portion de la frontière avec nos chers voisins italiens. Un guide d'aujourd'hui ne nous parle plus de Briançon ainsi. Plus directement lié à la vision de la montagne, reportons nous à ce qui est dit de la Grave, un village aujourd'hui généralement considéré comme un des plus beaux de France : La Grave se trouve "sur un contrefort de la montagne du même nom; le regard s'étend au loin sur les glaciers de la Meije et de Tabuchet, dominés au sud par la Meije, une des cimes les plus élevées du massif du Pelvoux". On ne fait guère plus plat.
Évidemment, je ne parle que de quelques "coins" que je connais et aime particulièrement.
Ce guide a encore deux charmes particuliers pour moi. D'abord, même si cela peut paraître anecdotique, le corps de l'ouvrage est encadré par deux cahiers de publicités, plutôt régionales pour celles qui précèdent et plutôt nationales en fin d'ouvrage. J'aime ces publicités qui fleurent bon les temps anciens (Ah ! les hôtels avec "Lumière électrique dans toutes les chambres" et "Spécialement recommandé aux familles").
Ensuite, est inclus dans cette édition un panorama du massif des Ecrins depuis la tête de la Maye. C'est l'œuvre d'un illustrateur haut-alpin, à la renommée locale, dont j'ai déjà eu l'occasion de parler, Emile Guigues. J'aime chez lui le trait léger et l'amour des montagnes, dont il s'est fait l'illustrateur à la fin du XIXe siècle (il a beaucoup œuvré pour les Annuaires du Club Alpin Français).
Voilà pourquoi je suis content de cette acquisition récente. Ce n'est peut-être pas grand-chose, mais cela me plait, d'autant plus que je l'ai trouvé en bon état (dans le cas contraire, je ne l'aurais pas acheté). C'est aussi ma façon de participer, par l'exemple, aux débats hébergés par des blogs amis sur le "quoi" et le "comment" de la bibliophilie.
Pour finir, une interrogation. Je ne sais s'il existe une bibliographie de ce type d'ouvrages. J'ai fait quelques recherches au CCFr, mais il est assez difficile de démêler les différentes éditions, entre les changements de collection, de titre, d'auteurs, etc. Il semble que la première édition date de 1870, mais sans certitude. A voir si quelqu'un saura m'en dire plus.
Très belle acquisition Jean-Marc ! Par définition les guides touristiques ont été imprimés à grand nombre, mais un grand nombre aussi, avec le temps, les manipulations multiples et les conditions météorologiques pas toujours idéales, des poches trop étroites, etc, n'existent plus qu'à l'état d'épave.
RépondreSupprimerAlors tout comme toi, j'essaye, dans mon domaine "collectible" (la pêche - angling), de trouver des exemplaires à l'état proche du neuf. Et je te garantis que ce n'est pas si facile... et ce n'est pas forcément une question de prix, mais plutôt une question de persévérance.
Bonne continuation.
Amitiés bibliophiles,
B.
Merci.
RépondreSupprimerA propos de pêche, je recherche : "Les secrets de la pêche à la truite, démentis par l'expérience, par l'auteur des symboles des animaux.", par Jean-Baptiste Payan, Briançon, Chautard; Embrun, Assaud, 1845, in-12, 35 pp.
Il paraît même qu'il y a une 2ème édition, augmentée de la chasse du tarin à la ligne. Ces ouvrages sont, évidemment, bien connus et indispensables (!).
Heureusement, j'ai déjà "Etudes d'Hydrobiologie piscicole alpine. Cours d'eau et lacs des Hautes-Alpes" de Louis Léger. Me voilà sauvé (re !)
Jean-Marc
PS : j'ai acheté ce guide chez un libraire parisien (librairie scientifique, rue Jacob), que j'avais rapidement rencontré au salon de Grand Palais. Passant par hasard devant sa boutique, je suis entré et j'ai été séduit par cet ouvrage. Je suis sorti avec, parce qu'il y a parfois pas de meilleur argument de vente que de tenir l'ouvrage entre les mains. Sacrés libraires !(c'est encore ma modeste contribution au débat sur les libraires, d'un certain blog)
Et vos livres sur les poissons, vous les lisez vraiment ? :))
RépondreSupprimer(Référence à un bibliophile d'au delà des Alpes)
T
La collection Diamant a été crée en 1866.
RépondreSupprimerPour plus de précisions sur les guides Joanne, et entre autres sur cette collection :
"Les Guides Joanne : invention d’une collection par Hélène Morlier"
In Situ, 15 | 2011
en ligne via le lien :
http://insitu.revues.org/524
Bernard
@ Textor
RépondreSupprimerTout dépend ce que lire veut dire (et cela, Eco ne le dit pas). Si c'est lire chacun des mots depuis le premier jusqu'au dernier, il y a fort peu de livres de ma bibliothèque dauphinoise que j'ai lus. Si c'est picorer ou glaner ce que l'on peut apprécier, j'ai lu beaucoup de mes livres.
@Bernard
Merci pour cette référence. Je vais prendre le temps de la lire (dans le premier sens du terme) ce week-end.
Jean-Marc