samedi 5 mai 2012

Message de circonstance !

Comme chacun sait, en cette veille de deuxième tour des présidentielles, c'est la trêve de la politique. Comme sur ce blog je ne parle jamais de politique, j'ai décidé, pour une fois, afin d'être à contre-courant, de vous présenter un petit ouvrage très politique. C'est un livre que j'ai déniché dans mes chines. Le titre est déjà un programme en soi :
Faut-il fusiller 300 000 ouvriers en France? L'abolition des castes sociales. La méthode de travail. Les Eglises laïcisées. La libre pensée. La défense dans la République.


L'ouvrage n'est pas daté, mais la préface est datée d'août 1905 et 1906 apparaît sur la couverture.

Pourquoi cet ouvrage a-t-il attiré mon attention ? Il était disponible chez Louis Manent, à Guillestre dans les Hautes-Alpes, un endroit où l'on n'imaginerait pas que pouvait se diffuser ce type de littérature. Le seul exemplaire disponible dans les bibliothèques publiques (CCFr) se trouve dans le fonds dauphinois de la Bibliothèque Municipale de Grenoble.


Au-delà de tout cela, ce livre est un peu un mystère. Même si Clovis Hugues l'a préfacé (voir la notice biographique de Clovis Hugues, une des figures du socialisme méridionale à la fin du XIXe siècle : cliquez-ici), je n'ai pas trouvé d'informations supplémentaires sur ce livre. L'auteur, dont le nom n'apparaît qu'à la fin de l'ouvrage, est Théophile Mital. Malgré mes recherches, je n'ai rien trouvé sur cette personne. Quant à Louis Manent, je fais des recherches sur les Hautes-Alpes, mais pour le moment, rien dans les ouvrages sur les Hautes-Alpes. Il faut savoir que le mouvement ouvrier était peu actif dans les Hautes-Alpes. Sauf erreur de ma part, il n'existe pas d'histoire du socialisme dans les Hautes-Alpes. A peu près à la même époque, en 1907, il y a eu une grève très dure à l'usine de la Schappe à Briançon, la plus grande usine dans les Hautes-Alpes à l'époque. Ces deux images extraites d'un article dans le Bulletin de la Société des Hautes-Alpes de 2003 illustrent ce mouvement social :



Pour finir, la petite phrase au pied de la couverture est tout un programme en ces périodes ! :
Si, dans l'accord parfait, l'intelligence de tous les hommes agissait méthodiquement, l'Humanité pourrait atteindre au bonheur.
Complément

Depuis la publication de ce message, j'ai fait quelques recherches dans les recensements et l'état civil des Hautes-Alpes. Je pense en savoir plus sur Louis Manent.

En 1906 à Guillestre, vivaient trois membres de la famille Manent :
- Léon Manent, âgé de 34 ans, célibataire, instituteur, logé au Groupe scolaire de Guillestre.
- David Fié, 34 ans, aussi instituteur, et sa femme Louise Manent, sœur du précédent. Leur mère Rosalie Illy, veuve Manent, vivait avec eux. Ils vivent aussi au Groupe scolaire.
- Louis Manent, 24 ans, carrossier, qui vit seul au Barry, un quartier de Guillestre.
Il est probable que ce Louis Manent est celui chez qui on peut trouver cet ouvrage.

D'autres recherches montrent que cette famille est originaire de Saint-Genis, dans le sud des Hautes-Alpes. Les parents Léon Manent et Rosalie Illy se sont mariés en 1870. Ils étaient cultivateurs. Apparemment, ils ne pouvaient pas en vivre et on les retrouve dès 1875 à Montéglin où lui travaille sur le chantier du chemin de fer des Hautes-Alpes, comme poseur de rails, et elle comme garde-barrière. Visiblement, ils suivent l'avancée de la construction du chemin de fer, car ils habitent quelques temps à La Freissinouse, près de Gap, puis on les retrouve à Guillestre. C'est donc un milieu de cultivateurs prolétarisés, qui réussissent tout de même à ce que deux de leurs enfants, Léon et Louise, accèdent à un statut supérieur comme instituteurs.

Ces informations apportent quelques éléments sur le milieu où se trouvait ce livre, mais laissent beaucoup de question en suspens. Qui a véritablement écrit ces pages ? Comment un carrossier a pu se trouver le diffuseur d'un tel ouvrage dans les Hautes-Alpes ? J'émets l'hypothèse que Théophile Mital n'existe pas, mais que ce n'est qu'un pseudonyme pour Léon Manent l'instituteur. Pourquoi ne serait-ce pas Louis Manent lui-même ? A la lecture du texte, on n'imagine pas un homme de 24 ans écrire ces pages. La culture d'un instituteur était sûrement indispensable. Probablement pour se protéger comme fonctionnaire, Léon Manent a préféré laisser son frère, artisan, mettre son nom sur cet ouvrage. Tout cela n'est que conjectures...

Pour finir, j'ai trouvé quelques infos sur Internet :
- La référence d'une lettre de Louis Manent, annonçant ce livre,dans La dépêche des Alpes, du 5 & 18 août 1906 (cliquez-ici).
- une page consacrée à l'imprimerie communiste d'où est sorti cet ouvrage : L'Emancipatrice (cliquez-ici et cliquez-là).

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