samedi 3 octobre 2015

Un candidat dans les Hautes-Alpes doit prouver qu'il est français et dauphinois ... en 1868 !

A un moment où le débat public est rempli (voire envahi) de considérations sur l'identité nationale, la souveraineté, les étrangers, les Français, etc. etc., il est amusant d'exhumer une petite plaquette où un candidat aux élections législatives de 1869 dans les Hautes-Alpes se trouve devoir défendre en même temps ses qualités de Français et de Dauphinois pour répondre aux accusations malveillantes de ses adversaires.
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En 1869, dans le cadre de la libéralisation du Second Empire, des élections législatives sont organisées, ouvertes à d'autres candidats que les candidats officiels, soutenus par le gouvernement. Georges Guiffrey, parisien d'origine, mais déjà conseiller général des Hautes-Alpes (canton de La Grave), veut se présenter face au candidat officiel, Camille Duvernois, et à un candidat de l'opposition, ancien député et opposant au second Empire,  Cyprien Chaix. Visiblement, dans cette campagne sans concession, on (sans que l'on sache exactement qui) met en doute la double qualité de français et de dauphinois de Georges Guiffrey. Pour répondre à cette attaque « Point d'étranger », il rassemble « des documents authentiques, irréfragables : actes notariés, pièces de greffe ou d'état civil, le tout légalisé, que l'on tient à la disposition des incrédules ou même des simples curieux, et dont les originaux reposent dans les dépôts d'archives paroissiales et communales. », avec l'objectif de prouver ses origines française et dauphinoise à la fois. Cela nous vaut cette petite plaquette qui retrace l'histoire de sa famille, depuis les premiers Guiffrey, originaires de Bardonnèche, au XVIe siècle. C'est Jean-Baptise Guiffrey, le bisaïeul de Georges Guiffrey, qui s'est installé au début du XVIIIe siècle près de Lyon, « pour demeurer Français comme tous ses aïeux », quittant « la vallée de la Haute-Doire, qu'un traité politique venait de détacher de la France et d'unir au royaume sarde. » Un rappel historique est nécessaire. Certaines vallées aujourd'hui italiennes, comme celle de Bardonnèche, appartenaient aux Briançonnais depuis le moyen-âge. Partant de là, elles étaient dauphinoises et, donc françaises, jusqu'au traité d'Utrecht de 1713, qui les rattachèrent au royaume de Piémont-Sardaigne. C'est cette histoire particulière qui explique que, sans bien connaître ce point, il était facile de penser que les Guiffrey étaient à l'origine une famille sarde et donc non française. Remarquons, et je n'en dirai pas plus, que l'on était chatouilleux sur la nationalité à cette époque car on reprochait à Georges Guiffrey une origine (faussement) étrangère ancienne de plus d'un siècle ! Lui-même était né à Paris, d'un père originaire de Saint-Didier-au-Mon d'Or, près de Lyon. Cela aurait dû au moins suffire à le considérer Français sans doute possible.


En conclusion : « Les Guiffrey, Français aujourd'hui comme de tout temps, sont de plus d'origine dauphinoise, enfants des Alpes depuis trois siècles ». Calomniateurs, passez votre chemin !

La fin de l'histoire est que le 24 mai 1869, M. Clément Duvernois, candidat du gouvernement, est élu député par 17 506 voix (28 868 votants, 33 851 inscrits), contre 7 454 voix à Georges Guiffrey et 3 825 à Cyprien Chaix. Remarquons que Clémont Duvernois, pour être lui aussi bien français (il était né à Paris) n'avait aucun lien avec les Hautes-Alpes, ni le Dauphiné. Mais, ce qui est important dans tout cela, et explique son élection, est qu'il était le candidat du gouvernement.

Georges Guiffrey a été élu sénateur des Hautes-Alpes le 9 novembre 1879, réélu le 25 janvier 1885, jusqu'à son décès à Gap le 12 septembre 1887. Il a siégé à gauche. Aujourd'hui, il est surtout connu pour sa traduction de la Foire aux vanités de Thackeray et ses études littéraires sur le XVIe siècle.

Description de la plaquette :
Les Guiffrey dans les Hautes-Alpes et en Dauphiné
Paris, Imprimerie de J. Claye, 1868, in-8° (230 x 148 mm), 16 pp.
Texte introductif, Aux habitants des Hautes-Alpes, signé en fin : Georges Guiffrey, Vice-Président du Conseil général  des Hautes-Alpes, Paris, 15 novembre 1868.
Un exemplaire à la BNF et dans le fonds dauphinois de la BMG.

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