Il y a de nombreuses façons de constituer sa bibliothèque. Il y a aussi de nombreuses façons de relier entre eux les livres qui la constituent. Parmi ces multiples "fils rouges" qui traversent en tous sens ma bibliothèque, il y a un, certes un peu original, qui est tout simplement une montagne, plus précisément un sommet : La Meije, 3 783 m., dans le massif des Écrins. Et, pour m'accompagner dans ce cheminement souterrain au sein de ma bibliothèque, je m'appuie sur une petite étude : La Meije dans l'Image, de Paul Guillemin, parue initialement dans l'Annuaire du Club alpin Français, année 1894, et tirée à part en 1895.
Dans cet inventaire de toutes les images imprimées de la Meije, Paul Guillemin recense les représentations contenues dans des ouvrages
ou des
revues, mais aussi isolées, comme des dessins ou des
gravures. Cependant, il exclut les photographies et les
tableaux.
Cet
inventaire contient 216 numéros, de 1799 à 1895
(arrêté au 5 avril 1895). Cet ouvrage a été complété en 1898 : La Meije dans l'image (Complément et suite), paru dans l'Annuaire du Club alpin français, 1897, qui poursuit l'inventaire du n° 217 au n° 358, en y incluant la céramique et les bijoux (arrêté au 20 mars 1898).
C'est ainsi que peu à peu, je collecte ces différentes représentations, que ce soit des livres, des plaquettes, des articles, des images isolées, etc. Cela va du bel ouvrage, comme l'Album du Dauphiné, jusqu'à la modeste carte publicité. L'un dans l'autre, sur les 358 images répertoriées, j'en possède déjà 69, dont 3 qui viennent tout récemment de rejoindre ma bibliothèque.
L'Album du Dauphiné
est une des entreprises éditoriales majeures du
début du XIXe siècle en
Dauphiné. A l'instigation de Victor Cassien et Alexandre
Debelle, le libraire Prudhomme publie entre 1835 et 1839 un
ensemble d'articles historiques et descriptifs sur le
Dauphiné. Chaque article est illustré d'une ou
plusieurs planches lithographiques d'après des dessins de
Victor Cassien ou Alexandre Debelle. Dans le tome III, daté
de 1837, l'article anonyme sur l'Oisans est illustré de 5
planches dont une vue de La Grave avec, en arrière plan, une
représentation fantaisiste de la Meije, belle illustration
de ce que la vision romantique de la montagne pouvait inspirer au
dessinateur ou graveur. Cette vue, gravée par Victor Cassien, est référencée par
Paul
Guillemin sous le n° 7.
En 1854, le docteur Joseph-Hyacinthe
Roussillon fat paraître son Guide du voyageur dans l'Oisans, tableau topographique, historique et statistique de cette contrée. Il est
illustré de 9 lithographies, dont une
représentation de la Grave avec la Meije au second plan.
Selon les paroles mêmes de Guillemin,
cette lithographie est "une
réduction et une
contrefaçon" de la planche de l'Album
du Dauphiné :
Dans l'édition de 1864 du
poème Grenoblo
Malhérou, de Blanc la Goutte (Poésies en patois du Dauphiné), le peintre
Diodore Rahoult donne
la première
représentation réaliste et fidèle de
la Meije, terminant ainsi une série de
représentations romantiques de cette montagne. Cette
illustration a été gravée par E.
Dardelet et publiée dans la 3ème
livraison, parue en 1860 :
En septembre 1855, un voyageur anglais
s'arrête à La Grave. Il rejoint ensuite
Saint-Christophe-en-Oisans en passant par le col de la Lauze. Au
passage, il croque la vue de la Meije depuis La Grave.
Conformément à la carte de Bourcet,
il l'appelle encore l'Aiguille du Midi de La Grave. Son
récit
sera publié en 1862, dans le recueil Peaks,Passes, and Glaciers; Second series : A sketch of the passage
of the Col de la Selle from La Grave to St. Christophe par
F. Elliot Blackstone, B.C.L, F.R.G.S., avec une gravure et une carte.
En concurrence avec la gravure de Diodore Rahoult, c'est une des
premières représentations fidèles du
sommet. Le
dessin est antérieur, mais la publication est
postérieure de 2 ans.
Dans un ouvrage paru en 1865 : Outline Sketches in The High Alps of Dauphiné, T.-G. Bonney fait le
récit de 4 voyages dans les
Alpes du Dauphiné, en 1860, 1862, 1863 et 1864. Il est l'un
des
premiers voyageurs anglais qui aient exploré et parcouru
cette partie des Alpes, alors très méconnue et
délaissée. Cet ouvrage est illustré
de 22 lithographies représentant
des sommets et des panoramas du massif des Écrins et Pelvoux, dont 4
vues de la Meije. Les dessins sont de T. G.
Bonney et les gravures de
H. Adlard. Ce sont parmi les premières
représentations des sommets du massif. Elles se distinguent
des précédentes par la précision et la
netteté du trait. Il ne s'agit plus d'une œuvre
d'artiste,
mais d'un travail scientifique.
Le géologue italien Martino
Baretti (1841-1905) explore le massif des Ecrins en août
1872. Il donne un compte-rendu de son excursion dans le Bollettino del Club
Alpino Italiano, 1872-1873 : Otto giorni nel Delfinato, dont il a été fait un
tiré à part en 1873. Cet ouvrage est
illustré de 4 planches chromolithographiques. M. Baretti
ayant abordé le massif par la Vallouise et Ailefroide, il
s'est surtout intéressé aux Pelvoux et aux
Écrins. Il a cependant représenté la Meije dans
les deux panoramas qui illustrent son livre. La
première nouveauté est qu'il s'agit
d'une représentation en couleurs du massif. Mais
c'est surtout par le panorama depuis le Chaberton que cette
représentation apporte un point de vue inédit sur
le massif.
En août 1875, Henry Duhamel tente
l'ascension de la Meije, encore invaincue. Il échoue, mais
il en fait un compte rendu dans l'Annuaire
du Club Alpin
Français, 1875, illustré de 2
photographies et d'un dessin d'Emile Guigues. Il en
a
été fait un tiré à part : Tentatives d'ascension au Pic Occidental de la Meije ou Aiguille du Midi de la Grave (Hautes-Alpes). Ce sont parmi les premières photographies publiées.
En 1896, Louis Guerry, dessinateur de
l'administration des forêts, représente tout le
déroulé du paysage depuis Vizille
jusqu'à Briançon. Ce long panorama est
publié par l'imprimeur Joseph Baratier à
Grenoble, sous forme de dépliant : Dépliant alpestre. Excursion en Oisans.
La couverture est illustrée
d'une
aquarelle de Louis Guerry représentant la Meije depuis la
Grave :
Complètement
déplié, ce panorama mesure plus de 2
mètres de long. Détail de la
représentation de la Meije:
L'idée de ce message m'est venue suite à l'achat récent d'une petite plaquette, récit par Emile Viallet d'ascensions de la Barre de Ecrins et de la Meije en août 1888 : La Barre des Ecrins et le Grand Pic de la Meije, par Desroches, pseudonyme d'Emile
Viallet.
Elle est illustrée d'une gravure d'Emile Guigues, représentant : Le Grand Pic de la
Meije et la vallée des Etançons (versant de la
Bérarde) :
Cela a aussi l'occasion de découvrir une personnalité peu connue des premières décennies de l'alpinisme dans les Alpes dauphinoises, Emile Viallet (1840-1933), qui a publié de nombreux récits sous les pseudonymes d'A. Mège et Desroches, dont le récit de la deuxième ascension de Belledonne en 1873. J'ai aussi découvert qu'il était poète à ses heures, poésies qui font découvir un autre aspect de sa personnalité...
Et pour revenir au propos de ce message, encore quelques images de la Meije :
La Meije dans La Meije et les Ecrins,
de Daniel Baud-Bovy, illustré par Ernest Hareux, paru vers
1908 :
Dessin de Jeanès, représentant le
massif de la Meije depuis le Galibier, illustrant une plaquette
publicitaire des Automobiles Berliet, de 1912 : La Route des Alpes
(Paris, imprimerie Draeger) :
Dans le cadre de son
relevé géométrique des Alpes
françaises, Paul Helbronner publia en 1934 un panorama
aquarellé, pris depuis la pointe Durand, un des 3 sommets du
Pelvoux. Extrait de la vue de la Meije, face
sud, avec le Râteau à gauche (pour plus de
précisions sur ce panorama et la photographie
complète, voir Tour d'horizon complet du sommet du Pelvoux)
:
Pour finir, un dessin illustrant la couverture d'une des cartes d'un
ensemble de 6 cartes de la Routes des Alpes,
édité
par la compagnie de chemin de fer P. L.M. L'ensemble n'est pas
daté, mais on peut, sous toutes réserves, le
situer vers
1940 :
La page qui référence toutes les images de la Meije de ma collection : Images anciennes de la Meije.
Joli ensemble sur une bien belle montagne, qu'on repérait facilement de loin, je me souviens, quand nous séjournions au Revard.
RépondreSupprimerTextor