Au moment même où se mettait peu à peu en place un système éducatif qui tendait à promouvoir l'usage exclusif du français au sein de la population, les érudits locaux s'intéressaient alors aux "patois" régionaux. Pour le Dauphiné, le premier ouvrage exclusivement consacré à ce sujet est celui de Jacques-Joseph Champollion-Figeac, paru en 1809 : Nouvelles recherches sur les patois ou idiomes vulgaires de la France et en particulier sur ceux du département de l'Isère. Cependant, il ne concernait que l'Isère.
Il faut attendre les années 1830 pour que deux érudits aussi jeunes qu'enthousiastes publient chacun de leur côté des ouvrages qui allaient ouvrir la voie à l'étude des parles régionaux du Dauphiné. Le premier est Paul Colomb de Batines, un gapençais qui utilise l'argent que lui donnait son père pour ses études de droit, pour publier la première Bibliographie des patois du Dauphiné.
Presque au même moment, un autre érudit, aussi juriste de formation, Jules Ollivier, publie un Essai sur l’origine et la formation des dialectes vulgaires du Dauphiné, en 1836.
C'est réellement le premier essai sur les langues régionales du Dauphiné (Drôme, Isère, Hautes-Alpes). En effet, celui de Jacques-Joseph Champollion-Figeac ne concernait que l'Isère, ce qui écartait de fait toutes les langues de la zone provençale. Jules Ollivier lui fera cependant de nombreux emprunts.
Ensuite, Jules Ollivier et Paul Colomb de Batines collaboreront. Ils publieront ensemble une nouvelle version de leurs travaux dans les Mélanges biographiques et bibliographiques relatifs à l'histoire littéraire du Dauphiné. De cette réunion des deux textes, il a été fait un tirage à part de 24 exemplaires : Essai sur l'origine et la formation des Dialectes vulgaires du Dauphiné, suivi d'une Bibliographie des Patois du Dauphiné, Valence, Borel, 1838, grand in-8°, VI-95 pp.
A ce titre, ils font œuvre de pionniers, même si le résultat n'est probablement pas à la hauteur des attentes. Dans son Essai, Jules Ollivier n'identifie par la différence
entre le provençal et le franco-provençal qui
sont les deux langues que se partage le Dauphiné. C'est pourtant un trait majeur de la linguistique dauphinoise. Quelques années plus tard, l'abbé Moutiers, autre grand spécialiste des langues dauphinoises, se montre sévère : "Jules Ollivier et Colomb de
Batines publièrent un aperçu
général sur l'origine et la formation des
dialectes vulgaires du Dauphiné. Malheureusement
l'importance de cette nouvelle publication ne répond que
d'une manière imparfaite à l'ampleur de son
titre. Elle se perd dans des
généralités ne pouvant descendre dans
le détail des faits précis faute de
matériaux. Le premier essai bibliographique patoise, pour
notre province, remonte à cette époque."
Pour plus d'informations sur :
- Essai sur l'origine et la formation des Dialectes vulgaires du Dauphiné : cliquez-ici.
- Bibliographie des patois du Dauphiné : cliquez-ici.
Correspondance
En répertoriant un ensemble de plaquettes, j'ai trouvé une de ces correspondances comme je les aime. Vous allez voir ce que j'appelle une correspondance
La plaquette en question est :
Pouillés de 1516 ou Rôles des décimes des diocèses de Gap et d'Embrun, publiés d'après le Ms. Latin 12.730 de la Bibliothèque nationale., par l'abbé Paul Guillaume
Gap, Imprimerie Jouglard père et fils, 1888.
Comme on le voit le faux titre porte un envoi :
"Au cher "Concelié dou Féliblige". Petit souvenir d'un mauvais accueil fait à Gap le 18 août 1888. P. G."
Il s'agit d'un envoi de Paul Guillaume à Victor Lieutaud (1844-1926), érudit, majoral du Félibrige, bibliothécaire à Marseille, puis notaire à Volonne.
Or quelques mois plus tard, l'abbé Paul Guillaume fait paraître des Observations et corrections sur son ouvrage, dans le Bulletin de la Société d'Etudes des Hautes-Alpes, 1888. A la page 330 :
il y a cette précision :
C'est ce que j'appelle un correspondance. Cette petite notation d'une rencontre à Gap le 18 août 1888 se trouve concrétiser par un envoi sur l'ouvrage en question dans cette note. Cela donne comme un épaisseur humaine à une simple note ou un simple envoi. C'est une petite chose, mais cela donne de l'humanité à cet ouvrage lorsqu'on imagine l'abbé Paul Guillaume donnant cette plaquette à son ami, lui rédigeant un envoi puis rappelant cette rencontre quelques mois plus tard en note d'un de ses articles. L'article et l'envoi se trouvent maintenant réunis par le hasard dans ma bibliothèque.
passionnant !
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