dimanche 30 septembre 2012

Joanny Drevet, l'Ecole Estienne et autres

J'ai récemment eu l'occasion d'évoquer l'illustrateur Joanny Drevet, qui a mis son talent au service des paysages des Alpes dauphinoises (voir ici). En 1930, il collabore à une belle entreprise éditoriale, peut-être un de ses premiers livres illustrés. Sur la base de 4 nouvelles de Pierre Scize (pseudonyme du journaliste lyonnais Michel Piot, 1894-1956), les éditions Didier & Richard de Grenoble publient un bel ouvrage, aux nombreux grands papiers, en faisant appel à Joanny Drevet pour l'illustration. 


Tout cela donne ce livre En Altitude, tiré à 2150 exemplaires, illustré de 16 eaux-fortes et 12 héliogravures de Joanny Drevet. En supplément, 5 petits dessins à la plume font office de culs-de-lampe.

Pour parler rapidement des nouvelles, il suffit de dire que ce sont 4 récits tous localisés dans les Alpes dauphinoises (Oisans, Queyras,...), dans lequel l'auteur cherche à évoquer les hommes (habitants, alpinistes, etc.) dans leurs rapports et leur confrontation avec la montagne et son monde. Le ton est un mélange, un peu vieilli, de fantastique et de nostalgie d'un monde en train de disparaître.

Pour revenir à Joanny Drevet, ces quelques illustrations extraites du livre donneront un perçu de son talent comme aquafortiste ou comme dessinateur, tout simplement.










Quelques années plus tard, en 1933, Pierre Scize donne une deuxième édition non illustrée, sous le titre Gens des Cimes, complétée d'une nouvelle et d'un Avertissement, qui est un réquisitoire contre le progrès et les dégâts irréparables qu'il occasionne au monde de la montagne.

En 1937, peut-être comme résultat de leurs travaux pratiques, les élèves de l'Ecole Estienne s'attellent à une nouvelle édition, qu'ils composent, impriment et illustrent eux-mêmes. 



Cela donne un bel ouvrage in-folio en feuilles, tiré à seulement 200 exemplaires, illustré de 11 gravures, dont je donne ici quelques exemples.







Ces gravures sont manifestement inspirées de photographies de l'époque et ne sont pas des représentations des paysages qui forment le cadre des nouvelles du recueil.

La dernière gravure en colophon illustre la justification du tirage  :


Il semble que l'édition d'ouvrages par les élèves de l'école Estienne ait été courant dans les années qui ont précédé la guerre. Cette même année 1937, ils ont aussi édité 3 autres ouvrages.

Pour finir, dernière édition, à Lyon, au sortir de la guerre, en 1945. L'illustrateur est alors Jean-Albert Carlotti, peintre lyonnais (1909-2002). 
 

Le tirage est plus important, 2020 exemplaires. Les illustrations, très noires, renforcent le ton légèrement pessimiste des nouvelles en leur donnant une tonalité plus sombre. D'un certain point de vue, elles sont plus proches du contenu des nouvelles, car elles s'attachent plus à représenter les gens, qui forment le cœur de chaque nouvelle, que les paysages qui ne sont souvent qu'un cadre rapidement évoqué. Ce choix donne un aperçu du style et du ton général de l'ouvrage :





Pour aller plus loin et voir d'autres illustrations des ouvrages, rendez-vous sur mon site :
En altitude, 1930, illustré par Joanny Drevet
Gens des Cimes, 1937, illustré par les éléves de l'Ecole Estienne
Gens des Cimes, 1945, illustré par Jean-Albert Carlotti

Pour finir, une précision pour mes lecteurs lyonnais, c'est le quai Pierre-Scize qui a donné son nom au journaliste et non l'inverse...

dimanche 16 septembre 2012

Un anniversaire et une conférence

Hasard du calendrier, hier 15 septembre j'ai fêté les 5 ans de ce blog et j'ai prononcé une conférence visiblement appréciée sur les trésors cachés de la bibliographie briançonnaise, dans l'ancienne salle d'audience du tribunal de Briançon (cette conférence avait été prononcée la veille à Gap).

Je vois comme un signe dans le rapprochement de ces deux événements car le travail mené patiemment sur ce blog et sur le site qui lui correspond (www.bibliotheque-dauphinoise.com) trouve sa concrétisation dans une conférence comme celle d'hier. Le savoir accumulé à travers les livres et ordonné grâce la publication sur Internet a pu ainsi, à travers un thème choisi, être partagé. J'ai abordé cette conférence comme un essai de synthèse sur comment un petite région française, le Briançonnais, riche en histoire et en beautés naturelles, a été découverte, explorée, racontée, décrite, illustrée par le livre.

Quelques uns des livres et des illustrations qui ont été présentés :

Vue de Briançon, dans Les vallées Vaudoises pittoresques, William Beattie,1838

 Jean Pierre Cot, un ouvrier boulanger, défend l'emplacement de la gare de Briançon, en 1876

 Château-Queyras, dans l'Album du Dauphiné, 1835-1839

 Des récits d'ascensions par Paul Guillemin, 1880

 Une gravure (glacier blanc, glacier noir, les Ecrins) d'après une photo de Paul Guillemin

 Un roman inoubliable (!), qui débute dans le Briançonnais

Le premier mémoire historique sur le Briançonnais, en 1754, par Jean Brunet 
et sa reliure

Le sage sous-préfet Chaix et ses pensées fouriéristes 
dans ses Préoccupations, etc. parues en 1845.

Les belles illustrations de costumes briançonnais dans cet ouvrage d'Edmond Delaye



Le Pays Briançonnais, d'Henri Ferrand, un beau livre de photos

Un exemple d'ouvrage d'un promeneur du dimanche...

Lorsque un ancien préfet se fait romancier...


Un livre d'érudition entièrement autographié

Le Briançonnais vu par les militaires 
et sa reliure

La présentation complète (sans le discours qui l'accompagne !) peut être téléchargée ici : cliquez-ici.

samedi 8 septembre 2012

Une conférence lors des journées du patrimoine 2012

"Les trésors cachés de la bibliographie briançonnaise", tel est le titre de la conférence que je vais prononcer vendredi et samedi prochains dans le cadre des Journées du Patrimoine 2012. Pourquoi un tel titre ? L'annonce est déjà un premier élément de réponse :
Le livre, un patrimoine caché ? On croit connaître tout ce qui a été écrit sur le Briançonnais. Et pourtant, dans cette masse impressionnante de plusieurs centaines d'ouvrages, il se cache quelques trésors, quelques « pépites ».
Qui saurait dire que, dans tel ouvrage au titre improbable, se cache le premier mémoire historique sur le Briançonnais ? Que telle plaquette de souvenirs nous fait revivre une première communion au début du xixe siècle ? Qu'un sous-préfet de Briançon s'est fait l'ardent défenseur du fouriérisme et de son introduction dans nos Alpes ? Qu'un savant anglais aujourd'hui oublié a, pour la première fois, dessiné nos sommets du Haut-Dauphiné ? Qu'un notable du premier Empire a raconté son séjour forcé dans le Queyras sous la Révolution ?
Ce sont ces livres, et quelques autres, que le conférencier invite à découvrir à travers un parcours guidé parmi près de mille ouvrages depuis le début du xviie siècle jusqu'au milieu du siècle dernier.
De plus le thème des journées 2012 est le patrimoine caché. Donc, si vous voulez en savoir plus, je vous invite :
  • Gap - Vendredi 14 septembre – 18 h 30 – salle Le Royal, rue Pasteur
  • Briançon – samedi 15 septembre – 16 heures – ancienne salle d’audience du Tribunal – 49 Grande Rue
Ces conférences sont prononcées sous les auspices de la Société d'Etudes des Hautes-Alpes.
Pour donner un indice sur le sous-préfet fouriériste,  son ouvrage majeur est illustré de cette planche :


Ne m'imaginez pas comme ce vénérable vieillard sous mon arbre, éclairant mes auditeurs sur la bibliographie briançonnaise.



dimanche 2 septembre 2012

Découverte de Turin, ses musées, ses libraires (ceux qui étaient ouverts !)

J'ai profité de ces dernières vacances pour faire une petite virée en Italie. Cela faisait longtemps que je voulais découvrir le musée de l'Alpinisme et de la Montagne de Turin.

Le musée de la Montagne, de Turin

Première remarque : pour tous ceux qui s'intéressent à la montagne, ce musée me semble indispensable, beaucoup plus que son équivalent chamoniard. Il est de plus installé dans un site magnifique qui domine Turin. On peut imaginer que le panorama des montagnes qui entourent Turin est superbe, mais la brume de chaleur n'en laissait deviner que le contour.

Vue de Turin depuis Superga

Cela a aussi été l'occasion de découvrir Turin. Avant de partir, j'avais consciencieusement relevé les adresses des différents libraires anciens, en particulier celle d'un libraire qui, il y a quelques années, avait proposé un catalogue magnifique, plein de raretés sur les Alpes et la montagne. Las ! les libraires s'étaient visiblement donnés le mot, ils étaient quasiment tous en vacances. J'ai pu tout de même en voir un, plus vendeur de cartes et d'estampes que de livres anciens. Pour ne pas partir bredouille, j'ai acheté cette carte du Mont-Thabor et de ses environs.


Cette carte est extraite de : 
Opérations géodésiques et astronomiques pour la mesure d'un arc du parallèle moyen exécutées en Piémont et en Savoie, par une commission composée d'officiers de l'état major général et d'astronomes piémontais et autrichiens en 1821, 1822, 1823
Milan, Imprimerie impériale et royale, 2 volumes, 1825 et 1827.



Dans ce travail de géodésie, un certain nombre de sommets ont servi de repère géodésique. Parmi eux, le Mont-Thabor, à la frontière actuelle des Hautes-Alpes et de la Savoie (altitude : 3.178 m.). L'ouvrage contient un chapitre spécial consacré à la description des différents sommets : Chapitre second. Description des stations géodésiques avec la topographie de leurs environs. Chaque description de sommet est accompagnée d'une carte. La description du Mont Thabor (orthographe moderne) est la suivante :

Mont-Tabor (élevé de 3.172 mètres au-dessus du niveau de la mer)
Le Mont-Tabor est situé au sud-est du village du St Michel en Maurienne, près des confins qui séparent la Savoie et le Piémont du Dauphiné. Il se trouve à la tête des vallons de Valmeinier du côté de la Savoie, et de Mélezet du côté de Bardonêche. Le sommet de la montagne est un plateau assez étendu, qu'on ne peut aborder sans traverser les glaciers qui l'entourent. On y arrive, soit en remontant la droite du vallon de Valmeinier, soit en suivant celui de Mélezet, et enfin, en partant de Modane, par le vallon de la Rou, et passant à la chapelle de N. D. de Charmais, pour prendre ensuite l'embranchement à droite, et laisser à gauche le chemin de Bardonêche. Il est éloigné de sept heures et demie de marche de St Michel, de cinq heures de Mélezet, et de six heures de Modane. 
Le signal est placé sur le bord des escarpemens qui regardent la tête et les lacs du vallon de Valmeinier, à deux cents pas de la chapelle qui se trouve à l'extrémité du plateau. On aurait choisi de préférence le point culminant, si la vue du Perron des Encombres n'avait été masquée par le Pic qui s'élève du milieu du glacier vers l'ouest. Le signal est bâti en pierre sèche, et a la même forme que le précédent. 

J'ai eu d'autant plus de plaisir a acheté cette carte que je suis monté au sommet du Mont-Thabor cet été. La chapelle dont parle le rédacteur de l'ouvrage ci-dessus existe toujours, comme le prouve cette vue.



En revanche, les glaciers, qui étaient sûrement très développés en cette fin de petit âge glaciaire, ne sont plus qu'un souvenir. Tout au plus reste-t-il quelques névés. En revanche, la vue est toujours aussi belle, comme le prouve ce panorama du massif des Ecrins.


Avec ce détail sur le massif de la Meije :