dimanche 27 janvier 2013

Mais où est donc passé Hannibal ?

Loin de moi l'idée de résoudre cette question qui divise les érudits depuis près de 500 ans, question d'autant plus difficile à résoudre que les textes de référence de Polybe et Tite-Live sont contradictoires entre eux. La bibliographie sur le sujet doit d'ailleurs être impressionnante.

Quasiment tous les cols des Alpes depuis la Méditerranée jusqu'au Léman ont trouvé leurs défenseurs. En complément, toutes les routes ont été envisagées pour rejoindre le col pressenti depuis le Rhône.

Le Dauphiné n'est pas en reste, car tous les grands cols du Dauphiné, qui se trouvent tous dans les Hautes-Alpes, ont tour à tour été envisagés. Le plus couramment évoqué, depuis le début des recherches, est bien entendu le col du Mont-Genèvre, un des cols majeurs qui permettent de rejoindre la France à l'Italie. Cette hypothèse est d'autant plus crédible qu'il s'agit du col de plus basse altitude entre les deux pays. Ce n'est pas le seul col envisagé dans la région. Le col de la Traversette, près du Viso, a trouvé depuis longtemps ses partisans, mais on peut aussi citer le col de Malaure ou le col de l'Echelle. De même, si la route par la vallée de la Durance est la plus couramment admise pour rejoindre le Mont-Genèvre, il existe aussi une grande variété d'hypothèses, dont certaines par le col du Lautaret.

Pour ma part, je n'ai pas d'opinion arrêtée, donc je suis partisan de l'hypothèse du col du Mont-Genèvre. Remarquez que ce ne sont pas de longues veilles sur les textes de Polybe et Tite-Live qui m'ont fait arriver à cette conclusion, mais un (regrettable ?) parti pris en faveur de mes montagnes.

Tout cela pour introduire un ouvrage rare d'un polygraphe avignonnais, le comte Fortia d'Urban qui défendit dès 1818 l'hypothèse du Mont-Genèvre, par la vallée de la Durance. En 3 ans, il donna pas moins de 3 éditions à son ouvrage, dont je décris la 3e édition : 
Dissertation sur le passage du Rhône et des Alpes par Annibal, l'an 218 avant notre ère.
Troisième édition, accompagnée d'une carte; suivie de nouvelles observations sur les deux dernières campagnes de Louis XIV, et d'une dissertation sur le mariage du célèbre Molière.
Paris, Lebègue, Treuttel et Wurtz, Libraires, novembre 1821, in-8°, [4]-XXXII-177 pp., une carte dépliante hors texte.


Revenant aux textes de Polybe et Tite-Live, Fortia d'Urban détermine le lieu du passage du Rhône (Roquemaure), l'île des Allobroges (Orange) et le trajet jusqu'à Turin, en procédant à une analyse fine du texte et des indications de distances qu'ils contiennent. Il conclut à une traversée des Hautes-Alpes passant par la Bâtie Mont-Saléon (Mons-Seleucus), la vallée de la Durance et le Mont-Genèvre. Manifestement, certaines des conclusions sur le passage du Rhône et l'île des Allobroges ne sont plus retenues. Le mérite du comte de Fortia d'Urban est de s'être référé "aux manuscrits sans s'arrêter aux textes imprimés tendancieux" comme le souligne Sir Gavin De Beer, dans Route Annibal, 1962 : « Malheureusement, les commentateurs se sont engagés dès le départ dans une impasse, parce que les passages-clés des principaux auteur, Polybe et Tite-Live, quand ils ont été imprimés, ont été délibérément altérés par les premiers éditeurs, qui les ont ajustés à leurs idées personnelles. »

La belle carte  qui accompagne l'ouvrage permet de voir le tracé envisagé par Fortia d'Urban.


Pour aller plus loin, comme toujours, la page plus complète que je consacre à l'ouvrage : cliquez-ici.


Au passage, vous aurez remarqué, en lisant attentivement le titre, que cet ouvrage ne traite pas seulement du passage des Alpes par Hannibal, mais en profite pour corriger quelques faits à propos de l'histoire de Louis XIV (quel rapport ? aucun !). Comme si cela n'était pas suffisant, une petite dissertation sur l'épouse de Molière, Armande Béjart, n'est pas de trop pour arriver aux 177 pages. Vous comprenez maintenant pourquoi je qualifie le comte (devenu ensuite marquis) de Fortia d'Urban de polygraphe.

Je rappelle à la mémoire de mes lecteurs qu'en 1824 et 1825, William Brockedon parcourt 12 cols entre la France, la Suisse et l'Italie à la recherche du passage d'Hannibal dans les Alpes. Il consigne ses descriptions dans un ouvrage largement illustré paru en 1828 : Illustrations of the Passes of the Alps by witch Italy communicates with France, Switzerland and Germany. J'en extrais cette vue du col de Mont-genèvre, sur la partie qui descend en Italie (la route que l'on voit n'existait pas pour les éléphants d'Hannibal !)


Sur le passage d'Hannibal, je vous renvoie à un billet sur le tour du Mont Viso (cliquez-ici) où j'évoquais l'hypothèse du passage par le col de la Traversette. Pour avoir gravi moi-même ce col, lors de cette randonnée, j'exprimais mon scepticisme : " Pour ma part, je n'ai pas d'opinion fixée sur le passage d'Hannibal à travers les Alpes, mais j'ai trouvé que la montée et la descente [du col de la Traversette] étaient bien rudes, alors j'ai du mal à imaginer les éléphants d'Hannibal sur ce chemin !"


 Le col de la Traversette en août 2009

3 commentaires:

  1. Le titre devrait être plutôt "Mais PAR où est donc passé Hannibal ?", pour éviter de chercher la tombe de celui-ci. Parmi les preuves du passage des éléphants, la découverte des ossements d'un éléphant mort pendant la traversée serait concluante : mais si j'ai bonne mémoire, il n'y a pas eu d'éléphant mort ...

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  2. Editions Rambelaid 05000 Rambaud12 mars 2014 à 22:09

    A signaler un nouvel ouvrage :Hannibal et la traversée des Hautes-Alpes, dépot légal janvier 2014
    http://hannibal-hautes-alpes.fr.pn/

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  3. Suite à des problemes d'hébergement nouveau site:http://hannibal.hautesalpes.free.fr/index.html
    Et blog:https://hannibalhautesalpes.wordpress.com

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