Le bibliophile dauphinois part en vacances. Devinez où il va ? Dans le Dauphiné bien sûr. Je vais rejoindre le beau ciel de Briançon. Pour moi-même, mais aussi pour mes lecteurs, j'en donne un avant-goût :
Tentant, n'est-ce pas ? (photo extraite du site http://www.briancon-vauban.com/webcam.html qui publie quotidiennement une photo de Briançon)
Je passerai aussi à Grenoble le jeudi 7 mai, pour faire le tour des librairies. Espérons que j'y découvre quelques trésors bibliophiliques ! Que les libraires grenoblois se préparent, j'arrive !
Je suis aussi prêt à rencontrer quelques lecteurs. N'hésitez pas à me contacter à l'adresse mail qui se trouve à gauche, dans la rubrique "Me contacter". Il suffit de cliquer sur l'adresse.
Dans une brocante briançonnaise, j'ai acheté une petit ouvrage de 1861 : L'ami des enfants ou Choix de lectures morales, instructives et amusantes, à l'usage des écoles primaires des deux sexes, des maisons d'éducation et des familles. Deuxième édition, approuvée par plusieurs prélats., par M. Maritan (du Queyras), Inspecteur des Ecoles primaires, Officier d'Académie.
Gap, Delaplace père et fils, Impr.-Libraires, 1861, in-12, IX-140 pp.
C'est un recueil de lectures édifiantes à l'usage des enfants. Un seul texte concerne les Haute-Alpes. Sous le titre Les Alpes, et précédé d'une courte introduction, il s'agit de la reproduction d'un texte d'Emile Guigues, paru dans L'Illustration, du 10 novembre 1855 sur l'inauguration de la route du Queyras par la vallée du Guil (pp. 107-112), qui a eu lieu le 26 juillet 1855. E. Guigues avait illustré son récit de deux dessins, qui ne sont pas reproduits ici. Le texte se termine par une courte notice géographique sur le Queyras.
Je n'ai pas identifié plus précisément ce M. Maritan, auteur de cet ouvrage, sinon qu'il habitait Embrun en 1861.
J'aime beaucoup ces petits ouvrages populaires, dans une condition modeste. S'agit-il de bibliophilie ? Probablement non dans le sens classique du terme. Et pourtant, en achetant cet ouvrage, en le décrivant, en le conservant, c'est un peu du patrimoine livresque que je préserve. C'est un fragile témoin d'une culture et d'un monde disparus. C'est aussi un témoin d'un art typographique délicat et soigné, malgré la médiocrité de l'ouvrage auquel il s'applique. Vous aurez compris que c'est pour moi une forme de bibliophilie que de rechercher, puis collectionner ces ouvrages.
Après les Vaudois des Alpes par un catholique qui ne semblait pas apprécier la réhabilitation des Vaudois par l'historiographie protestante (voir message précédent), nous passons aujourd'hui à l'autre "extrême" : les Vaudois par un républicain convaincu et militant, Alexandre Bérard (1859-1923), député, puis sénateur de l'Ain. Il a fait paraitre en 1892 un ouvrage de compilation :
Les Vaudois. Leur histoire sur les deux versants des Alpes du IVe siècle au XVIIIe.
Lyon, A. Storck, Imprimeur-Editeur, 1892, in-8°,[4]-V-[3]-328 pp.
Inspiré par les travaux de Michelet, Alexandre Bérard voit les Vaudois comme ceux qui "ont gardé en un foyer saint, sans qu'elle ne s'obscurcisse jamais, la flamme de la liberté". Preuve, s'il en est, qu'un ouvrage historique peut se retrouver au cœur des débats politiques de son époque. On peut se poser la question de savoir si les Vaudois des Alpes, dans les pauvres vallées du Briançonnais, s'imaginaient qu'ils étaient républicains !
Un des mérite de cet ouvrage est de reproduire les gravures qui illustrent l'ouvrage de Jean Léger : Histoire générale des Eglises Evangeliques des Vallées du Piémont ou Vaudoises, imprimé à Leyde en 1669, avec la grande planche d'origine hollandaise. Ces gravures ont été supprimées de nombreux exemplaires par des catholiques zélés, selon J. Michelet.
J'ai donc mis en place (et non initié, comme l'on dit depuis quelques années dans notre beau français moderne !) une page spécifiquement consacrée aux Vaudois des Alpes, que j'enrichirai au fur et à mesure.
Changeons totalement de sujet. Il y a quelques semaines, je me suis intéressé à Alexandre Surell, célèbre auteur de l'ouvrage de référence, Les Torrents des Hautes-Alpes (1841). Lorsque il était ingénieur des Ponts et Chaussées dans les Hautes-Alpes, il supervisa les travaux de la route du Lautaret, en particulier la construction du tunnel du Serre-du-Coin, à la sortie de La Grave. En 1911, les Ponts et Chaussées honorèrent sa mémoire en faisant apposer au-dessus de l'entrée du tunnel un bas-relief en marbre, sculpté par J Dampt. Quelques images pour illustrer cela :
J'avais publié la première image de La Meije, d'après la reproduction qui illustre La Meije dans l'image, de Paul Guillemin. J'ai trouvé sur Internet une belle reproduction en couleurs de cette aquarelle de 1799, de Barthélémy Chaix, où l'on voit pour la première fois une représentation de la Meije. La vue est prise depuis le col du Lautaret, avec l'hospice au premier plan. Etonnant de penser qu'il a fallu attendre 1799 pour que ce sommet désormais mythique de l'Oisans soit enfin représenté. Encore s'agit-il d'un dessin qui n'a jamais été publié.
Détail, où l'on distingue clairement et fidèlement la Meije,
Délaissant les ouvrages de montagne, j'ai décrit ce soir un ouvrage que je viens d'acquérir. Il s'agit d'un travail historique du docteur Jean-Armand Chabrand (Molines-en-Queyras 1812 - Grenoble 1898) :Vaudois et Protestants des Alpes. Recherches historiques contenant un grand nombre de documents inédits sur les Vaudois et les Protestants des Alpes Dauphinoises et Piémontaises.Grenoble, Xavier Drevet, éditeur, 1886, in-8° (211 x 132 mm), 287 pp.Pour mémoire, les Vaudois sont les membres d'une église dissidente, inspirée par Pierre Valdo de Lyon, appelés les pauvres de Lyon (XIIe siècle). Ils voulaient revenir à la pureté évangélique, remettant en cause la hiérarchie religieuse, ne donnant leur confiance qu'à des prédicateurs itinérants appelés Barbets. Ils étaient particulièrement nombreux dans certaines vallées briançonnaises : Vallouise, vallée de Freissinière, etc. Ils subirent des persécutions féroce aux XIVe et XVe siècles. Ils se fondirent ensuite dans le protestantisme.Avec leur refus de la hiérarchie et de la richesse, leur pacifisme et les persécutions qu'ils subirent, il devinrent les symboles, au XIXe siècle, de tous ceux qui s'opposent aux puissants et aux possédants. On vit donc fleurir de nombreuses études historiques, souvent empreintes des considérations contemporaines.L'étude de Jean-Armand Chabrand ne déroge pas à la règle. Elle est très marquée par la pensée catholique, souvent anti-protestante. Ces quelques phrases de l'avant-propos donnent le ton :"Pendant ces dernières années, de nombreux écrits ont été publiés pour populariser l'histoire des Vaudois et des Protestants des Alpes. Parmi ces écrits, il en est quelques-uns qui se font remarquer par leurs déclamations violentes, leurs allégations injurieuses et leurs jugements peu équitables contre l'Eglise catholique.Les vallées vaudoises y sont signalées comme une seconde Terre-Sainte, à peu près inconnue jusqu'à nos jours, et digne d'attirer les regards et la vénération de tous les ennemis du catholicisme.Les Vaudois y sont représentés comme des hommes aux mœurs patriarcales, inoffensifs, adonnés exclusivement à la pratique de toutes les vertus évangéliques, et comme des martyrs, victimes de leur attachement à la foi de leurs ancêtres."Ce qui donne un peu plus de saveur à cet exemplaire est l'envoi à Aristide Albert, républicain et volontiers anti-clérical.L'envoi à Aristide Albert, autre érudit briançonnais, est d'autant plus sympathique qu'à la différence de Jean-Armand Chabrand, celui-ci a chaleureusement défendu la mémoire des Vaudois dans son petit ouvrage : Les Vaudois de la Vallouise, paru quelques années plus tard en 1891. Preuve, s'il en est, qu'au delà des divergences politiques, l'amour du pays natal est le plus fort.Avec cette première description, je vais débuter une série d'ouvrages sur les Vaudois des Alpes et je complèterai la série déjà commencée des ouvrages sur le protestantisme. Je pense même créer une page thématique exclusivement consacrée aux Vaudois.
Tout bibliophile dauphinois devrait avoir un respect particulier pour ce grand homme de la bibliophilie dauphinoise. Je veux parler de Hyacinthe Gariel (1812-1890), conservateur de la Bibliothèque municipale de Grenoble (1848-1882), créateur du fonds dauphinois, qu'il a enrichi avec sa propre collection qu'il légua contre une rente viagère (à l'époque, le conflit d'intérêt ne semblait pas troubler les esprits !). Parmi les 28 180 ouvrages qui la composaient, 11 249 imprimés et 2000 manuscrits ont été versés dans le fonds dauphinois. Pour les stendhaliens, il faut lui rendre hommage pour avoir fait entrer les manuscrits de Stendhal à la BMG.Pourquoi parler aujourd'hui de Hyacinthe Gariel ? Parce que je viens de décrire une petite plaquette que j'ai acquise dans une vente aux enchères :Cette Notice biographique et bibliographique est le discours de réception d'Alfred Hardouin à l'Académie delphinale, qui occupait le siège laissé vacant par Hyacinthe Gariel.
Elle est illustrée de deux planches photographiques, dont un beau portrait par Martinotto, de la célèbre famille de photographes grenoblois. Quel beau visage malicieux ! Et quand on pense que certains imaginent les bibliophiles comme des rats de bibliothèque. Ce robuste vieillard de 77 ans est un sympathique démenti.Autre démenti, ce beau portrait en jeune homme romantique, par Victor Sappey :
Cela ne me distrait pas de mon objectif. Je travaille actuellement à la description de La Meije et les Ecrins, de Daniel Baud-Bovy, illustré par Ernest Hareux. Une image pour vous donner un avant-goût de ce que je vais publier dans quelques jours.
Poursuivant dans la lignée des semaine précédentes, je pensais décrire le bel ouvrage de Daniel Baud-Bovy, illustré par Ernest Hareux : La Meije et les Ecrins. C'était faire honneur à un travail qui est un des plus beaux hommages au massif de Ecrins. De plus, un lecteur du site avait sollicité cette description. J'étais motivé.
Las ! Entre temps, j'ai reçu un catalogue de la libraire Clavreuil. Laissant tout en plan, en bon bibliophile que je suis, je me suis attelé à la lecture des 258 pages et 2118 notices du catalogue. Je n'ai pas été déçu. C'est une de mes acquisition que je vous présente aujourd'hui. Il s'agit d'une brochure, publiée par Alexandre Giroud à Grenoble en 1689 : Ordonnances d'Abeville, dont le titre complet est :Ordonnances d'Abeville, sur le fait de la justice et abreviation des procès au pays de Dauphiné.
Faites par le Roy nostre Sire, Dauphin de Viennois, Comte de Valentinois & Dyois.
Publiées en la Cour de Parlement à Grenoble, le 9. jour d'Avril 1540.
Reveües de nouveau, & collationnées sur le vray Original
Vous me direz, quel intérêt ? Il est double.
Le premier est que l'ordonnance d'Abbeville du 23 février 1540 est la version dauphinoise de la célèbre ordonnance de Villers-Cotterêts, connue pour avoir décrété que tous les actes devraient désormais être rédigés en "langage maternel françois", marquant ainsi la naissance officielle du français. Le Parlement du Dauphiné, soucieux de défendre les libertés dauphinoises, refusa d'enregistrer cette ordonnance qui avait été promulguée au nom du roi de France et non du Dauphin du Viennois. Ce n'est pas cette marque d'indépendance qui impressionna la roi qui donna une nouvelle ordonnance à Abbeville en février 1540, que le Parlement du Dauphiné enregistra le 9 avril 1540. C'est la première étape d'une succession d'atteintes aux libertés de la Province. Dans ses attendus, le roi ne se cachait pas de vouloir que le "dit pays de Dauphiné, Comté de Valentinois & Dyois estre reduit, regi & gouverné par mesmes Loix, Statuts & Ordonnances, que les autres parties & endroits de nostre dit Royaume". La Révolution donna le coup de grâce aux quelques libertés dauphinoises qui existaient encore en 1789.
Le deuxième intérêt est que l'amateur inconnu de la fin du XIXe siècle, qui a fait relier cette brochure, a gardé les magnifiques couvertures d'attente. C'était alors peu courant de vouloir conserver les exemplaires dans leur jus. Elles sont composées d'un papier aux motifs floraux au recto, renforcé au verso d'une page récupérée, extraite d'un ouvrage plus ancien, en latin et en typographie renaissance. Je vous laisse admirer :
La page remployée :
Une bonne synthèse sur l'histoire du Dauphiné entre le Transport et la Révolution :
Cet ouvrage de 1999, très accessible, apporte un éclairage très intéressant sur l'évolution de la place du Dauphiné au sein du royaume de France.