lundi 22 février 2016

La physique/chimie pour les nuls…., version 1860.

Tout le monde connaît cette collection. Évidemment cela ne date pas d'aujourd’hui qu'un effort de vulgarisation des sciences a été mené au profit de tous.

C'est ainsi que j’ai déniché récemment un petit ouvrage broché, sous couvertures vertes, dont le titre est déjà à lui seul tout un programme :
La physique du village ou Traité de physique et de chimie en langage simple et familier, à l'usage des enfants et des adultes.
Gap, Delaplace, père et fils, Imp.-Libraires, 1860, in-12, [8]-312 pp.


Certes, le titre est moins direct, moins percutant que le titre moderne. Le style en est, pour ainsi dire, plus fleuri, mais le propos est bien de donner à tout le monde des notions indispensables de physique et de chimie. La préface est d’ailleurs claire à ce sujet :
Des notions de physique, c'est-à-dire, sur la matière, ne peuvent être mieux placées que chez les personnes qui passent leur vie avec la matière. Ces personnes sont le peuple en général, surtout le peuple de la campagne. Aux orateurs des tribunes, des cours d'éloquence ; aux hommes de loi, des leçons de législation : mais à celui qui doit être toute sa vie aux prises avec la matière, des connaissances sur cette même matière. Les livres, et les bons livres ne manquent pas : mais ils sont volumineux, chers et difficiles à comprendre pour les personnes peu exercées. On a cherché à obvier à ces inconvénients en composant un petit traité renfermant beaucoup de choses, à peu près tout ce qui peut être utile aux personnes dont nous parlons, et les présentant dans un langage excessivement simple et naturel.
Ce n'est évidemment pas pour le contenu de l’ouvrage que j’ai choisi de l'acheter. C’est d’abord qu’il s’agit d’une impression gapençaise, sortie des presses de Delaplace père et fils, dont l'imprimerie se doublait d'une librairie installée rue de Provence. Très active sous le second Empire, cette maison était en même temps très proche des autorités administratives (ils imprimaient les documents, rapports, annuaires, etc. de la préfecture) et des autorités religieuses (ils se qualifiaient parfois d'imprimeur de l'évêché). L’abondante production en lien avec l’activité pastorale de Mgr Depéry, en particulier dans la promotion du culte de Notre-Dame du Laus (déjà !), est passée par les presses des Delaplace. Il était donc naturel qu’un ouvrage de vulgarisation scientifique à destination des populations proches de la « matière » (qu’en termes élégants tout cela est dit) sorte aussi des presses de la maison Delaplace.


L’autre raison de mon intérêt soudain pour cette petite « chose » est que l'auteur de ces plus de 300 pages de notions de physique et chimie, Elisabeth Faure, est une enfant du pays. Née à Gap le 13 octobre 1836, elle est la fille d’Ambroise Faure (1795-1871), un professeur de mathématiques du collège de Gap, de 1826 à 1862, auteur de très nombreux ouvrages pédagogiques sur la physique et les mathématiques. Fille unique, orpheline de mère très jeune, son père a veillé à lui fournir une éducation complète, d’abord à Gap, puis à Aix-en-Provence, où, suivant les traces de son père, elle obtient son brevet d’institutrice le 4 août 1857, sous la direction de Mlle Victoire Vaurey, directrice de l'Ecole normale d'Aix-en-Provence. C’est donc une toute jeune institutrice qui s'attelle à la tâche de rédiger cet ouvrage.

Cependant la paternité du livre lui a été déniée. Est-ce parce qu’il s’agissait d’une femme ? D’une femme jeune de surcroît ? Toujours est-il que l'abbé Sauret explique carrément que l'ouvrage est l'œuvre du père, qui l'a publié sous le nom de sa fille, geste devant lequel il s'extasie : « touchant héritage pour celle-ci d'un père savant et modeste ! ». L’abbé Allemand, moins catégorique, dit qu'Élisabeth Faure « devint très habile dans les mathématiques et le dessin, et composa, sous la direction de son père, un petit ouvrage estimé : La physique du village. » A défaut d’autres informations, je considère qu'elle est l’auteur de l’ouvrage. C'est d’ailleurs le seul livre qu’elle a publié. Elle se marie en 1863, quitte l'enseignement pour élever ses enfants jusqu’au décès de son mari, Zéphirin Lapierre, en 1875 à Chabottes. Elle reprend alors une activité d'enseignement, comme institutrice, dirige l'une des principales écoles de Marseille, jusqu'à sa retraite en 1884.

Signalons que les mémoires d'Ambroise Faure ont été publiés récemment par la Société d’Etudes des Hautes-Alpes. 


Écrites au fil de la plume, c'est un témoignage passionnant sur une éducation champsaurine au début du XIXe siècle, sur la société agricole et paysanne de l'époque, au moment de la transition entre le monde de l'Ancien régime et une certaine modernité après la Révolution. C'est aussi le récit de la vie d'un professeur de mathématique dans la première moitié du XIXe siècle. Il parle évidemment de sa fille, mais ne cite pas cet ouvrage, ne permettant pas de trancher sur son attribution.

Il y a une dizaine d’années de cela, j’avais acheté un des ouvrages d’Ambroise Faure, un Traité de statique, paru en 1842, à Lyon. Il provenait probablement de sa bibliothèque personnelle, avec sa signature.
Traité de Statique d'après le Principe des vitesses virtuelles
Paris, Lyon, Librairie classique de Perisse Frères, 1842, in-12, [6]-80 pp, 8 planches hors-texte.




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