J'ai retrouvé la tombe de Paul Guillemin au cimetière d'Ivry-sur-Seine !
Paul Guillemin est décédé le
vendredi 22 juin 1928 à 81 ans, dans une maison de santé située au
10, rue de Picpus à Paris, près de la place de la Nation. Il est inhumé
3 jours plus tard, le lundi 25 juin, dans la stricte intimité
familiale , au cimetière parisien d’Ivry-sur-Seine. Ce n’est que
2 jours plus tard que sa fille Lucie Guillemin, épouse Roche,
annonce son décès à ses amis dauphinois et hauts-alpins par une
lettre adressée à Emile Roux-Parassac. C’est lui qui rapporte ce
courrier en introduction à la notice nécrologique qu’il lui a
consacrée dans le Bulletin de la Société d’Études
des Hautes-Alpes de 1928. Il se désole de cela. Il déplore
qu’il n’y ait même pas eu un faire-part de décès : « Pas
même le faire-part habituel pour annoncer son trépas, aucun service
après sa mort ! ». Pour lui, Paul Guillemin est mort
« seul ». Il ne comprend pas que sa fille dise « qu'il
ait toujours désiré que rien ne soit fait après sa mort »,
alors que l’été précédent, en 1927, Paul Guillemin était
revenu dans les Alpes, comme tous les étés, et avait pris soin de
« choisir, à Embrun, sa place à côté de ceux dont il
parlait si souvent, pour être, disait-il, entre Briançon et Gap, au
cœur de ses chères montagnes. ».
C’est aussi cela qui m’a donné
envie de partir à la recherche de la tombe de Paul Guilemin,
craignant même qu’elle ait totalement disparue. Ce n’est pas le
cas. Grâce à l’amabilité du bureau du cimetière parisien
d'Ivry-sur-Seine, j’ai rapidement pu la localiser (Divisions 8 –
Ligne 19 – Tombe 31, pour ceux qui voudraient me succéder dans ce
pèlerinage). C’est une tombe simple, en bon état, mais usée par
les ans. Elle porte sur l’avant : « Famille Montague »,
du nom d’épouse de sa 2e fille Jeanne Guillemin.
On distingue Guillemin sur la partie droite (3 premières lignes), puis Charles W. Montague |
Il
est difficile de lire les noms et les dates, mais avec de la
patience, j’ai pu déchiffrer tous les noms des personnes
enterrées :
Mme Élisabeth Guillemin
1889 -1920
Mme Betzy Guillemin
1849 - 1920
Paul Guillemin
1847-1928
Charles W. Montague
1882-1954
Mme Montague
Née Jeanne Guillemin
1885-1966
Le premier nom est celui de sa fille
cadette Elisabeth Guillemin, née en 1889 et décédée à l’âge
de 30 dans une maison de santé de Châtillon (Hauts-de-Seine).
Le second est celui de son épouse, née
Betzy Fontan, décédée seulement quelques jours après le décès
de leur fille, en septembre 1920. Elle avait 71 ans.
Cette concession perpétuelle n’a été
achetée qu’en 1925, soit 5 ans après ce double décès. Les corps
de sa fille et de son épouse y ont été transférés. Cela veut
donc dire qu’en 1927, lorsqu’il souhaitait être enterré à
Embrun, Paul Guillemin savait qu’une place l’attendait au
cimetière d’Ivry. A son décès, ses deux filles n’ont sûrement
pas voulu de complications et de frais supplémentaires. Elles l'ont
fait inhumer là où c’était le plus simple. Peut-être
craignaient-elles que les amis hauts-alpins de leur père fassent une
amicale pression pour qu'elles respectent son vœu ultime. Elles
auraient alors préféré garder quelques jours de silence sur le
décès de leur père et l'enterrer dans la plus stricte intimité.
Cela expliquerait le dépit et l’amertume perceptibles dans le
texte d’Émile Roux-Parassac.
La tombe abrite ensuite Charles W.
Montague (1882-1954) le gendre anglais de Paul Guillemin, originaire
de Londres, et enfin Jeanne Guillemin (1885-1966), la 2e
fille, épouse Montague. Après cette date, il n’y a plus eu d’inhumations dans
cette tombe.
On remarque ensuite une plaque
commémorative au-dessus de la tombe :
À la mémoire de
Willie Paul
Montague
fusillé
par les Allemands
à Saint-Genis Laval
20 août 1944 à l'age de 33 ans.
En effet, Willie Paul Montague, petit-fils de Paul Guillemin, fait
partie des 120 otages extraits de la prison de Montluc à Lyon et
fusillés et brûlés par les Allemands au fort de Côte-Lorette à
Saint-Genis-Laval le 20 août 1944. Il a aussi une plaque
commémorative, discrète, au monument qui commémore ce massacre.
Dans ce même cimetière d'Ivry-sur-Seine, se trouve la
tombe de la fille aînée de Paul Guillemin, Lucie (1883-1957) et de
son mari Antoine Roche (1882-1934) :
Lorsqu'on voit cette tombe perdue au
milieu de tant d'autres dans ce cimetière sans charme, on se prend à
regretter qu'il n'ait pas eu sa dernière demeure dans un cimetière
comme celui de Briançon, d'où la vue est si belle.
Il semble que son
amour immodéré de la montagne et du Briançonnais n'ait pas été
partagé par ses filles qui étaient toutes trois des Parisiennes,
dont les vies se sont entièrement déroulées dans cette ville.
J'imagine qu'il leur avait fait découvrir son pays d’adoption (il
était né à Sorcy, dans la Meuse, d'un père lorrain et d'une mère
tarbaise qui avait passé toute sa vie de jeune fille à Briançon).
Mais il ne leur avait pas transmis son amour du Briançonnais.
Lien vers sa généalogie : Paul Guillemin.
Lien vers sa généalogie : Paul Guillemin.
Pour finir, j'ai été un peu troublé
lors de mes recherches sur son lieu de décès. Toutes les mentions que
j'ai trouvées du 10 de la rue de Picpus ramènent à une clinique privée
pour maladies nerveuses et aliénés, comme cette publicité. Cela a jeté comme un voile de tristesse sur la fin de cet homme pour
qui, modeste collectionneur de choses dauphinoises et hautes-alpines,
j'ai une estime, une admiration et une gratitude sans bornes.
Félicitations ! Beau travail de recherche et de reconnaissance, qui montre qu'il n'y a pas que des destructeurs de mémoire (coïncidence ; ce jour, le maire de Sablé-sur-Sarthe fait détruire la chapelle Saint-Martin), mais aussi des gens respectueux de l'Histoire et des ancêtres qui ont construit le pays, malheureusement peu "médiatisés".
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