lundi 19 janvier 2015

Guide bleu illustré des Alpes françaises, Stéphane Juge

Il y a plusieurs façons de faire un guide touristique. Quand on pense que son pays, voire sa petite patrie, n’est pas assez mis en valeur, le mieux est d’en faire un. C’est probablement ce qu’a dû penser Stéphane Juge, un journaliste  parisien. Parisien, il l’était dans les années 1890, mais ses lointaines origines se trouvaient dans les Hautes-Alpes et, encore plus précisément, dans le Haut-Oisans, à Villard d’Arène où, nous dit-il : « L'auteur de ce guide s'honore de descendre d'une vieille famille d'instituteurs de Villard-d'Arène, dont plusieurs représentants aujourd'hui exercent encore le professorat dans les départements des Hautes-Alpes, de la Loire et du Rhône. »
Stéphane Juge, caricaturé par son ami Eugène Tézier.

Il en est résulté le Guide bleu illustré des Alpes françaises (1894), où le Dauphiné est particulièrement bien représenté, et plus précisément la Grave et le massif de la Meije, à cause de l'origine familiale de l'auteur et du parti pris d'une approche plus personnelle, voire subjective, de la description touristique. Stéphane Juge l’annonce lui-même « Ce livre est donc un témoignage d'admiration affectueuse ». Ce guide est plus particulièrement destiné aux alpinistes et randonneurs (le terme n'était pas alors utilisé), plutôt qu'aux touristes intéressés par l'histoire et les monuments. Il contient en particulier un long récit d'une ascension de la Meije par l’auteur.
Un décompte du nombre de pages montre que le Dauphiné est proportionnellement mieux servi. Si on entre dans le détail, Chamonix a droit à 19 pages quand La Grave et sa région est décrite sur 36 pages. Je vous laisse découvrir sur la page que je lui ai consacrée : cliquez-ici. Ces quelques images de la 2e édition de 1896 nous permettent de nous faire une idée de l’ouvrage.



Trois planches :


 
Stéphane Juge dirigeait alors une agence de presse, le Service central de la Presse, qui a édité l’ouvrage. Cela explique qu’il ait fait appel à de nombreux représentants de la presse parisienne, comme Georges Montorgueil, Henry Fouquier, etc. pour des textes introductifs. De même, que ce soient ses « exploits » d’alpiniste (ascension de la Meije en août 1893 qui a fait l’objet d’un compte-rendu dans La Croix, Le Figaro, etc.), ses excursions hivernales (quatre articles dans Le Temps en mars 1895) ou ce guide (compte-rendu flatteur dans Gil Blas), tous ont fait l’objet d’une belle couverture médiatique, pour utiliser un terme moderne, dans la presse de l’époque.

Il a aussi voulu soigner sa notoriété personnelle, et la publicité de son guide, dans le milieu de l’alpinisme dauphinois. Pour cela, Stéphane Juge n'a pas ménagé ses efforts pour se faire admettre. Il adhère à la Société des Touristes du Dauphiné en mars 1893. Les bulletins de 1893, 1894 et 1895 annoncent ses ascensions. Malgré cela, l'accueil critique du guide est mitigé. Ni l'Annuaire du Club Alpin français, ni l'Annuaire de la Société des Touristes du Dauphiné n'ont annoncé la parution du guide. Il est seulement référencé, sans commentaire, dans le Bulletin de la Société d'Études des Hautes-Alpes, année 1894. Pis, dans l'Annuaire de 1896 de la Société, il reçoit le coup de grâce, de façon assez indirecte. Dans une Bibliographie topographique de la région, au détour du commentaire sur le Guide du touriste en Savoie, de A. Weissen (p. 316), un avis, sans appel, est donné : « Publication peu sérieuse, très supérieure toutefois au Guide-Bleu de S. Juge. »

Une façon peu orthodoxe de faire de l'alpinisme.

C’est probablement pour cela que l’on entend plus parler de lui dans les Alpes dauphinoises après cette date. Dans ce milieu, comme dans d’autres, il faut savoir se faire admettre, faire ses preuves. Alors, peut-être que l’on reconnaîtra vos mérites. Mais cela ne se fait pas en 3 ans, surtout si l’on est parisien ! Après tout cela, il préfère d’ailleurs se consacrer à l’élevage des pur-sang. Après avoir quitté Paris, où il était journaliste à l’Écho de Paris, on le retrouve à Villechétive dans l’Yonne, avant la Première Guerre Mondiale, à Meuvaines dans le Calvados, puis, pour finir, il est propriétaire d'un haras dans la Sarthe, à la Potardière, sur la commune de Crosmières, dans les années 1930. Tout cela nous éloigne des Hautes-Alpes. L’âge et la fortune aidant, il est loin le temps où Stéphane Juge chantait la simplicité du pays de ses ancêtres.

Le haras de la Potardière

Il n'existait aucune notice biographique de Stéphane Juge. J'ai constitué une notice à partir de :
- recherches dans l'état civil de Saint-Étienne, Anse (Rhône) et Paris.
- recensements Villechétive (Yonne) et Crosmières (Sarthe).
- informations trouvées grâce à Gallica, Google Books et Archive.org, recoupées et synthétisées.
Vous pouvez la consulter : Stéphane Juge.

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