mardi 14 novembre 2017

Un témoignage extraordinaire sur la société haute-alpine du XIXe siècle.

Au début des années 2000, en faisant des travaux de rénovation au château de Picomtal (Les Crots), les ouvriers qui démontaient un ancien parquet ont découvert qu'un de leur lointain prédécesseur avait écrit ses pensées au revers des planches et sur certaines cales. Sortis soudainement de l'obscurité où il se trouvait depuis 120 ans, ces textes attendaient leur historien. C'est maintenant chose faite depuis la parution récente (fin octobre), de l'ouvrage de l'historien Jacques-Olivier Boudon : Le plancher de Joachim. J'ai souhaité présenter cet ouvrage à double titre. C'est d'abord le témoignage extraordinaire d'une voix populaire qui s'adresse directement à nous, ce qui est particulièrement rare. Ensuite, c'est une tranche de l'histoire des Hautes-Alpes dans la période 1860-1880, au moment même où le département vit une transformation profonde à la charnière entre le Second Empire et l'installation de la République.


Joachim Martin est né aux Crots (qui s'appelait alors les Crottes) le 8 avril 1842. Fils de menuisier, menuisier lui-même, il est aussi cultivateur sur les quelques terres qu'il possède. A ce titre, il est le représentant de ce peuple des campagnes des Hautes-Alpes. Il n'est pas pauvre. Il est propriétaire, il paye des taxes, en résumé, il peut subvenir aux besoins de sa famille. Il n'est pas non plus aisé. Sa situation reste précaire, il n'est pas à l'abri d'un accident de la vie qui mettrait en péril le fragile équilibre familial. Il se marie aux Crots le 26 avril 1870 avec Marie Robert, dont il a eu 4 enfants. Il est décédé dans cette même commune le 2 juillet 1897 à 55 ans. En 1880, Joseph Roman, qui vient d'acheter le château de Picomtal, aux Crots, lui confie la réfection des parquets. C'est alors que Joachim Martin confie ses pensées aux planches qu'ils posent.

Les signatures de Joachim Martin (en haut à gauche) et de Marie Robert (en haut à droite),
de leurs parents et témoins sur leur acte de mariage

Si j'ai un conseil à donner, c'est celui de commencer la lecture de l'ouvrage par les pages où sont transcrits les 72 textes laissés par Joachim Martin sur les planches (pp. 209-222). Ce sont les textes bruts, sans commentaire. Ils permettent de s'imprégner de ses pensés et préoccupations sans l'intermédiaire du commentaire ou de la mise en perspective apportés par Jacques-Olivier Boudon. Non pas que le travail de ce dernier dénature ces textes. Bien au contraire, il faut reconnaître la très grande rigueur et l'honnêteté intellectuelle de l'auteur qui s'interdit d'interpréter ou, plus familièrement de « broder », sur ce que nous dit Joachim Martin. Il aurait pu être tentant de se livrer à l'exercice de transformer ces phrases, pour les insérer dans une trame romanesque, comme on le voit dans les biographies romancées, sous prétexte de rendre le propos plus vivant et agréable à lire. Jacques-Olivier Boudon montre que l'on peut être rigoureux et documenté, sans que cela nuise au plaisir que l'on a de découvrir la vie de Joachim Martin. Et c'est aussi et avant tout le travail d'un historien, qui a mené d'importantes recherches documentaires sur le département, la commune des Crots et la famille de Joachim Martin.


En introduction, Jacques-Olivier Boudon se réfère à juste titre au célèbre ouvrage Le monde retrouvé de Louis-François Pinagot. Pour rappel, il s'agit d'un ouvrage historique dans lequel Alain Corbin s'attache à reconstituer la vie et le milieu d'un parfait inconnu choisi au hasard dans l'état civil d'une commune aussi choisie au hasard dans l'Orne. Il en résulte la vie du sabotier Louis-François Pinagot, qui a vécu de 1796 à 1876 dans un village à la lisière de la forêt de Bellême. Ce livre, qui aurait pu sembler être un exercice de style, s'avère un modèle du genre lorsqu'il s'agit de construire la biographie d'une homme obscur. Jacques-Olivier Boudon s'est appliqué à la même démarche, car, au-delà des textes laissés par Joachim Martin, il fallait aussi les contextualiser. Il fallait aussi vérifier les faits souvent précis en termes de personnes, d'événements ou de dates. Le résultat de ce travail est une réussite. Jacques-Olivier Boudon s'est totalement imprégnée de cette société haute-alpine de la deuxième moitié du XIXe siècle, avec la profonde mutation que vit la région. Cette mutation, Joachim Martin la perçoit, la vit et même la décrit avec ses mots. Jacques-Olivier Boudon la met en perspective.

Les chapitres du livre abordent tous les aspects de la vie de Joachim Martin : sa famille, ses amis, la société villageoise avec ses tensions, son métier, son chantier au château de Picomtal, avec l'évocation de son propriétaire, Joseph Roman. Il y a 3 aspects qui m'ont particulièrement intéressé. Le premier est l'étude de la vie politique de l'époque avec la transition de la société villageoise vers la République et l'engagement grandissant des populations dans la vie citoyenne, en particulier de ceux qui en ont été longtemps exclus comme Joachim Martin et ses semblables. Le deuxième thème qui est largement abordé est le difficile rapport entre la société villageoise et le curé, dans le contexte plus général de la montée simultanée de l'anticléricalisme, porté par une frange républicaine de la population villageoise, et de l'intransigeance cléricale. Dans cette étude, l'auteur met bien en exergue les rapports ambivalents de Joachim Martin, et plus généralement des villageois, entre une forme d'attachement à la religion et aux manifestations religieuses et l'opposition frontale avec le curé. Joachim Martin a d'ailleurs un conflit personnel avec celui-ci, qui le conduit à envoyer une lettre de dénonciation au préfet. Enfin, et c'est probablement un des aspects les plus fascinants de ces traces écrites, on a une vision de la sexualité par Joachim Martin. Il n'est pas besoin de dire qu'on ne dispose en général d'aucun témoignage sur ce que pouvait être la vie sexuelle, et la perception de cette vie, par nos ancêtres paysans des campagnes des Hautes-Alpes (et d'ailleurs). Le support choisi par Joachim Martin lui a donné une liberté de parole inédite et parfois crue. Parmi ces différentes réflexions, il s'insurge contre le contrôle de la sexualité par le curé, par l'entremise de la confession des femmes :
D'abord je lui trouve un grand défaut de trop s'occuper des ménages de la manière que l'on baise nos femmes. Combien de fois par mois [...] enfin je ne sais combien de choses qu'il a demandé et défendu à toutes les femmes du quartier. De quel droit misérable. Qu'on le pende ce cochon. Mr [Roman] n'a pu le croire !
C'est presque la revendication d'une forme de liberté sexuelle qui s'exprime ici. Ce qui est savoureux dans cette remarque est qu'il finit par s'en ouvrir à son client, Joseph Roman, pourtant fort traditionaliste.

Les rapports de Joachim Martin et Joseph Roman sont aussi plein d'ambivalence. Il y une forme de proximité, comme on le voit dans le point précédent, mais aussi lorsqu'il rapporte que Joseph Roman lui montre les dessins des peintures murales de l'église de l'Argentière-la-Bessée. Il devait aussi être assez proche de lui pour connaître des détails de sa vie personnelle et privée : sa mère (et ses frasques parisiennes), son père, son éducation, sa famille, sa passion et son activité d'érudit, On sent parfois une forme d'affection de Joachim Martin pour Joseph Roman. Mais, dans le même temps, il dit : « O toi seigneur qui habite le château ne méprise pas l'ouvrier  ».


Joachim Martin relève un aspect inconnu de la personnalité de Joseph Roman. Toux ceux qui s'intéressent à l'histoire des Hautes-Alpes connaissent son important travail d'érudition historique, voire savent qu'il y a eu un violent conflit entre Joseph Roman et l'abbé Paul Guillaume, l'archiviste du département, conflit de personnalités et conflit de prééminence. Tout cela est du domaine public. Sur la personnalité de Joseph Roman, il faut lire sa notice nécrologique anonyme dans le Bulletin de la Société d'Etudes des Hautes-Alpes, 1925, où, après les éloges d'usage sur ses travaux et ses mérites, on rappelle quelques traits moins favorables de sa personnalité : « il ne put jamais se guérir d'une certaine légèreté d'esprit », « on trouve toujours quelque erreur due à un manque d'attention évident », « trop de confiance en lui-même », « il fallait parfois le croire sur parole quand il affirmait un fait. » Mais cela reste encore dans les limites de ce que l'on peut dire publiquement sur quelqu'un. Joachim Martin ne s'embarrasse pas de précaution lorsqu'il relève le comportement un peu efféminé de Joseph Roman :
Mr n'est pas méchant mais il a temps soit peu conservé une forte dose de verve féminine car élevé par sa  tante Mme Amat rentière de 20 mille de Gap elle l'a gâté raclé arrangé de manière qu'il lui vient toujours quelque mauvaise manière féminine. Gentil garçon aimant les jolies femmes et ne les touchant pas, se mêlant un peu à tous les procès. Donnant des bons conseils à qui veut bien les écouter.
Notons d'ailleurs qu'il n'y a pas de jugement de valeur sur ce comportement. C'est un constat, avec un embryon d'explication psychologique. Il exerce sur lui son talent d'observateur.

Si j'avais un regret à exprimer, je trouve que Jacques-Olivier Boudon ne répond pas à une question qui vient naturellement à l'esprit. Joachim Martin était-il représentatif des personnes de son milieu, c'est-à-dire la société villageoise des cultivateurs, des petits propriétaires et des artisans, dans les Hautes-Alpes de la moitié du XIXe siècle ? La seule amorce de réponse se trouve dans cette remarque, où l'on voit l'auteur situer clairement Joachim Martin comme une exception au sein de son monde : « A certains égards, Joachim Martin est un être exceptionnel par le rapport qu'il entretient au temps. Il est à mille lieues de ces gens simples décrits comme uniquement préoccupés du lendemain, vivant au jour le jour, incapables même de se souvenir de leur date de naissance. » Pourtant, rien ne le prouve. Affirmer que « les gens simples » vivaient « au jour le jour » me semble un peu rapide. Sur quels éléments se fonde Jacques-Olivier Boudon, sinon sur une vision fabriquée de la société paysanne. Et si, au contraire, Joachim Martin était représentatif et qu'il s'était fait le porte-parole des sans voix de l'époque. Appliquer cette grille de lecture à l'ensemble de ses propos permettrait peut-être d'amorcer une révision de la vision de cette société, vision qui est brouillée par le discours qui était tenu à l'époque par les élites (administrateurs, curés, etc.) et par une reconstitution à posteriori du fonctionnement de ces sociétés passées. Ce dernier phénomène est le résultat d'un curieux mélange entre l'idée d'un âge d'or connu par les sociétés paysannes anciennes et d'un « dolorisme » appliqué à ces mêmes sociétés. Il suffit de lire les nombreux témoignages des « anciens », abondamment publiés ces dernières décennies pour comprendre ce que je veux dire. Les propos cachés de Joachim Martin sont pourtant l'occasion de revoir cette construction intellectuelle sur les sociétés anciennes. Ce livre ne s'engage pas dans cette voie.

Signalons que, récemment, a été publié La Roche-de-Rame, registre de paroisse, 1848-1911, par l'Association du patrimoine de La Roche de Rame. Ce sont des carnets tenus par les curés de la Roche-de-Rame entre 1842 et 1911, mais surtout jusqu'en 1849. Malgré le biais inévitable d'un témoignage d'un curé prompt à fustiger les comportements de ses contemporains, ce sont aussi des tranches de vie, comme des coupes archéologiques dans la société de l'époque, dans un milieu et un contexte très similaires à celui des Crottes, bien qu'un peu antérieures dans le temps. Ces carnets ont été bien publiés par l'Association, mais ils attendent aussi leur historien pour les situer et les analyser dans leur contexte.

A la lecture, il y a un autre point qui me semble apporter un autre éclairage sur ce monde haut-alpin, mais j'en parlerais plus longuement le moment venu.

Pour terminer, ce petit clin d'œil en écho à une des remarques de Joachim Martin. Parlant de Joseph Roman et de ses travaux, il rapporte : « célèbre par les écrits qu'il fait relier à Grenoble et a dans sa bibliothèque. » Il se trouve que je possède plusieurs livres de la bibliothèque de Joseph Roman, soit ses propres travaux, soit des ouvrages sur les Hautes-Alpes. J'ai reconstitué ainsi un petit bout de cette bibliothèque telle que pouvait la voir Joachim Martin.


mercredi 1 novembre 2017

Casimir Dumas, éphémère libraire dauphinois

Tous les amateurs de livres de montagne connaissent la somme de John Grand-Carteret : La Montagne à travers les âges, publiée en 2 volumes, en 1903-1904, conjointement par la Librairie dauphinoise de Grenoble et la Librairie savoyarde de Moutiers. Pour chacune des librairies, le nom des libraires est mentionné. Pour la Librairie savoyarde, il s'agit de François Ducloz, qui est aussi l'imprimeur des 2 volumes. En revanche, pour la Librairie dauphinoise, un observateur attentif constatera que le volume de 1903 porte H. Falque et F. Perrin et celui de 1904 porte C. Dumas. 



Tous les bibliophiles familiers des éditions grenobloises connaissent l'abondante et riche production du libraire Félix Perrin. Parmi quelques titres célèbres, nous pouvons citer : Au Pays des Alpins, d'Henry Duhamel, Nos Alpins, avec des textes d'Henri Second et des illustrations d'Eugène Tézier, Chansons populaires recueillies dans les Alpes françaises (Savoie et Dauphiné), de Julien Tiersot, aussi publié avec François Ducloz. Ce ne sont que quelques titres parmi la soixantaine qu'il a publiés entre 1896 et 1903. Malheureusement, la situation financière de Félix Perrin et de son associé s'est vite dégradée, ce qui les a conduit à céder leur activité dans le courant de l'année 1903. Nous ne savons pas dans quelles conditions s'est faite cette cession (faillite ? cession à l'amiable ?), mais ce qui est assuré est que l'affaire est reprise par un certain C. Dumas. Félix Perrin est aussi obligé de vendre sa très riche bibliothèque, à la fin de l'année 1903. Le catalogue de cette vente est une référence sur la bibliographie dauphinoise.

L'envie d'en savoir plus sur ce C. Dumas, envie aiguisée par des papiers provenant de sa famille, m'a conduit à mener quelques recherches sur cette personnalité. Pour commencer, aucun des ouvrages sur la vie dauphinoise et la vie grenobloise de cette époque ne permet de connaître ce Dumas. Il semble être sorti de nulle part.

En fait, Casimir Dumas est né à Corps le 22 février 1862, fils de Casimir Dumas, marchand de rouennerie, et de Marie Pellissier. Comme tous les jeunes gens de bonnae famille de l'Isère, il fait ses études d'abord au Petit séminaire du Rondeau, à Grenoble, pour l'équivalent de notre collège, puis au Lycée de Grenoble (1878-1882). Cette attestation nous donne l'image d'un bon élève à la conduite satisfaisante.


Étudiant à Lyon, il semble que sa conduite se soit dégradée, le conduisant à contracter des dettes. Probablement à la demande de ses parents, en mars 1883, il rédige cet étonnant document, où il autorise "ses père et mère à disposer de leurs biens à leurs décès et de la manière dont ils l'entendront, si je retourne contracter une seule dette ou mal me conduire". Il reconnaît aussi devoir 20 000 francs à son père. 


A la fin de cette même année 1883, il est appelé au service militaire, au 22e régiment d'Infanterie. Il tente d'intégrer l'École spéciale militaire, mais n'y parvient pas. Son service militaire sera aussi assez chaotique. Il manque à l'appel, il est ramené entre 2 gendarmes, il est condamné pour désertion, puis amnistié. Une jeunesse tumultueuse !

Après avoir été libéré du service militaire en 1889, on le retrouve chez ses parents à Corps. En 1891, il est recensé dans leur ménage, montée des Fossés. Son père est marchand de rouennerie, alors que lui est simplement dit être sans profession, malgré ses 28 ans. Après le décès de son père, il reste dans la maison familiale avec sa mère et, à partir de 1896, de sa jeune épouse Gabrielle Catelan, la fille d'un propriétaire et marchand de graines fourragères de Corps. Il est qualifié de propriétaire rentier, comme il le sera encore en 1901 quand le recenseur passera de nouveau. Ainsi, en 1902, avant que nous le voyons apparaître dans le monde de la librairie, à l'âge de 40 ans, après une jeunesse visiblement agitée, il ne semble n'avoir jamais vécu que des rentes que lui a laissées son père et, peut-être, de l'apport de son épouse. On ne trouve pas son nom ni dans les annuaires de la Société des Touristes du Dauphiné, ni dans ceux du Club Alpin Français. Comme on le voit, rien ne semblait le prédisposer à devenir libraire et à reprendre le fonds prestigieux d'une librairie qui s'était spécialisée dans le beau livre alpin et dauphinois.

C'est donc cet homme qui quitte Corps vers 1902 pour s'installer à la villa des Pervenches à la Tronche et, un an plus tard, reprendre le fonds de librairie de Félix Perrin. Il assure immédiatement la publication en 1904 du 2e volume de La Montagne à travers les âges, où il appose son nom seul. Dans un ouvrage publié en 1903, Rêves et indignations, son nom est encore associé à celui d'Henri Falque. Hormis ces 2 ouvrages, je n'ai trouvé qu'une autre publication de sa librairie, sans date : Géographie élémentaire du département de l'Isère, accompagnée d'une notice sur le Dauphiné, d'un questionnaire et d'un dictionnaire des communes, par Andreas Buchner.

Il décède à La Tronche le 8 août 1904, probablement assez brutalement. Il laisse une jeune veuve et 2 enfants. Cette lettre à en-tête de la Librairie dauphinoise, adressée à sa mère et datée du 18 juin 1904 ne fait allusion à aucun problème de santé ni ne montre aucune faiblesse particulière. Quelques jours après sa mort, il est procédé à la liquidation judiciaire de sa société. 


La librairie a ensuite été reprise par M. de Vallée. Cette annonce parue dans La Montagne, le 15 janvier 1905, laisse penser qu'il n'y a pas eu de propriétaire de la librairie entre Félix Perrin et ce dernier : "La librairie Dauphinoise, qui, sous la direction de M. Félix Perrin, a édité nombre de livres importants concernant les Alpes, vient d'être acquise par M. de Vallée, ancien secrétaire général du Syndicat d'initiative de Grenoble. Souhaitons qu'elle nous livre quelques bons volumes sur la montagne." Peut-être que vu de loin, le court passage de Casimir Dumas à la Librairie dauphinoise n'était qu'un intérim. Il est vrai qu'il n'y est passé que de la mi-1903 jusqu'à août 1904.

Sur Félix Perrin et la Librairie dauphinoise : cliquez-ici.

Librairie Dauphinoise dans Nos Alpins, d'Eugène Tézier

Je remercie le libraire "Aux Vieux livres de Gustave" qui m'a confié ces papiers de famille, qui ont été à l'origine de cette brève étude sur la courte vie du libraire Casimir Dumas. Lien vers son site : cliquez-ici.

jeudi 12 octobre 2017

Jean Lapaume et le patois dauphinois

Il y a quelques années, j'avais acheté un recueil de poésies en patois du Dauphiné, paru chez le libraire Xavier Drevet en 1878. Il était l’œuvre d'un certain J. Lapaume, professeur de littérature étrangère près la Faculté de Grenoble. A l'époque, j'avais fait quelques recherches, mais je n'avais rien trouvé sur lui. En particulier, sans lien apparent avec le Dauphiné, je ne voyais guère les raisons qu'il avait eues de s'intéresser au patois dauphinois. Quant à son ouvrage de 1878, je savais seulement qu'il en existait une première édition paru en 1866.

Cet été, au hasard de mes recherches, j'ai trouvé cette mention peu amène d'Albert Ravanat sur le travail de Lapaume : « recueil qui n'a jamais été terminé et qui est heureusement peu répandu ». Au même moment, j'ai découvert un bel exemplaire de la première édition de 1866. Cela m'a poussé à faire quelques recherches sur Jean Lapaume, car tel est son prénom, et sur sa contribution à l'étude des poésies en patois du Dauphiné.

Édition de 1866 du Recueil de poésies en patois du Dauphiné

Sur ce livre, Anthologie nouvelle autrement Recueil complet des poésies patoises des bords de l'Isère. Tome IVe et dernier, miscellanées, je vous renvoie à la notice que je lui ai consacrée (cliquez-ici). Vous y apprendrez qu'il s'agit essentiellement d'une œuvre de compilation dans laquelle l'auteur a jugé bon de  modifier l'orthographe originale sur la base de considérations philologiques qui lui font décréter qu'il faut écrire "Malheirou" et non "Malherou" dans le célèbre poème Grenoblo Malherou sous le prétexte que « le patois n'emploie jamais d'accents dans le corps des mots. » Autre facétie de notre auteur, il modifie la date de l'Epitre en vers, au langage vulgaire de Grenoble, sur les réjoüissances qu'on y a faites pour la Naissance de Monseigneur le Dauphin, en 1729, en l'appelant : Epitre sur les réjouissances par lesquelles Grenoble célébra, en MDCLXXXII (1682), la naissance de Monseigr le Dauphin, duc de Bourgogne. J. Lapaume vieillit le poème de près de 50 ans en l'associant, sans autre raison apparente, à la naissance du duc de Bourgogne en 1682. En réalité,  comme il considère Laurent de Briançon et Jean Millet comme « les deux maîtres, sans contredit, de notre Parnasse patois », il souhaite rendre ce texte contemporain de ces auteurs, en modifiant l'événement et la date que célèbre cet épitre. On peut juge de la rigueur scientifique ! 


Mais le personnage Jean Lapaume mérite d'être mieux connu. J'ai résumé le résultat de mes recherches dans une page que je lui ai consacrée (cliquez-ici). Vous y découvrirez un professeur de lettres plutôt instable, qui enchaîne les postes suite à de nombreux aléas de carrière qui semblent autant dus aux conflits politico-religieux qu'il a eus avec les autorités qu'à un caractère visiblement difficile. Cela lui fera s'exclamer : « Où donc est l'influence occulte qui persiste à tout paralyser ? » Il finira par obtenir un poste de professeur de lettres étrangères auprès de la Faculté de Grenoble, où il arrive en octobre 1862. Il y restera jusqu'à sa mise à la retraite, en 1868.

Jean Lapaume était surtout un polygraphe, qui a écrit sur de nombreux sujets, même si sa spécialité était la philologie historique. Comme beaucoup de ses pairs, il était féru d'étymologies qui semblent souvent s'être avérées excentriques ou farfelues. L'œuvre de sa vie est le fruit de son travail lors de son séjour à Versailles, où il met à profit ses années de congé. C'est, en 3 volumes : La philologie appliquée à l'histoire, autrement origine et valeur des six noms Versailles et Trianon, Paris, Louvre, Tuileries et Louis-Napoléon. Ce qui devait être l'œuvre de sa vie entière, Les Origines Européennes et manifestes de tous les mots de la langue française, n'a jamais paru.

Comme il le dit lui-même, « quand en 1862, sur la fin d'octobre, j'arrivai de Rennes à Grenoble, mon premier souci fut de m'informer si ma nouvelle résidence offrait des ressources pour des études philologiques. Dès le premier jour, je mis la main sur les poésies patoises et j'en fis en quelque sorte ma province. » Cela explique la publication de cette Anthologie nouvelle, qui devait paraître en 4 volumes, mais dont seulement 2 volumes ont paru, encore que « l'édition de cet ouvrage, à peine imprimée, a été détruite et n'est pas entrée dans le commerce. ». Cela explique probablement la rareté de ces volumes.

Pour finir, les jugements sur l'homme et l'écrivain sont en général sévères. Le plus sévère est le commentaire paru après son décès dans L'Intermédiaire des chercheurs et curieux auquel il a régulièrement collaboré : « Il y a bien, il est vrai, quelques correspondants qui répandent plus de gaieté que de lumière véritable. L'un des plus extraordinaires, au début, a été un certain Palma, de son vrai nom Lapaume, qui se répandait en étymologies qui eussent fait pâlir l'intrépide Ménage : c'est ainsi qu'il imagina de faire dériver corset de courir, parce que le lacet qu'on défait se livre à une véritable course. »

Édition de 1878 du Recueil de poésies en patois du Dauphiné

Quant au souvenir qu'il a laissé en Dauphiné, j'ai rapporté le jugement d'Albert Ravanat. Florian Vallentin a été guère moins sévère « L'Anthologie de M. Lapaume laisse beaucoup à désirer, et n'est pas un ouvrage auquel on puisse accorder une grande confiance. » Enfin, cette Anthologie a fait l'objet d'une passe d'armes entre Félix Crozet et Jean Lapaume, dont les termes sont reproduits dans le Bulletin de l'Académie delpinale.Visiblement, sa démarche n'a pas localement convaincu, en particulier par sa façon d'expliquer aux Grenoblois comment on doit écrire et comprendre leur patois. De plus, la manière dont il a justifié sa démarche n'était pas de nature à lui attirer les sympathies locales. Il avançait que pour pouvoir parler du patois dauphinois, il était nécessaire de recourir au grec et au latin et à toutes les autres ressources d'érudition philologique.

Jean Lapaume n'est cité qu'incidemment dans Les Fous littéraires, d'André Blavier, dans une note du chapitre Myth(etym)ologie (p. 265). Par certains aspects, il aurait mérité d'appartenir à ce dictionnaire, même si sa folie reste tout de même sous contrôle.


samedi 30 septembre 2017

Pierre-Joseph de Bourcet, par Albert de Rochas d'Aiglun

Il était presque naturel qu'Albert de Rochas d'Aiglun soit l'auteur de la notice la plus complète sur le lieutenant-général Pierre-Joseph de Bourcet. En effet, il s'était déjà intéressé aux travaux anciens de topographie des Alpes en publiant en 1875 un mémoire de Montannel dans La topographie militaire de la frontière des Alpes, avec une longue introduction sur l'histoire de cette topographie. Il donnait déjà une large place au lieutenant-général de Bourcet dont tout le monde sait qu'il a été le maître d’œuvre du levé de la carte du Haut-Dauphiné, entre 1749 et 1754 et publiée en 1758 : Carte géométrique du Haut-Dauphiné.


En 1895, il publie dans le Spectateur militaire, une série d'articles qu'il réunit ensuite dans une rare plaquette tirée à 100 exemplaires : Les Bourcet et leur rôle dans les guerres alpines.


Le cœur de l'ouvrage est constitué par la publication d'un mémoire inédit et très circonstancié sur la vie et la famille du lieutenant-général Pierre-Joseph Bourcet rédigé par « une personne qui a vécu dans l'intimité du lieutenant-général » [Jean Berthelot].

Pour le détail de l'ouvrage, je vous renvoie à la page que je lui consacre : Les Bourcet et leur rôle dans les guerres alpines. Vous y apprendrez que la dernière maladie et les circonstances du décès de Bourcet ont été relatées et analysées dans un mémoire du Dr Nicolas, Observation sur un phénomène inconnu de la respiration, paru dans les Mémoires sur les maladies épidémiques qui ont regné dans la Province de Dauphiné, depuis l'année 1780, sous couvert d'un anonymat facile à lever : « M. de B, lieutenant général des armées du Roi ».


Ce qui donne du prix à cet exemplaire qui vient de rejoindre ma bibliothèque est sa provenance. Bien relié, il porte en queue du dos un monogramme doré qui est celui de l'auteur lui-même, Albert de Rochas d'Aiglun


Détail du monogramme :


Portrait photographique de A. de Rochas d'Aiglun, de ma collection :


dimanche 13 août 2017

Vue du Pelvoux : de 1860 ... à 2017

Il y a quelques semaines, je présentais une vue du Pelvoux par Gaspard Gobaut, que l'on peut dater des années 1860. J'ai mis à profit mes vacances briançonnaises pour prendre la même vue grâce à l'indication d'un de mes lecteurs qui me signalait que celle-ci était prise depuis le col de la Pousterle.

Bénéficiant d'une belle journée comme seul le Briançonnais sait nous en offrir, je suis allé au plateau de la Pousterle pour mettre mes pas dans ceux de Gaspard Gobaut. Plus de cent-cinquante ans après lui, j'ai pris la même image. Seul le moyen utilisé a changé. L'aquarelle a été remplacée par la photo numérique. Je vous laisse découvrir et comparer les deux vues du Pelvoux.



Lien vers le message sur Gaspard Gobaut et sa vue du Pelvoux : cliquez-ici.

vendredi 4 août 2017

Conférence sur Dominique Villars

Je vous invite le lundi 7 août à la conférence que je donne au Jardin alpin du Lautaret à 17 heures.

mardi 1 août 2017

"Lo Chapitro Broullia", Menilgrand, 1808, en patois de Grenoble

Après une longue période de silence sur les ouvrages en patois dauphinois, l'actualité de mes acquisitions m'amène de nouveau à m'intéresser à ces petites raretés. Après la première œuvre de Blanc-la-Goutte que j'ai chroniquée il y a quelques semaines, je viens de trouver une curiosité, un recueil de poésies et de morceaux en prose, écrits en patois de Grenoble. L'ouvrage n'a ni titre, ni faux titre. Il ne porte aucune mention de lieu d'édition, d'imprimeur ou de libraire. Évidemment, il n'est pas daté. De plus, il se présente en 2 parties, chacune ayant sa propre pagination. Il n'est pas besoin d'ajouter qu'il s'agit d'une impression de piètre qualité, sur un papier de mauvaise qualité.

Après une telle présentation, l'ouvrage a tout de même quelques charmes. D'abord, il provient de la bibliothèque du grand bibliophile dauphinois  Paul Couturier de Royas. Ensuite, quelques recherches montrent qu'il est référencé dès l'ouvrage de Champollion-Figeac sur les patois de l'Isère, publié en 1809. C'est lui qui nous apprend que l'auteur s'appelle Menilgrand. Ensuite, de référence bibliographique en référence bibliographique, on apprend que l'ouvrage est l’œuvre de 2 frères de Voreppe : André Menilgrand (1731-1805), chanoine de la cathédrale de Grenoble, et Gaspard Menilgrand (1741-1814), propriétaire à Voreppe, surnommé le Philosophe. L'ouvrage aurait paru à Grenoble, en 1808, imprimé par Allier. Il se présente toujours sans titre, ni faux titre. Je vous renvoie sur la page que je lui consacre : cliquez-ici.



L'ouvrage est connu sous le nom de : « Lo Chapitro broullia », du titre de la première pièce. La première partie ne contient que des pièces traitant du chapitre de Grenoble et de la religion, d'où l'attribution au chanoine. La seconde partie ne concerne que des événements politiques ou locaux, d'où l'idée de les attribuer au frère Gaspard, qui semblait bien impliqué dans la vie locale. La double pagination s'expliquerait par la volonté de chacun des frères de pouvoir distribuer à leurs connaissances et amis la partie dont ils sont l'auteur. Le propos des auteurs est très favorable à la religion, très fortement opposé à la Révolution et bienveillant vis-à-vis de Napoléon.

J'ai aussi eu le petit plaisir de pouvoir retracer l'histoire de cet exemplaire. En effet, je possède le Catalogue d'une importante bibliothèque composée d'ouvrages anciens, rares et précieux. Ancienne bibliothèque de D. de Salvaing de Boissieu, qui a appartenu à Paul Couturier de Royas et dans lequel celui-ci a souligné en rouge les ouvrages qu'il avait achetés. Cette notice a été soulignée :


Mon exemplaire est justement relié en chagrin rouge. 


Tout cela confirme que cet exemplaire du Chapitro broullia provient de la bibliothèque Salvaing de Boissieu, puis qu'il a été acheté par P. Couturier de Royas. Il lui a été adjugé 17 fr. [66 € de 2016]. P. Couturier de Royas a gardé la reliure d'origine en se contentant d'y apposer son ex-libris. 


J'avais une provenance prestigieuse. J'ai en maintenant deux.

Quant à la rareté, il suffit de dire qu'il n'y a que 2 exemplaires dans les bibliothèques publiques françaises (source : CCFr) : un à la BNF, qui est l'exemplaire d'Eugène Chaper, et un dans le fonds dauphinois de la Bibliothèque Municipale de Grenoble.

mardi 18 juillet 2017

La tombe de Paul Guillemin

J'ai retrouvé la tombe de Paul Guillemin au cimetière d'Ivry-sur-Seine !


Paul Guillemin est décédé le vendredi 22 juin 1928 à 81 ans, dans une maison de santé située au 10, rue de Picpus à Paris, près de la place de la Nation. Il est inhumé 3 jours plus tard, le lundi 25 juin, dans la stricte intimité familiale , au cimetière parisien d’Ivry-sur-Seine. Ce n’est que 2 jours plus tard que sa fille Lucie Guillemin, épouse Roche, annonce son décès à ses amis dauphinois et hauts-alpins par une lettre adressée à Emile Roux-Parassac. C’est lui qui rapporte ce courrier en introduction à la notice nécrologique qu’il lui a consacrée dans le Bulletin de la Société d’Études des Hautes-Alpes de 1928. Il se désole de cela. Il déplore qu’il n’y ait même pas eu un faire-part de décès : « Pas même le faire-part habituel pour annoncer son trépas, aucun service après sa mort ! ». Pour lui, Paul Guillemin est mort « seul ». Il ne comprend pas que sa fille dise « qu'il ait toujours désiré que rien ne soit fait après sa mort », alors que l’été précédent, en 1927, Paul Guillemin était revenu dans les Alpes, comme tous les étés, et avait pris soin de « choisir, à Embrun, sa place à côté de ceux dont il parlait si souvent, pour être, disait-il, entre Briançon et Gap, au cœur de ses chères montagnes. ».


C’est aussi cela qui m’a donné envie de partir à la recherche de la tombe de Paul Guilemin, craignant même qu’elle ait totalement disparue. Ce n’est pas le cas. Grâce à l’amabilité du bureau du cimetière parisien d'Ivry-sur-Seine, j’ai rapidement pu la localiser (Divisions 8 – Ligne 19 – Tombe 31, pour ceux qui voudraient me succéder dans ce pèlerinage). C’est une tombe simple, en bon état, mais usée par les ans. Elle porte sur l’avant : « Famille Montague », du nom d’épouse de sa 2e fille Jeanne Guillemin. 

On distingue Guillemin sur la partie droite (3 premières lignes), puis Charles W. Montague
Il est difficile de lire les noms et les dates, mais avec de la patience, j’ai pu déchiffrer tous les noms des personnes enterrées :
Mme Élisabeth Guillemin
1889 -1920
Mme Betzy Guillemin
1849 - 1920
Paul Guillemin
1847-1928
Charles W. Montague
1882-1954
Mme Montague
Née Jeanne Guillemin
1885-1966
Le premier nom est celui de sa fille cadette Elisabeth Guillemin, née en 1889 et décédée à l’âge de 30 dans une maison de santé de Châtillon (Hauts-de-Seine).
Le second est celui de son épouse, née Betzy Fontan, décédée seulement quelques jours après le décès de leur fille, en septembre 1920. Elle avait 71 ans.

Cette concession perpétuelle n’a été achetée qu’en 1925, soit 5 ans après ce double décès. Les corps de sa fille et de son épouse y ont été transférés. Cela veut donc dire qu’en 1927, lorsqu’il souhaitait être enterré à Embrun, Paul Guillemin savait qu’une place l’attendait au cimetière d’Ivry. A son décès, ses deux filles n’ont sûrement pas voulu de complications et de frais supplémentaires. Elles l'ont fait inhumer là où c’était le plus simple. Peut-être craignaient-elles que les amis hauts-alpins de leur père fassent une amicale pression pour qu'elles respectent son vœu ultime. Elles auraient alors préféré garder quelques jours de silence sur le décès de leur père et l'enterrer dans la plus stricte intimité. Cela expliquerait le dépit et l’amertume perceptibles dans le texte d’Émile Roux-Parassac.

La tombe abrite ensuite Charles W. Montague (1882-1954) le gendre anglais de Paul Guillemin, originaire de Londres, et enfin Jeanne Guillemin (1885-1966), la 2e fille, épouse Montague. Après cette date, il n’y a plus eu d’inhumations dans cette tombe.

On remarque ensuite une plaque commémorative au-dessus de la tombe :

où on peut lire :
À la mémoire de
Willie Paul
Montague
fusillé
par les Allemands
à Saint-Genis Laval
20 août 1944 à l'age de 33 ans.
En effet, Willie Paul Montague, petit-fils de Paul Guillemin, fait partie des 120 otages extraits de la prison de Montluc à Lyon et fusillés et brûlés par les Allemands au fort de Côte-Lorette à Saint-Genis-Laval le 20 août 1944. Il a aussi une plaque commémorative, discrète, au monument qui commémore ce massacre.


Dans ce même cimetière d'Ivry-sur-Seine, se trouve la tombe de la fille aînée de Paul Guillemin, Lucie (1883-1957) et de son mari Antoine Roche (1882-1934) :



 Avant de partir, j'ai pris cette dernière photo de la tombe de Paul Guillemin :


Lorsqu'on voit cette tombe perdue au milieu de tant d'autres dans ce cimetière sans charme, on se prend à regretter qu'il n'ait pas eu sa dernière demeure dans un cimetière comme celui de Briançon, d'où la vue est si belle. 


Il semble que son amour immodéré de la montagne et du Briançonnais n'ait pas été partagé par ses filles qui étaient toutes trois des Parisiennes, dont les vies se sont entièrement déroulées dans cette ville. J'imagine qu'il leur avait fait découvrir son pays d’adoption (il était né à Sorcy, dans la Meuse, d'un père lorrain et d'une mère tarbaise qui avait passé toute sa vie de jeune fille à Briançon). Mais il ne leur avait pas transmis son amour du Briançonnais.

Lien vers sa généalogie : Paul Guillemin.

Pour finir, j'ai été un peu troublé lors de mes recherches sur son lieu de décès. Toutes les mentions que j'ai trouvées du 10 de la rue de Picpus ramènent à une clinique privée pour maladies nerveuses et aliénés, comme cette publicité. Cela a jeté comme un voile de tristesse sur la fin de cet homme pour qui, modeste collectionneur de choses dauphinoises et hautes-alpines, j'ai une estime, une admiration et une gratitude sans bornes.

jeudi 29 juin 2017

Une œuvre en patois dauphinois de Blanc la Goutte, de 1729

A l'occasion d'une acquisition récente, mon intérêt s'est de nouveau porté sur une pièce majeure de la littérature patoise, le premier poème en patois de Grenoble publié par Blanc la Goutte en 1729. Ils'agit de l'Epitre en vers, au langage vulgaire de Grenoble, sur les réjoüissances qu'on y a faites pour la Naissance de Monseigneur le Dauphin. A Mademoiselle ***, publiée par André Faure, à Grenoble, en 1729.


Cette petite plaquette de 22 pages, qui est « fort rare et manque à la plupart des collections dauphinoises » selon A. Ravanat, contient le récit, sous forme de poème, des festivités données en la ville de Grenoble en l'honneur de la naissance de Louis, Dauphin de France, fils de Louis XV, né le 4 septembre 1729 au château de Versailles. Le poème est dédié à une demoiselle qui est l'amoureuse du poète. Alors qu'ils devaient se retrouver pour ces fêtes, elle ne vient pas : « Je t'atendy long-temp ».  Il entreprend alors de lui conter ces « réjoüissances » en patois. La suite du poème est le récit de ces journées qui débutèrent le samedi soir 24 septembre 1729 pour se terminer le mardi 27 septembre. Elles se prolongèrent par une soirée de théâtre gratuit le jeudi 29 septembre et un bal le dimanche 2 octobre. Dans les quelques mots adressés à son amoureuse à la fin du poème, il exprime ce vœu : « Dieu volie que din pou, je te veïeso epousa » [Que Dieu veuille que sous peu je te voie mon épouse].

Pour ceux qui veulent se familiariser avec le patois grenoblois, du franco-provençal, cet extrait du début du texte qui contient l'évocation de ce rendez-vous raté entre le poète et son amoureuse, qui l'a laissé« Cretin ».


Te m'aya ben promey de quitta tou zafare,
Quan te sauria lo jour qu'on farit le fanfare.
Je t'envoyi Piarrot t'u dire de ma part.
Je t'ally v devan divendre su lo tart,
Je t'atendy long-temp. N'y faliet pa songié,
Je me couchy cretin, san beyre ny migié.
Te vin de me manda que te n'u pa leizy,
Que si je t'écrivin, je te farin pléizy,
Te vodria lo detalde touta cela fêta.
Pe te lo fare bien, faudrit un autra têta.
Faziet biau vey, ma Pouta, et pe te contenta,
Du mieu que je sourey, je tu voy raconta,
En patoy, san façon, te m'ordone d'écrire,
D'acord; mais su ma fey t'ourez pena du lire.

Traduction (G. Tuaillon) :
Tu m'avais bien promis de quitter tes occupations,
Quand tu saurais le jour où l'on ferait la fête.
Je t'ai envoyé Pierrot te le dire de ma part;
Je suis allé à ta rencontre, vendredi sur le tard,
Je t'ai attendue longtemps. Mais il n'aurait pas fallu y songer,
Je me suis couché tout bête, sans boire et sans manger.
Tu viens de me faire savoir que tu n'as pas eu le temps,
Que, si je t'écrivais, je te ferais plaisir
Et que tu voudrais le détail de toute cette fête.
Pour te faire un bon récit, il faudrait une autre tête.
Que c'était beau à voir, nia Petite ! Et pour te contenter,
Du mieux que je pourrai, je vais te le raconter.
En patois, tout simplement, tu m'ordonnes d'écrire.
D'accord; mais tu auras, ma foi! de la peine à le lire!

J'ai étudié l'histoire du texte et de ses publications. Je vous renvoie à la page que je lui consacre (cliquez-ici).

Pour couronner le tout, la plaquette est bien reliée, en plein vélin. Elle porte sur les plats un monogramme (AL) que je n'ai pas identifié (avis aux savants bibliophiles !). C'est probablement l'amateur qui a fait relier cette plaquette au XIXe pour lui donner un écrin à la hauteur de la rareté et de l'intérêt du texte.



lundi 19 juin 2017

Une vue ancienne du Pelvoux

Les vues anciennes du massif du Pelvoux sont suffisamment rares pour que celle-ci mérite quelques recherches.


Il s'agit d'une aquarelle de 14,3 cm de haut sur 24,5 cm de long. Elle n'est pas signée. Elle est collée sur une feuille cartonnée qui porte la légende : Le Pelvoux. C'est grâce à une information que j'avais mise de côté depuis plusieurs années que j'ai pu identifier l'auteur. En effet, en 2013, une maison de ventes aux enchères de La Flèche a proposé une série de 13 aquarelles représentant des paysages (pour voir : cliquez-ici, à partir du lot 180), dont la première, la vue depuis le Pic du Midi, dans les Pyrénées, est signée Gobaut. On y trouve cette même vue du Pelvoux. La similitude de style de l'ensemble des aquarelles permet d'attribuer toute la série au même Gobaut.

Signature de Gobaut sur la vue du Pic du Midi.

Le peintre est Gaspard Gobaut (Paris 24/12/1814 - Paris 15e 30/8/1882). Il entra en 1836 comme dessinateur au Dépôt de la Guerre. Il y fit toute sa carrière jusqu'à son décès, gravissant tous les échelons. Il se forma sous la direction de Siméon Fort. Il excella notamment dans la peinture à l’aquarelle représentant particulièrement les sujets de bataille. Il exposa aux Salons de 1840 à 1878. On peut voir ses œuvres au musée de Chantilly et au musée de Versailles. Il a aussi donné de nombreuses aquarelles représentant des vues de Paris, comme cette série qui est reproduite sur Gallica : cliquez-ici.

Parmi les œuvres exposées au Salon, j'ai repéré des sujets qui s'apparentent aux vues de paysages du Jura, des Alpes, d'Auvergne et des Pyrénées qui composaient la série dont j'ai parlé :
1864 : Vue de Saint-Claude (Jura), Vue de la vallée de l'Isère, prise au-dessous du fort Barraux, aquarelles.
1865 : Vallée de Luz (Hautes-Pyrénés), aquarelle.
1866 : Vue du mont Pilvoux (sic), prise au dessus du village des Claux (Hautes-Alpes), Vue de la ville et des forts de Briançon (Hautes-Alpes), aquarelles.
1867 : La Bâthie (Hautes Alpes), aquarelle.
1868 : Ravin près d'Ax (Pyrénées-Orientales), aquarelle.
1869 : Le pont du Diable, à Thueyts (Ardèche), Pont sur le Gave, au-dessous de Gavarnie (Hautes-Pyrénées), aquarelles.
1870 : Vue du mont Canigou, prise au–dessus de Prades (Pyrénées-Orientales), peinture.
1875 : Gorge de Villefranche (Pyrénées-Orientales), Vallée du Monetier (Hautes-Alpes), aquarelles.

Lors du Congrès international des sciences géographiques, organisé par la Société de Géographie en 1875, certaines des ses œuvres ont été présentées. Cette notice donne des éléments de contexte sur ces vues des montagnes françaises :
La salle d'honneur du Congrès était décorée de vues des montagnes françaises que pour la première fois le public pouvait voir réunies et à l'examen desquelles se seront certainement arrêtés les géographes. Cette intéressante collection, entreprise il y a quelques années, avait pour but de faire ressortir la différence qui sépare les formes diverses des montagnes. Il faut rendre hommage au talent avec lequel MM. Jung et Gobaut, peintres d'aquarelles attachés au Dépôt de la Guerre, se sont acquittés de leur tâche.
Avec tous ces éléments, on peut dater cette vue du Pelvoux des années 1860. Parmi les dessins reproduits sur Gallica, cette vue de Saint-Martin, près de Sallanches est datée du 23 juillet 1863, probablement lors d'une de ses excursions organisées pour peindre les vues des montagnes françaises.


Il a d'ailleurs peint une vue du Mont-Blance, depuis Servoz :


Cette vue du Pelvoux a été prise depuis le col de la Pousterle, au-dessus de Puy-Saint-Vincent. Je remercie Paul Billon-Grand, du site Vallouimages, de m'avoir fourni cette information et cette photo, avec ce commentaire : " La même vue n’est plus possible avec l'extension actuelle des pins et des mélèzes. Elle est délimitée à droite par la Champarie et à gauche par les rochers de Tournoux (point 1790). On reconnaît bien les différents éléments du relief, le Pelvoux et ses voisins sont bien figurés. Par contre, l’approche naturaliste de « retour à la vallée originelle » a amené le peintre à atténuer, voire à supprimer, les éléments construits. On distingue néanmoins deux hameaux de Puy-Saint-Vincent, et un peu la chapelle Saint-Romain, mais Vallouise, ses hameaux et ceux de Pelvoux sont gommés."



Nota :
Il reste un mystère à éclaircir sur cette aquarelle. En effet, l'aquarelle du Pelvoux passée en vente à La Flèche et cette aquarelle sont strictement identiques, autant que l'on puisse en juger sur la base de la photo de l'aquarelle passée en vente. On pourrait donc penser qu'après la vente de 2013 elle a été de nouveau remis en vente par le vendeur à qui je l'ai acheté. Pourtant, les supports (feuilles cartonnées) sont différents (tâches différemment réparties) et les écritures des titres sont légèrement différentes, malgré des similitudes (par ex : les « v » sont différents entre les deux titres).
Un hypothèse  serait que l'aquarelle a été détachée de son support d'origine (en effet, à l'origine il y avait deux aquarelles sur la même feuille cartonnée, recto-verso) et qu'elle a été collée sur un nouveau support, similaire, et qu'une main habile à tracer le titre, d'une écriture similaire à l'original. Cela aurait ainsi permis de vendre séparément les sujets "Cirque de Gavarnie" et "Pelvoux", qui étaient auparavant liés en étant sur le même support.
Une autre possibilité serait qu'il s'agisse d'une reproduction, sous forme d'une lithographie en couleurs. Mais, dans ce cas, elle serait plus courante.
A titre d'exemple, une lithographie d'après un dessin de Gobaut représentant Biarritz - Vue de l'Entrée de la Ville à l'arrivée de Bayonne, datée de 1856, lithographiée par Ch. Mercereau.



J'ai repéré la même situation sur une aquarelle de Gobaut représentant la vue depuis le Pic du Midi. Je suis en train d'enquêter.

dimanche 9 avril 2017

Edward Whymper et le sommet des Écrins

Il est parfois rapporté qu'Edward Whymper aurait découvert qu'il y avait une montagne plus élevée que le Pelvoux le jour où il a atteint ce sommet en août 1861. Poussant un peu le raisonnement, on pourrait attribuer à Whymper la paternité de la découverte du point culminant du massif des Écrins. Il n'en est rien. On ne trouve pas de telles assertions dans les principaux ouvrages sur le massif, mais tous rapportent l'anecdote de la surprise de Whymper au sommet du Pelvoux, en créant parfois une confusion dans les esprits.

Les Écrins, vus depuis le sommet du Pelvoux 
(extrait du Tour d'horizon complet du sommet du Pelvoux, par Paul Helbronner, 1934)
Pour voir le panorama complet : cliquez-ici.

Whymper donne le récit de son ascension du Pelvoux dans Scrambles amongst the Alps (cliquez-ici). C'est cette phrase qui a créé un malentendu :
« [Avec ses compagnons d'ascension, ils viennent d'arriver au sommet du Pelvoux] Tandis que près de nous, nous étions étonnés de découvrir qu'il y avait une montagne qui paraissait encore plus haute que celle sur laquelle nous étions. Du moins, c'était mon avis. Macdonald pensait qu'elle n'était pas aussi haute et Reynaud pensait qu'elle était aussi élevée.
Ce sommet était éloigné d'à peu près 2 miles et était séparé de nous par un immense abîme dont nous ne pouvions voir le fond. […] Nous ne connaissions absolument par les lieux, aucun d'entre nous n'avait été de l'autre côté ; nous imaginions que c'était la Bérarde qui était à nos pieds, dans l'abîme, mais en réalité, elle se trouve au-delà de cet autre sommet. »
[While close to us we were astonished to discover that there was a mountain which appeared even higher than that on which we stood. At least this was my opinion ; Macdonald thought it not so high, and Reynaud much about the same as our own.
This mountain was distant a couple of miles or so, and was separated from us by a tremendous abyss, the bottom of which we could not see. […] We were in complete ignorance of its whereabouts, for none of us had been on the other side ; we imagined that La Berarde was in the abyss at our feet, but it was in reality beyond the other mountain]

Cette montagne qu'ils voient depuis le Pelvoux est le point culminant du massif, la Barre des Écrins. On peut penser que Whymper laisse entendre qu'il a découvert ce sommet que personne ne connaissait. En réalité, c'est une lecture erronée, qui ne correspond pas à ce que dit Whymper. Ce qu'il explique plus simplement est qu'il a un peu mieux compris la topographie interne du massif des Écrins. Il n'a pas découvert le point culminant du massif et ne revendique pas cette paternité. En revanche, il a compris, pour son usage personnel, comment les deux sommets se positionnaient l'un par rapport à l'autre. Tout cela est bien différent.

Edward Whymper.

Revenons a ce qu'il pouvait savoir avant de gravir le Pelvoux durant l'été 1861.

Whymper sait de façon certaine qu'il existe dans le massif un point culminant, distinct du Pelvoux. Cela veut donc dire que le résultat des travaux des ingénieurs de la carte de France sont parvenus jusqu'à lui. C'est ainsi qu 'il dit :
« Les plus hauts sommets sont disposés presque en forme de fer-à-cheval. Le plus élevé d'entre eux est la Pointe des Écrins, en position centrale ; le second pas la hauteur est la Meije, au nord ; et le Mont Pelvoux, qui donne son nom au massif, se trouve presque détaché de cet ensemble, sur l’extérieur. »
[The highest summits are arranged almost in a horse-shoe form. The highest of all, which occupies a central position, is the Pointe des Ecrins ; the second in height, the Meije, is on the north ; and the Mont Pelvoux, which gives its name to the entire block, stands almost detached by itself on the outside.]

En revanche, il s'était fait une représentation erronée de la relation entre le sommet du Pelvoux et celui des Écrins. Il imaginait une forme de continuité qui lui permettrait de passer du Pelvoux aux Écrins. Malheureusement, avec les informations qu'il avait, il ne pouvait guère être détrompé.

En effet, il ne disposait que de 3 sources d'informations sur le massif des Écrins : la carte de Bourcet (1758), les travaux du géologue français Léonce Élie de Beaumont (1834) et le récit du voyage d'exploration du Dauphiné par le scientifique écossais Forbes, Norway (1853).

Cette vue de la carte de Bourcet montre clairement qu'elle n'est pas assez précise pour pour identifier clairement les deux sommets. Elle peut même laisser entendre qu'il y a une solution de continuité entre le sommet du Pelvoux (Grand Pelvoux) et le sommet des Écrins (Montagne d'Oursine).


Le propos de L. Élie de Beaumont est moins topographique que géologique. Il ne pouvait pas apporter d'informations pertinentes à Whymper pour qu'il se fasse une conviction sur l'articulation topographique entre le Pelvoux et les Écrins.

La lecture de Forbes ne peut pas non plus détromper Whymper car, comme nous l'avions noté (cliquez-ici), il ne fait pas le lien entre la montagne d'Oursine (Les Écrins – 4 102 m), qu'il voit depuis les Étages et la pointe des Arcines ou des Écrins, dont il connaît l'existence par les ingénieurs français, mais qu'il n'a pas vue lors de son passage à Vallouise. Il sait néanmoins qu'il existe une montagne plus haute que le Pelvoux, dont l'altitude est de 13 468 pieds (4 105 m.).

 Les Écrins , depuis les Étages, par Forbes. 
La montagne n'est pas identifiée et encore moins reliée avec le reste du massif.

Sur place, personne ne peut renseigner Whymper. Les informations qu'on lui donne sont lacunaires. En revanche, d'après ce qu'il rapporte, les habitants savaient déjà qu'il y avait un sommet plus haut que le Pelvoux, appelé Pic des Arsines, que celui-ci avait été identifié par les ingénieurs de la carte de France. Malheureusement, aucun ne savait lui dire comment on pouvait passer d'un sommet à l'autre.

Devant un tel manque d'informations, il est naturel que Whymper se fasse la représentation la plus favorable pour ses projets :
« Nous avions l'impression que le point le plus élevé était dissimulé par les pics que l'on voyait [les pointes du Pelvoux que Whymper voit depuis La Bessée] et qu'il pourrait être atteint en les dépassant. »
[We were under the impression that the highest point was concealed by the peaks we saw, and would be gained by passing over them.]

C'est d'ailleurs cette représentation erronée qui apparaît dans le compte-rendu qu'il donne de son ascension dans Peaks, Passes and Glaciers, en 1862 (cliquez-ici). Il y a confusion entre un des 3 sommets du Pelvoux et le Pic des Arcines (ou Écrins). Cette erreur de représentation sera corrigée dans Scrambles amongst the Alps.


On comprend sa surprise en arrivant au sommet du Pelvoux. Ce qu'il croyait à portée de main s'avère en réalité un défi tout autre.

C'est faire un mauvais procès à Whymper que de lui reprocher de n'avoir pas accédé à d'autres sources d'informations. En 1860, il n'existait que ces 3 sources publiques. Il n'existait aucune carte autre que celles de Bourcet. Mieux, il faut lui savoir gré d'avoir utilisé des textes mieux informés que la plupart des géographies disponibles en France.

Il ne faut jamais oublier qu'Edward Whymper était un homme jeune et de modeste extraction lorsqu'il arrive dans les Alpes en 1860. C'est un graveur sur bois, envoyé dans les Alpes par l'éditeur Longman pour illustrer une tentative d'ascension du Pelvoux. Dans une société anglaise très hiérarchisée, cela ne lui permettait pas d'accéder à des savants ou des institutions qui auraient pu lui fournir des informations de meilleures sources et lui ouvrir les portes pour accéder aux travaux de cartographie du Dépôt de la Guerre. Les minutes de la carte d’État-major, telles que nous pouvons les voir aujourd'hui, auraient levé tous les doutes qu'il avait.

Minutes de la carte d’État-major au 40.000e 
où l'on voit distinctement la différenciation entre le sommet des Écrins et le Pelvoux (source : Geoportail).

Mais comment un graveur sur bois, sans relations, aurait-il pu accéder à ces renseignements ? Il faudra attendre Bonney et surtout Tuckett, en 1862, pour que les explorateurs anglais disposent de ces informations.