samedi 18 septembre 2021

Edité à Lons-le-Saunier et pourtant terriblement haut-alpin !

On peut se demander quel rapport il y a entre ce livre de piété : Le Chemin de la Sanctification, publié à Lons-le-Saunier en 1824, et les Hautes-Alpes. Ce n'est évidemment pas par le sujet. Ce n'est pas non plus par l'auteur. L’ouvrage est anonyme et une recherche bibliographique sommaire ne permet pas de l’identifier.

Et pourtant, cet ouvrage et, plus particulièrement, cet exemplaire est quatre fois en lien avec le département : par le libraire qui l’a édité, par l’imprimeur qui l'a produit, par le libraire qui l’a vendu et par sa propriétaire. Il sont en effet tous les quatre hauts-alpins. Cela suffit à lui donner une place ici.

Commençons par le libraire qui l’a publié. Il est noté sur la page de titre : « Lons-le-Saunier, Chez Escalle et Comp.e, Libraires ». Il s’agit de Jean Joseph Escalle, né le 22 août 1797 à La Motte-en-Champsaur, fils d’un propriétaire cultivateur, Joseph Escalle, et de Rose Gauthier, originaire du Noyer. Bien que l’aîné de la famille, il n’a pas repris la suite de son père et a préféré rejoindre son oncle et ses cousins à Lons-le-Saunier comme libraire. Il a obtenu son brevet en mai 1822. Il exercera jusqu’à son décès en 1871, même s’il avait commencé à passer la main à son fils Arthur Escalle dans les années 1860. En 1829, il a épousé Julie Faure, une des petites-filles du botaniste Dominique Villars. Le mariage a eu lieu à Strasbourg.

La famille de sa mère, les Gauthier, comptait de nombreux libraires et éditeurs, installés à Bourg-en-Bresse, Lyon, puis Lons-le-Saunier. Etienne Gauthier, l'oncle de Jean Joseph Escalle, est né le 7 octobre 1772 aux Evarras, hameau de la commune du Noyer. Il a rejoint ses oncles et cousins, libraires à Lons-le-Saunier avant la Révolution.  C’est surtout lui qui a développé l’imprimerie à Lons-le-Saunier. C’est lui qui a imprimé cet ouvrage pour le compte de son neveu, le libraire Escalle.Son seul fils Frédéric (1797-1862) lui a succédé, donnant une grande ampleur à l’imprimerie familiale avant de la céder. Le propre fils de Frédéric Gauthier est Jean-Albert Gauthier-Villars, le célèbre imprimeur scientifique parisien, dont le fils Henry, dit Willy, a eu son moment de célébrité comme écrivain, publiciste et chroniqueur et surtout, aujourd’hui, comme premier mari de Colette.

Comme on le voit, cet ouvrage est le résultat de la fructueuse association d’un oncle et de son neveu, enfants de la « diaspora » haut-alpine installée à Lons-le-Saunier.

L’histoire haut-alpine de cet ouvrage ne s’arrête pas là. C’est maintenant l’exemplaire lui-même qui a sa propre histoire dans le département, plus spécifiquement à Gap.
Le libraire Jean Joseph Silve, né à Selonnet en 1785, ancien domestique de l’évêque de Digne, s’est installé à Gap comme libraire vers 1823, à la demande et avec l’appui du premier évêque de Gap post-concordataire, Mgr Arbaud. Il a obtenu son brevet de libraire en février 1825. Installé rue de Provence, à Gap, il a tenu boutique jusqu’à son décès en 1854. Il  a légué son fonds de commerce à sa servante, Mlle Tardif.

Au moment de son installation, il était probablement le libraire le mieux achalandé de la ville où il s’était plus particulièrement spécialisé dans le livre religieux et classique. Cette activité aujourd’hui marginale de l’édition et du métier de libraire était alors une des principales sources de revenu pour les libraires de province, l’autre activité étant les livres classiques à destination des collégiens.

C’est ainsi qu’en 1825, l’année du Jubilé comme l’atteste une étiquette au premier contre-plat, le libraire Silve proposait cet ouvrage à la vente. Il a aussi collé son étiquette de libraire sur une page de garde. Notons d’ailleurs qu’il y a visiblement eu une hésitation, suivie d’une correction, sur le nom du libraire qui, de Silve, a bien failli s’appeler Sylve.

Enfin, le livre a appartenu à une certaine Antoinette Laffrey qui a apposé sa signature sur la page de titre. Il s’agit très probablement d’Antoinette Laffrey, née à Gap le 2 février 1804, fille de Dominique Joachim Laffrey et Louise Antoinette Cherdame. Il est probable qu’on lui a offert ce livre. A l’époque, il était guère envisageable qu’une jeune fille de bonne famille, âgée de 21 ans, entre chez un libraire pour acheter un livre. Antoinette Laffrey a passé toute sa vie dans les Hautes-Alpes. Elle est morte à Lettret le 3 avril 1878, célibataire.


Pour être complet sur le lien avec le département, il faudrait identifier le relieur de l’ouvrage. A l’époque, les livres étaient vendus en feuilles, non coupés, sous des couvertures muettes d’attente. C’est d’ailleurs à cette époque qu’a commencé à apparaître la couverture imprimée qui permet d’indiquer le contenu de l’ouvrage. Il était donc d’usage de faire relier les livres. Le libraire se chargeait lui-même de le faire ou le confiait à un relieur. Ce pouvait être aussi l'acheteur qui le confiait à un relieur de son choix. Même si cela peut aujourd’hui surprendre, beaucoup de libraires étaient aussi relieurs ou disposaient d’un atelier de reliure. Il était même courant que des relieurs deviennent libraires pour écouler eux-mêmes le résultat de leurs travaux. A notre connaissance, Jean Joseph Silve n’était pas lui-même relieur, mais il pouvait très bien confier ce travail aux nombreux artisans de la ville. Ce sont les obscurs de l’histoire de la reliure. Ils étaient pourtant nombreux, capables de réaliser ces travaux certes modestes, mais soignés. Il n’était alors pas question qu’ils signent leurs travaux. On ne saura jamais qui a relié cet exemplaire, ni même s’il était haut-alpin, mais, connaissant le mode de diffusion du livre dans une petite ville comme Gap, il est fort probable que c’est le travail d’un relieur gapençais.

Pour finir, une autre question reste en suspens. Est-ce de manière délibérée que le libraire Escalle et l'imprimeur Gauthier se sont assurés de la diffusion de leur production dans leur département de naissance ? Ont-ils passé un accord avec le libraire Silve pour que celui-ci diffuse les ouvrages qu’ils publiaient et imprimaient ? C’est fort probable, mais cela reste évidemment à prouver.

Je pense qu’aujourd’hui, le libraire Silve est inconnu de tous. Le souvenir de ce modeste commerçant a été perdu. Si j’en parle aujourd’hui avec tant de détails inédits, c’est que, prochainement, un article sur un imprimeur gapençais va paraître dans le Bulletin de la Société d’Etudes des Hautes-Alpes. En travaillant sur lui, j’ai croisé – si j’ose dire – le libraire Silve et son protecteur ecclésiastique.

Enfin, je ne me suis guère étendu sur l’ouvrage lui-même. C’est vraiment le livre de piété par excellence. Une recherche dans le catalogue de la BNF montre que la première édition semble être de 1811, suivie par de très nombreuses éditions, jusqu’en 1879. Le catalogue ne contient pas moins de 79 notices sur cet ouvrage. On peut d’ailleurs remarquer que l’exemplaire est en bon état, alors que ces ouvrages étaient souvent beaucoup manipulés.

Maison de Jean-Etienne Gauthier,
rue du Commerce, à Lons-le-Saunier


J'ai plusieurs fois évoqué les familles Gauthier et Escalle :

Libraires hauts-alpins dans la France des Lumières

Une conférence sur l'ascendance haut-alpine d'Henry Gauthier-Villars, dit "Willy" avec le lien vers l'article correspondant : cliquez-ici.

lundi 21 juin 2021

Francis ou la Scierie des Eaux-Vives, un roman pour la jeunesse inédit, situé en Oisans

En règle générale, je collectionne les livres, mais je ne dédaigne pas, parfois, de jeter un coup d’œil aux manuscrits et autres pièces uniques. C'est ainsi qu'une maison de ventes aux enchères proposait récemment un roman inédit qui, selon la notice, se passait à Villar d'Arène. Il vient de rejoindre ma collection.
 
En réalité, l'ensemble que j'ai acquis contient deux tapuscrits, dont l'un est ce roman pour la jeunesse et l'autre est aussi un roman, Youssouf le pauvre, qui se passe en Algérie. Ces deux tapuscrits sont reliés ensemble par une couture artisanale sous une chemise en papier fort portant les titres manuscrits des romans et cette mention : « L. Michel Feste-Roussel, 52 rue d’Alsace Lorraine, Oran ».
 

Ils sont chacun composés d'un ensemble de feuillets de 270 x 210 mm., portant le texte sur une seule face. Le premier feuillet, non chiffré, contient le titre.
 

Ils ont respectivement 117 et 44 feuillets chiffrés. Le premier tapuscrit contient de nombreux ajouts, suppressions, corrections et repentirs, certains à la machine à taper mais, pour la plupart, manuscrits. Le chapitrage a aussi été ajouté de façon manuscrite dans le texte qui est tapé en continu.
 

Le deuxième tapuscrit ne contient aucune correction ni aucune annotation manuscrite.
 
Comme je le disais en introduction, Francis ou la Scierie des Eaux-Vives, est un roman d’initiation à destination de la jeunesse qui se déroule en Oisans. C'est l’histoire d’un jeune garçon, Francis, qui trouve sa valeur d’homme en se confrontant à des situations adverses qu'il surmonte. Lorsqu’il rapporte son histoire au narrateur, il a quatorze ans, ce qui veut dire qu’au début du récit, il en a deux ou trois de moins. 
 
Francis est le fils de Jean et Jeanne qui possèdent une scierie à Villar d’Arène, appelée « la scierie des Eaux-Vives ». Le roman débute au moment de la déclaration de guerre en septembre 1939. Le père est mobilisé et son ouvrier Mathieu s’engage pour faire son devoir. Le fils doit donc seconder sa mère pour assurer la vie quotidienne sans pour autant reprendre l’exploitation de la scierie. Il apprend ainsi à labourer et à s’occuper de la maison. Comme il le dit lui-même :
Par la nécessité de ces travaux et sous l'impulsion de ma mère, je me débarrassais peu à peu, sans retour, d'une certaine indolence native. Ce n'est que maintenant que je mesure les étapes parcourues. Le jugement très sûr de ma chère maman et sa volonté souriant faite de douceur et de ténacité, me guidèrent presque à mon insu. [p. 22]
Dans ce parcours, une étape indispensable est l’initiation au ski qu’il apprend seul sur les pentes de Ventelon. Les principales épreuves qu’il a affrontées sont d’abord une expédition dans la neige vers La Grave et la vallée pour trouver du ravitaillement pour le village isolé. Il doit aussi affronter l’hostilité de l’« idiot » du village, Piarre. Plus tard, il doit s’occuper seul de sa petite sœur lorsque leur mère part retrouver leur père blessé à Beauvais. Celui-ci demande à sa femme de porter ce message à son fils :
Une seule chose l’inquiétait : notre avenir.
- Il faut que Francis relève la scierie… qu'il la remette en marche… Si Mathieu revient, il vous aidera… C'est un brave cœur. Mais s’il ne revient pas, tant pis !... vous vous passerez de lui… Il faut que la petite scierie des Eaux-Vives fasse à nouveau entendre sa chanson aux bords de la Romanche… Ce que le père a créé c’est au fils de le continuer… Tu le diras à Francis… , à mon petit gars…, à mon aîné… Je compte sur lui !... Tu lui diras aussi de veiller sur sa sœur, plus tard… Qu'ils vivent bien unis tous les deux… que jamais une querelle d’intérêt, une vilaine question d'argent ne les sépare. [p. 66] 
Répondant à l’appel de son père, Francis entreprend de remettre la scierie en marche. Il doit en particulier rétablir tout le système de captage d’eau qui actionne la turbine. Les épreuves ne sont pas terminées. Il doit ensuite affronter les dégâts causés par un orage et par la malveillance de Piarre. Dans cette succession d’épreuves initiatiques, la dernière est la mission périlleuse en hiver de franchir le col du Lautaret et de rejoindre le Monêtier pour aider le village à faire sauter un barrage qui obstrue la Guisane à la suite de pluies diluviennes. Le roman se termine sur cette mission réussie et le retour providentiel du père que l'on croyait disparu à jamais. On est alors à la fin de l’année 1940 ou 1941, car les dates ne sont pas indiquées et l’écoulement du temps est volontairement imprécis.
 
Le narrateur présente cette histoire comme étant celle que lui a racontée Francis lui-même. Aux trois quarts de l’ouvrage [p. 94], le narrateur clôt le récit dans le récit et poursuit par l’expédition au Monêtier qu’il raconte sur la base des témoignages des acteurs.
 
Deux autres épisodes s’insèrent dans l’ouvrage. Le premier raconte la rencontre, le mariage et l’installation à Villar d’Arène des parents de Francis. Ce passage est l’occasion de raconter un sauvetage en montagne et un trait d’héroïsme et d’abnégation du grand-père de Francis. Il est rapporté comme des confidences faites par la mère du jeune héros à son fils qui les rapporte lui-même au narrateur. Le deuxième épisode est une expédition de la mère de Francis pour rejoindre son mari blessé à Beauvais, en pleine défaite française. Le récit s’attache surtout au retour à Villar en plein exode, sans trains, ni moyens de transport. Pour ajouter au romanesque, l’auteur rapporte que la mère des enfants se charge d’un enfant de plus, Roger de la Touche, dont la mère est morte, tuée par une bombe.
 
Le roman se situe en Oisans. La scierie « Les Eaux-Vives » a été construite par le père de Francis sur des terrains que sa femme possédait à Villar d’Arène. On comprend qu’elle se trouve en aval du village, à une certaine distance, sur un torrent qui alimente la Romanche. L’auteur évoque rapidement la Grave, il cite plusieurs fois le Ventelon où Francis s’entraîne à faire du ski. Il décrit assez précisément le trajet entre Villar et le Monêtier par le Lautaret et, encore plus précisément, le trajet de retour par le col d’Arsine en donnant de nombreux noms de lieux : vallon du Petit Tabuc, lac de la Douche, fontaine du Degoulon, le refuge de l’Alpe, le pas de l’âne à Falque, etc., comme si l’auteur avait lui-même fait cette excursion. La montagne est surtout présente comme le cadre âpre dans lequel se déroule la vie des personnages. Elle s’impose à eux par la violence des phénomènes météorologiques : la neige, l’orage, les pluies diluviennes, les avalanches et, bien entendu, le froid. En revanche, en tant que telle, elle est peu décrite ni nommée, hormis une rapide allusion à la Meije lorsqu’il passe à La Grave : 
Mais en face, de l’autre côté du ravin où gisait la Romanche glacée, l’énorme massif de la Meije, la superbe montagne aux trois pics, toute vêtue de glace, brillait sous le ciel sombre ainsi qu’un gigantesque diamant. [p. 28]
Il cite aussi le Grand Galibier. Une autre région de l’Oisans est le cadre de la rencontre et du mariage des parents de Francis. En effet, ils vivent quelques temps à Chantelouve, près du col d’Ornon, chez le père de Jean. En revanche, la société montagnarde n’est absolument pas décrite, ni même évoquée. Il y a une unique allusion à l’usage de faire la lessive à la cendre deux fois par an, présenté comme propre au pays. L’intrigue pourrait se dérouler dans n’importe quelle société paysanne. D’ailleurs, la psychologie des personnages est assez sommaire. Le parti pris de l’auteur est de ne présenter que des personnalités bienveillantes et prêtes à aider les protagonistes, parfois de façon providentielle. La rencontre entre la mère du héros, coincée à Paris en plein débâcle militaire, et Hélène Dubois qui la prend en charge pour la transporter jusqu’à Lyon en est un exemple. Les épreuves du héros se déroulent dans une société sans heurts ni conflits. Il n’y a même pas de « vrai » méchant qui serve de repoussoir et dont le héros finisse par triompher. 
 
Il s’agit donc d’un « conte » moderne où un jeune garçon doit affronter les éléments déchaînés, la nature dure, parfois la bêtise innocente, mais jamais la méchanceté ou la médiocrité humaine. Au contraire, dans ce monde rude, en pleine guerre, les militaires, les notables – il est souvent fait mention des maires de La Grave, du Villar d’Arène et du Monêtier – , les commerçants font toujours preuve de la plus grande gentillesse, de compréhension quand l’argent vient à manquer, et de reconnaissance lorsque le héros a réussi à sauver la situation. Le seul « méchant » de l’histoire est Piarre, mais il l’est par simplicité d’esprit. D’ailleurs, Francis arrive non seulement à s’en faire un allié, mais l’aide à grandir en intelligence.
 
Le roman se clôt assez curieusement par un éloge du maréchal Pétain qui, comme le héros Francis, se dépasse pour accomplir l’« œuvre de sauvegarde. » Son nom n’est pas cité, mais l’allusion est transparente : 
Et la chaîne des jours heureux allait ainsi être renouée. La vie continuerait, dévoilant tour à tour ses soucis et ses sourires. L'œuvre de sauvegarde de la maison était accomplie. Un enfant s'en était chargé malgré sa faiblesse. Il était resté droit au milieu des ruines, puis il les avait relevées...
En France, pendant le même temps, alors que roulé au gouffre de la défaite, notre pays s'abandonnait, un Homme aux yeux clairs, chargé d'ans et de gloire, lui aussi s'était levé. Il demeura debout alors que tout s'écroulait autour de lui, debout dans la douleur, debout dans la débâcle… Il nous a rassemblés, il nous a ranimés et rendus à nous-mêmes. Par lui, nous sommes redevenus dignes de notre grand passé et dignes de notre avenir. "Père de la Patrie", tel est le nom que l’Histoire lui a déjà décerné. En est-il de plus beau ?... Il ne lui suffit pas encore, car il veut être aussi le père de tous les braves gens de chez nous et le grand-père chéri de tous les petits enfants de France. [p. 117]
Le tapuscrit ne porte aucune date. Cette conclusion du livre peut laisser penser qu'il a été rédigé vers 1942-1944, d'autant plus qu'il utilise le présent pour parler du maréchal. Même si L. Michel Feste-Roussel avait été un nostalgique de Pétain, il n'aurait pas rédigé ces quelques lignes de la même façon s'il l'avait fait après 1945. On ne sait évidemment pas s'il a essayé de publier son roman et, si oui, pourquoi il a été refusé.
 
L'auteur de ce roman est totalement inconnu. Une recherche rapide permet, dans un premier temps, de ne trouver qu'une référence à un prix de l'Académie française, en 1951, et quelques contributions à des recueils de chansons pour enfants. Une recherche plus approfondie m'a permis de trouver les grandes lignes de sa biographie et les références d'autres contributions. 
 
Louis Léon Feste est né à Lons-le-Saunier le 28 octobre 1882, fils d'un employé des chemins de fer, originaire d'Avignon, et d'une piqueuse de bottines, originaire de Lyon. Rapidement, la famille s'installe à Paris. Louis Feste entre dans l'administration des Postes dans laquelle il effectuera toute sa carrière. En 1932, il est contrôleur principal du central téléphonique de Paris-Archives. Il est alors nommé chef de bureau du central téléphonique de Lille-Urbain. Pendant quatre ans, il habite La Madeleine, près de Lille, avant d'être promu chef de bureau du central téléphonique d'Oran-Central en novembre 1936. Il part habiter en Algérie. Après sa mise à la retraite en 1942, il continue à vivre à Oran où il décède le 7 novembre 1960 à 78 ans. Il s'était marié le 19 janvier 1914 à Paris (12e) avec Fanny Roussel qui lui survivra 23 ans. Je ne sais pas s'ils ont eu des enfants.
 
A ses heures perdues, Louis Feste se consacrait à l'écriture. Sa production est difficile à évaluer car, à notre connaissance, il n'a publié aucun ouvrage sous son nom. Il a surtout contribué à des journaux et des revues. Sa première œuvre notable est une pièce en un acte jouée au Vieux-Colombier en décembre 1912 : Églogue. Il a bénéficié de quelques critiques favorables. Après de ce premier essai prometteur, il semble pourtant avoir abandonné le théâtre au profit du conte. On en trouve dans L'Humanité, La Franche-Comté à Paris, journal dans lequel il tient une chronique, Gil Blas, avant la guerre. En 1914, il reçoit un prix pour le scénario d'un film, Le Christ noir, qui ne semble pas avoir été tourné. Après la Première Guerre mondiale, il se tourne vers la littérature de jeunesse en donnant des contes dans Lecture pour tous. Je ne vais pas égrener toutes les modestes contributions qu'il a fournies. En 1936, après un prix pour une féerie pour rôles enfantins, la Nuit enchantée, le journal La Liberté lui consacre un petit article avec une photo, la seule que nous connaissons.
 

Il obtient en 1951 un prix de l'Académie française, le prix Henry Jousselin, pour Chansons et tableau. Sa vie n'est pas suffisamment connue pour connaître les raisons de son intérêt pour l'Oisans. Même si cela reste une supposition, il est probable qu'il y a passé un ou des séjours en vacances, car la lecture de son roman montre une connaissance qui n'est pas seulement livresque de la région. Comme je l'ai noté précédemment, il a dû faire le trajet du Casset à Villar d'Arène par le col d'Arsine, ce qui l'a conduit à en donner le tracé précis dans son récit.
 
Enfin, notons qu'il signe ses premières contributions Louis Feste. Ce n'est, semble-t-il, que vers 1930 qu'il prend l’habitude d'ajouter Michel à son prénom jusqu'à en faire son prénom de plume et de signer du double nom Feste-Roussel, composé avec celui de son épouse.

Il y a peu de romans pour la jeunesse qui ont l'Oisans pour cadre. Je n'en connais que trois.
 
Le premier est La Route de là-bas, de Suzy Arnaud-Valence, paru en 1968. C'est un livre pour adolescents dont le héros, fasciné par une image de la Meije, se fait aide-berger à La Grave et découvre ainsi le monde de la montagne. C'est un récit d'initiation, illustré par Michel Gourlier :
 

 
 
Je l'ai cité en premier car c'est celui qui me semble le plus proche dans l'esprit de Francis ou la Scierie des Eaux-Vives. Si ma mémoire est bonne, il est de meilleure qualité littéraire et surtout plus réaliste dans sa description des personnages et des situations. Probablement qu'en 1968, même dans cette littérature, on en est revenu de l'édification morale à base de  héros adolescents investis d'une mission de sauvegarde.

Le second, plus contemporain, puisque paru en 1944, mais d'un esprit plus proche des enquêtes policières du type "Club des cinq", est La Montagne aux 3 mystères, de Jean des Brosses. Ce livre se déroule dans des lieux imaginaires, mais quelques indices et les illustrations laissent entendre qu'il se passe en Oisans et en Dauphiné.




Enfin, le dernier, dans une genre différent, est Trag, le chamois, sur un texte de Micheline Morin avec des illustrations de Samivel, paru en 1948 pour la première édition. Cette histoire se passe dans le Combeynot, près du Lautaret.