mardi 21 septembre 2010

Quand un écrivain bourguignon écrit sur la Meije, cela donne un beau texte sur le pouvoir de la montagne...

Pour trouver de beaux textes sur la montagne, il faut parfois savoir chercher dans des ouvrages inattendus.

En 1926, Edouard Estaunié, de l'Académie française, fait paraître un recueil de 6 nouvelles, Le Silence dans la Campagne, dont une est le récit de la fascination d'un homme pour la Meije qui va jusqu'à la mort :
Le cas de Jean Bunant. Rappelons, pour ceux qui ne suivent pas, que la Meije est un sommet du massif du Haut-Dauphiné (actuellement appelé massif des Ecrins), dominant le village de La Grave dans les Hautes-Alpes du haut de ses 3983 mètres.


L'histoire est simple. Archiviste-paléographe, Jean Bunant est amené à villégiaturer à La Grave pour se soigner. D'abord ennuyé par ce pays de montagne austère et isolé, il devient de plus en plus fasciné par la Meije avec qui il noue une relation presque personnelle. Subissant l'appel irrésistible de la montagne et répondant aux sollicitations du guide Emile Pic, il tente une approche de la montagne. Dans la montée des Enfetchores, il meurt, terrassé par la maladie.

C'est un texte inattendu, dans le recueil de cet écrivain ingénieur dont on ne sait rien de ses relations avec la montagne et surtout avec la Meije. Ce texte est une belle illustration du pouvoir et de l'emprise que peut exercer une montagne sur l'esprit des hommes, écrit dans une langue classique, mais suggestive dans ses effets, en particulier la montée de la fascination dans l'esprit de Jean Bunant.


Cherchant ce texte depuis longtemps, j'ai attendu de pouvoir trouver un bel exemplaire de l'édition originale. C'est un des 250 exemplaires sur Hollande van Gelder (on voit que l'éditeur ne cultive pas le grand papier à petit tirage), dans une belle reliure classique signée Charles de Samblanx. Si je n'avais pas eu cette exigence bibliophilique, je n'aurais eu aucun mal à trouver un exemplaire sur papier ordinaire. Les ouvrages de cet auteur, visiblement prolifique et célèbre en son temps, envahissent désormais les catalogues des bouquinistes et des libraires, malheureusement avec peu de chance de se vendre, tant les gloires passées sont souvent vraiment passées (
Sic Transit Gloria Mundi).



Il reste au moins quelque chose d'éternelle, c'est la beauté de la Meije depuis La Grave (photo prise en août 2008) :


Quelques liens :
La notice du livre sur Bibliothèque Dauphinoise : cliquez-ici
Notices biographiques d'Edouard Estaunié sur Wikipedia et sur le site de l'Académie française.

mardi 14 septembre 2010

Le pasteur Eugène Arnaud, historien du protestantisme dauphinois.

Pasteur et théologien réformé, Eugène Arnaud nait à Crest (Drôme) le 18 octobre 1826, fils du pasteur Louis François Arnaud. Après des études de théologie aux facultés de Genève et de Strasbourg, il reçoit la consécration le 26 avril 1856. Pasteur à Crupies (Drôme), puis aux Vans (Ardèche) en 1853, il succède à son père à Crest en 1865. Il est ensuite nommé président du consistoire en 1876. Il était l'un des chefs de file du parti orthodoxe synodal. Il est l'auteur d'ouvrages historiques sur le protestantisme en Dauphiné, ainsi que d'ouvrages de théologie. Il est mort à Crest le 12 novembre 1905.


Son œuvre majeure est l'
Histoire des protestants du Dauphiné aux XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles, en 3 volumes publiés à Paris entre 1875 et 1878.Le contenu des 3 volumes donne un aperçu de son contenu :
-
Première et deuxième périodes. Etablissement de la Réforme en Dauphiné et guerres de religion. 1522-1598.
-
Troisième période. Le régime de l'Edit de Nantes. 1598-1685.
-
Quatrième période. Le désert. 1685-1791.



Mais au delà cet ouvrage de référence, sa production a été très abondante, souvent sous forme de plaquettes.

Par exemple, en 1896, il regroupe 4 études parues dans des revues savantes sous le titre :
Mémoires historiques sur l'origine, les mœurs, les souffrances et la conversion au protestantisme des Vaudois du Dauphiné.


Aupravant, ce sont des petites études bibliographies, publiées par Eugène Chaper :

Notice historique et bibliographique sur les imprimeurs de l'Académie protestante de Die en Dauphiné au XVIIe siècle, 1870


Notice sur les controverses religieuses en Dauphiné pendant la période de l'édit de Nantes
, 1872


Supplément à la Notice sur les Controverses religieuses en Dauphiné pendant la période de l'Edit de Nantes, 1886


Certes, ce sont des points d'érudition très précis, presque trop précis. Mais, cela reste des études sans équivalent sur ces sujets, qui servent de référence sur des questions de bibliographie peu ou pas traitées. Pour ne rien gâter, quelques une de ces plaquettes sont bien imprimées, avec des titre en rouge et noir, sur le beau papier de Hollande des papeteries B.F.K. de Rives (Isère).

Autre exemple de travail d'érudition, cette liste d'émigrés protestants. Lors de la révocation de l'Edit de Nantes en 1685, de très nombreux Dauphinois ont fui la France à destination de la Suisse et de l'Allemagne. Ce simple recensement est une mine pour le généalogiste et l'historien des familles :
Emigrés protestants dauphinois secourus par la Bourse française de Genève de 1680 à 1710, 1885


Pour voir des notices détaillées sur tous ces ouvrages, cliquez-ici, sur la notice d'Eugène Arnaud. On y trouvera le lien vers les descriptions de ces différents ouvrages.

On ne rendra jamais assez hommage à ces érudits du XIXe siècle, qui ont accumulé pour l'avenir une masse de renseignements sur des sujets aujourd'hui oubliés ou délaissés. Existe-t-il aujourd'hui l'équivalent de cette recherche en partie désintéressée qui fait la joie des quelques érudits contemporains qui s'intéressent encore à tout cela ?

Sur Eugène Arnaud, je conseille la notice particulièrement complète de Wikipedia : cliquez-ici.

dimanche 5 septembre 2010

La réédition d'un recueil de lithographies et un article d'Arts & métiers du livre.

J'ai l'habitude de présenter sur ce site des ouvrages de bibliophilie, en édition originale. Je vais déroger aujourd'hui à la règle. La principale raison est très personnelle. L'ouvrage que je présente m'a été offert aujourd'hui. Ce cadeau représente beaucoup pour moi.

Dans les années 1820, les vallées protestantes des Hautes-Alpes (Champsaur, Queyras et surtout Freissinières) ont été le théâtre de l'action évangélisatrice d'un pasteur genevois, Félix Neff (1798-1829). On peut rapprocher son action des mouvements du réveil (revivaliste) (pour plus d'informations, voir la notice Wikipedia, bien complète : cliquez-ici).

Les protestants anglais ont toujours suivi avec sympathie et attention l'apostolat de Félix Neff et, dès 1832, William Stephen Gilly lui consacra une biographie :
A Memoir of Felix Neff, Pastor of the High Alps; and of His Labours among the French Protestants of Dauphiné, a Remnant of the Primitive Christians of Gaul.

Quelques années plus tard, Lord Monson visita les régions des Hautes-Alpes que parcourut Félix Neff. Il fit de nombreux dessins, qu'il confia à Louis Haghe, pour en tirer une série de 22 lithographies. Elles devaient illustrer l'ouvrage de Gilly. Ce recueil, précédé d'une introduction de Lors Monson, parut en 1840 sous le titre :
Views on the departement of the Isere and the High-Alps, chiefly designed to illustrate the Memoir of Felix Neff by Dr Gilly, lithographed by Louis Haghe, from sketches by the Rt Honble Lord Monson, London, London, W.-H. Dalton, 1840.

On imagine bien qu'un tel ouvrage est devenu introuvable. En 1985,
La Manufacture, à Lyon proposa une réédition de qualité, précédée de deux notices : Le rude sublime, de Jean Adhémar et Lord Monson en Dauphiné, de Paul Hamon. Les 22 lithographies sont reproduites.

C'est cet ouvrage que je présente aujourd'hui :


J'en est extrait 3 reproductions :
La Grave et La Meije

Château-Queyras

Saint-Véran

Un exemplaire de l'édition originale est proposé à la vente par B. Shapero de Londres, dans le catalogue paru cet été :
Travel 2010


Je vous laisse découvrir la notice, avec un reproduction d'une des deux vues de Briançon. En lisant le "petit" chiffre en bas à droite, vous comprendrez mieux que je présente la réédition.


Je profite de ce message pour présenter l'article qui a été consacré à ma bibliothèque dans le dernier numéro d'
Arts & Métiers du livre.

Ci-dessous, l'introduction :

J'en profite pour remercier tous ceux qui m'ont envoyé des messages soit directement, soir via les commentaires sur ce blog (voir le message précédent). Je tiens surtout à rendre hommage au travail d'Yves Devaux, qui a su si bien mettre en valeur ma bibliothèque dans son article. C'est pour moi l'occasion de le remercier chaleureusement.