dimanche 19 décembre 2010

La dure et gratifiante vie du bibliophile dauphinois

Nos maisons de vente s'étaient-elles données le mot ? Toujours est-il qu'il y avait deux ventes fort intéressantes pour le bibliophile dauphinois ce samedi après-midi.

La première, étalée sur deux jours, était la vente de la bibliothèque du docteur Blanc, de Thonon-les-Bains. Essentiellement consacrée à la Savoie, elle comprenait néanmoins une intéressante section Alpes/montagne.


Au même moment, c'était la bibliothèque du château de la Gardette, dans la Drôme (ancienne bibliothèque d'Amédée de Bouffier) qui était dispersée.



Les deux bibliothèques étaient de nature différente. La première est celle d'un bibliophilie qui a rassemblé au cours de sa vie un ensemble d'ouvrages et de manuscrits sur des thèmes qui lui étaient chers. La seconde est plus celle d'érudits locaux, qui ont accumulé au cours du temps une phénoménale collection d'ouvrages, plaquettes, revues, factums et documents en tous genres, conservés en l'état, c'est à dire presque toujours brochés, et vendus par lots, des lots qui comprenaient parfois plusieurs dizaines d'ouvrages. Il aurait fallu farfouiller dans près de 200 lots pour trouver la plaquette rare. Vu l'assistance de la vente, j'imagine d'ailleurs que l'on va bientôt voir resurgir chez les libraires et sur e-bay les ouvrages des lots vendus à l'unité, ce qui va probablement m'offrir une deuxième chance (certes un peu plus cher).


Il m'a fallu donc jonglé entre les deux ventes, étant d'abord présent à celle du docteur Blanc (où j'ai rencontré mes amis Textor et Jacques Perret), en suivant au téléphone la vente dauphinoise, puis, mes lots achetés dans la première, j'ai rejoint la deuxième vente,
sous la neige qui commençait à tomber à Paris. Autant la première se déroulait dans le calme feutré de l'hôtel Regina, autant la deuxième se passait dans une salle exiguë, dans une sympathique ambiance légèrement pagailleuse (mais où sont les lots ? où sont les cartons ?), vente où l'on crée pendant la vacation des lots bis et ter qui font que certains finissaient pas plus bien savoir sur quoi ils enchérissaient. On y voyait aussi de frêles jeunes filles devant déplacer les lourds cartons contenant les lots, d'autant plus que, selon la loi de l'emm... maximum, le carton recherché se trouvait toujours au bas de la pile.

Mes lots acquis et récupérés, je suis rentré chez moi, sous une neige qui tombait alors drue. De plus, panne de métro oblige, j'ai fini le trajet à pied, ayant bien pris soin d'empaqueter mes lots pour les protéger. Pour l'ouvrage de 1641, vu sa grande taille, je l'est porté contre moi, sous ma parka. Je crois bien que c'est la première fois que je porte une livre du XVIIe siècle serré contre moi, marchant dans la neige parisienne.

Cela étant dit, j'ai pu faire quelques acquisitions que j'ai "artistiquement" mis en scène ce matin :




On y voit :

La topographie militaire de la frontière des Alpes.
, de M. de Montannel, édité par les soins de M. A. de Rochas d'Aiglun en 1875, exemplaire sur papier de Hollande avec la grande carte dépliante.

Topographie militaire des Alpes comprises entre le Petit Saint-Bernard et la Méditerranée. Mémoire écrit de 1744 à 1782 par de Montanel, ingénieur-géographe du Roi., 1874.

Mémoires militaires sur les frontières de la France, du Piémont et de la Savoie depuis l'embouchure du Var jusqu'au lac de Genève, par Pierre de Bourcet. Peut-être pour me remettre de certaines de mes déceptions, j'ai acheté les deux éditions, celle de Berlin, 1802 et celle de Paris-Strasbourg, an X, avec la grande carte dépliante qui a été reprise par Rochas d'Aiglun pour illustrer sa publication de Montannel. Ces ouvrages sont considérés comme rares.

Les transactions d'Imbert, dauphin de Viennois, prince du Briançonnois et marquis de Sézanne, avec les syndics et procureurs des communautez de la principauté du Briançonnois en Dauphiné,…. contenant les franchises, libertez et privilèges desdits Briançonnois…, le tout recueilly par Claude Desponts… et Jean-Etienne Rossignol., Paris, 1641. Il s'agit de la première impression de la charte de franchise du Briançonnais, passée entre Humbert II, dernier Dauphin du Dauphiné, et les représentants des communautés briançonnaises le 29 mai 1343. Cette charte a donné naissance à l'institution des Escartons, qui instituait un régime presque républicain où tous les habitants étaient francs-bourgeois (on en avait fini avec les nobles de façon pacifique !) et administraient eux-mêmes les communautés, en particulier pour le partage de l'impôt.

Enfin, Réglements de police pour la ville de Gap et son territoire, de 1784, où on y apprend, entre autres, que l'on ne peut jeter par la fenêtre les eaux usées et les immondices (on imagine !) que si l'on a crié
au préalable, sous peine d'amende.

J'ai aussi acheté la collection complète (96 numéros + table) de la revue
Annales des Alpes. Recueil périodique des archives des Hautes-Alpes, publiée par l'abbé Paul Guillaume entre 1897 et 1913. Comme son nom ne l'indique pas, c'est un précieux recueil d'articles sur les Hautes-Alpes. La collection complète est évidemment rarissime.

Il y a bien eu quelques déceptions inhérentes à toutes ventes aux enchères. A celle du docteur Blanc, il y avait de nombreux Italiens qui ne semblaient pas partager les difficultés financières de leur pays. Il y avait aussi une sympathique dame, qui s'ingéniait à enchérir exactement sur les mêmes lots que moi. J'ai eu l'occasion d'échanger avec elle. Elle a été assez aimable pour donner l'explication. Je sais maintenant que son père a le même intérêt que moi pour les ouvrages sur la topographie alpine. Ma plus grosse déception est de ne pas avoir pu (ou voulu, c'est aussi un choix de ne pas monter) acquérir le manuscrit :
Précis d’un voyage à la Bérarde, en Oisans parmi les grandes montagnes de la province de Dauphiné. En revanche, j'ai eu aussi la bonne aubaine de pouvoir enfin acheter un livre qui m'avait échappé en 2004, l'un des deux Bourcet. Je l'avais vu chez un libraire parisien. Je m'étais décidé un peu tardivement et il était déjà parti. Je sais maintenant que cet exemplaire avait été acheté par le docteur Blanc et j'ai pu ainsi l'acquérir (5% plus cher). Preuve, s'il en est, que la bibliophilie offre parfois une deuxième chance.

Pour finir, une vue de la neige parisienne ce matin depuis chez moi :



dimanche 5 décembre 2010

Une affiche de Julien Lacaze : la Meije

Bravant les éléments (neige, pluie et froid sur Paris), j'ai fait hier ma visite annuelle au très agréable et sympathique salon du livre ancien de Saint-Germain-en-Laye. Une fois n'est pas coutume, j'en ai rapporté une affiche.

C'est une belle représentation de la Meije, des années 20. Publiée par la compagnie PLM, elle est l’œuvre d'un célèbre affichiste, Julien Lacaze.


J'ai obtenu peu de renseignements sur Julien Lacaze. Il semble avoir beaucoup travaillé pour la compagnie PLM. Il est l'auteur de très nombreuses affiches. Il est né à Maisons-Laffite (Yvelines) le 11 août 1886 et est mort à Bry-sur-Marne (Val-de-Marne) le 13 novembre 1971.

Je me suis volontairement restreint, car je prépare mes "munitions" pour les deux ventes simultanées du samedi 18 décembre, celle consacrée à la Savoie, bibliothèque du docteur Blanc, et celle consacrée au Dauphiné, bibliothèque du château de la Gardette. Il va falloir faire preuve d'un certain don d'ubiquité et se préparer à des choix cornéliens, tant les deux ventes abondent en ouvrages et manuscrits désirables.

dimanche 28 novembre 2010

Un panorama de 6 m. de long :
le tour d'horizon complet du Pelvoux, de Paul Helbronner

Paul Helbronner (1871-1938), polytechnicien, consacra sa vie à faire la triangulation des Alpes françaises. Pour cela, il parcourut les massifs en tous sens, gravissant tous les sommets qui lui permettaient de procéder à ses mesures géodésiques. Le résultat de ses travaux donna lieu à la publication de 12 lourds volumes entre 1910 et 1939. Il accompagna deux de ces volumes par deux panoramas aquarellés pris depuis le sommet du Mont-Blanc et du Pelvoux, dans le massif des Ecrins.

Le panorama du Pelvoux est imprimé sur 10 planches, liées entre elles. Totalement déplié, il mesure 6 mètres de long et une quarantaine de centimètre de haut :



Il est contenu dans une grande chemise en carton :


Le panorama étant peu maniable et la photographie difficile à consulter, je l'ai aussi présenté par ensemble de deux planches :

Planches I et II

Planches III et IV

Planches V et VI

Planches VII et VIII

Planches IX et X

Ce travail gigantesque, publié en 1934, a été dessiné sur la base de relevés faits au sommet du Pelvoux en juillet 1902. Je vous renvoie sur la page que je lui ai consacré sur mon site : cliquez-ici. On peut y télécharger une version haute définition.

Je vous laisse admirer deux détails.

L'extraordinaire muraille sud-est des Ecrins, le point culminant du massif (4 103 m.) : une paroi verticale de plus de mille mètres.


Et enfin, la Meije, sommet de toutes mes attentions :



Pour votre information, j'avais déjà publié un message consacré à une plaquette de Paul Helbronner : cliquez-ici.

Je signale aussi une bonne notice biographique sur Paul Helbronner, qui explique son titanesque travail de géodésie dans les Alpes : cliquez-ici.

dimanche 21 novembre 2010

Une petite leçon de bibliophilie

Ce vendredi a été l'occasion du pèlerinage annuel à Grenoble pour le Salon du livre de régionalisme alpin, le 19e du nom. J'ai ramené dans ma besace un bel exemplaire d'un petit travail d'érudition locale, d'Alfred de Rochas :
Documents inédits relatifs à l'histoire et à la topographie militaire des Alpes. La campagne de 1692 dans le Haut Dauphiné.
Paris, Réunion des officiers; Grenoble, Maisonville et Jourdan, 1874

Pour plus d'informations sur cet ouvrage, cliquez-ici.

Il s'agit d'un épisode de la guerre de la Ligue de Augsbourg (1688-1697), qui s'est déroulé en 1692 dans le Dauphiné, essentiellement dans la partie correspondant actuellement aux Hautes-Alpes. Lors de cette campagne conduite par le duc de Savoie lui-même, Victor-Amédée II, et sous le commandement du prince Eugène de Savoie, plusieurs places du Haut-Dauphiné furent assiégées (Guillestre, Embrun) et une partie de la région fut dévastée par les troupe du prince de Savoie (Gapençais, Champsaur). Le maréchal Catinat, alors commandant en chef des troupes françaises, réussit à contenir l'invasion et à éviter la prise de Briançon.

C'est à la suite de cette campagne de 1692 qu'intervint Vauban dans cette région des Alpes. En effet, celle-ci montra la faiblesse du système défensif français sur la frontière des Alpes. On lui doit donc l'amélioration des fortifications de Briançon, qui a alors pris son aspect actuel, et la création de la place forte de Mont-Dauphin, près de Guillestre, qui permet de commander et surveiller toute la vallée de la Durance, point faible lors de la campagne de 1692.


La place forte de Mont-Dauphin, vue par E. Whymper (1872)

C'est lors de cette même campagne que se situe l'épisode de Philis de la Charce, héroïne dauphinoise qui aurait arrêté les troupes du duc de Savoie au col de Cabre. L'importance, voire la réalité de son acte de bravoure font encore l'objet de discussion.

Ce recueil de documents est précédé d'un
Précis de la campagne de 1692 dans le haut Dauphiné, par Albert de Rochas. C'est un extrait du Bulletin de la Société de statistique de l'Isère, dont il a été tiré à 100 exemplaires, dont quelques exemplaires sur Hollande comme celui-ci. Albert de Rochas a probablement obtenu (peut-être financé) un tirage à part de son travail, avec quelques exemplaires sur papier de Hollande à distribuer à ses amis. C'était chose courante à l'époque, ce qui nous vaut ces beaux exemplaires, à côté de plaquettes plus communes dans leur présentation (je ne parle même pas de la conservation).

La lecture de cet ouvrage m'a remis en mémoire une brochure que j'ai achetée il y a plus de 10 ans à Grenoble :
L'invasion du Dauphiné en 1692, par Paul Thomé de Maisonneufve, Grenoble, 1929.
Cette étude est la plus complète à ma connaissance sur cet épisode important pour la région.


Pour plus d'informations sur cet ouvrage, cliquez-ici.

Pour revenir à l'ouvrage d'Albert de Rochas, cet exemplaire est, me semble-t-il, une bonne illustration de ce qu'est la bibliophilie pour ceux qui auraient du mal à comprendre de quoi il s'agit. C'est pourtant simple. J'avais acheté il y a plus de 10 ans un des 100 exemplaires de cette plaquette sur papier ordinaire (je débutais...). La description fidèle de l'état est : couvertures déchirées et détachées, cahiers décousus, papier cassant, pages froissées et déchirées

Aujourd’hui, l'exemplaire que j'ai acheté est imprimé sur un beau papier de Hollande et il est relié de façon soignée.
C'est toute la différence, différence qui ne se retrouve pas dans l'écart de prix entre les deux exemplaires. Je crois que comprendre la bibliophilie est chose simple lorsque on met côte à côte ces deux exemplaires.

dimanche 7 novembre 2010

"De Allobrogibus", une édition de 1844, des presses de Louis Perrin

La suite logique du message précédent, c'est de céder à une des nombreuses tentations que présentait ce catalogue, surtout s'il se trouvait une livre dauphinois.

Hier, même si à Paris ce n'était pas un temps à mettre un bibliophile dehors, j'ai bravé les éléments pour enrichir ma bibliothèque d'une nouvelle impression de Louis Perrin et un nouveau livre sur le Dauphiné. C'est :
Aymari Rivallii,Delphinatis.
De Allobrogibus. Libri novem. Ex autographo codice Bibliothecae Regis editi. Cura et Sumptibus Aelfredi de Terrebasse.
Viennae Allobrogum, apud Jacobum Girard, bibliopolam, 1844


Autrement dit, c'est la publication par l'érudit Alfred de Terrebasse d'une histoire des Allobroges (en latin !), rédigée par Aymar du Rivail, un jurisconsulte dauphinois de la première moitié du XVIe siècle.

Pour ceux qui veulent aller plus loin sur cet ouvrage, cliquez-ici.

Un des attraits de cet ouvrage, tiré seulement à 250 exemplaires, est le beau titre gravé (que l'on peut aussi qualifié de frontispice), placé entre le faux titre et le titre.

L'encadrement gravé contient 15 armoiries dauphinoises, dessinées par Louis Perrin (signature en bas à gauche des initiales entrelacées LP). Les blasons sont ceux de quelques grandes familles dauphinoises : Clermont, Alleman, Sassenage, Montainard, Beaumont, Terrail, Montchenu, etc.


Au hasard de mes recherches sur cet ouvrage, j'ai découvert qu'un exemplaire a été proposé lors de la vente Salvaing de Boissieu en 1897, avec cette description : "demi-maroqu. et coins r., dor. en tête, ébarb., jans."


A voir la reliure de cet exemplaire, on peut imaginer que c'est le même exemplaire qui viens de rejoindre ma bibliothèque. Il avait alors été adjugé 7 francs ! Cela reste une supposition.

Pour finir, en relisant la notice biographique de Louis Perrin en introduction du catalogue d'Anne Lamort, je me suis aperçu que ma notice contenait une erreur de date. Louis Perrin est bien né le 23 floréal an VII (14 mai 1799) et non en 1797 comme je l'écrivais. Pour preuve, son acte de naissance, extrait des registres de l'état civil de Lyon :


mardi 2 novembre 2010

Louis Perrin, imprimeur lyonnais

En panne d'inspiration pour mon message hebdomadaire de la "Bibliothèque dauphinoise", le courrier m'a apporté une beau catalogue, qui m'inspire pour mon message du jour (en général, le message du jour est le dimanche, mais le temps d'automne pousse à une certaine indolence...)



Anne Lamort, libraire bien connue sur la place de Paris, vient de publier un catalogue qui propose quelques belles pièces de la production de Louis Perrin. Je rappelle, pour ceux qui ne le connaissent pas, que Louis Perrin, né à Lyon le 12 mai 1797, s'installa comme imprimeur en 1822, en association avec Zacharie Durand jusqu'en 1826. La première partie de sa carrière ne se distingua guère de celles de ses confrères, même s'il avait déjà la volonté de faire des belles éditions, à la typographie soignée. Vers 1846, il fit graver et fondre les caractères augustaux, s'inspirant des caractères utilisés dans les inscriptions romaines. A partir de ce moment, son activité prit plus d'ampleur. C'est de cette période que date la plupart des travaux majeurs de typographie de Louis Perrin. Il cessa son activité vers 1864. Son fils lui succéda jusqu'en 1883. Il est mort à Lyon le 7 avril 1865.

Le catalogue d'Anne Lamort débute par une belle biographie de Louis Perrin, où, en quelques pages, tout est dit et résumé de la vie de ce typographe à la célébrité modeste.

Je lui ai consacré une notice sur mon site (cliquez-ici), car je possède 4 ouvrages dauphinois qui sortent de ses presses :

- Paul-Emile Giraud : Aymar du Rivail et sa famille, 1849



- Gustave de Rivoire de La Batie : Armorial de Dauphiné, 1867



- Alfred de Terrebasse : Relation des principaux événements de la vie de Salvaing de Boissieu, 1850



- Paul Allut : Aloysia Sigea et Nicolas Chorier, 1862



Si vous ne connaissez pas Louis Perrin, je vous conseille de vous intéresser à ses travaux qui se signalent par la qualité de leur typographie, la beauté des lettrines, bandeaux et autres culs-de-lampe. La page de titre des 4 ouvrages a été composée en caractères augustaux, que Louis Perrin avait dessinés quelques années auparavant et qui ont fait sa célébrité. Selon les ouvrages, certains intertitres et quelques texte ont aussi été composés avec les mêmes caractères.

Deux marques d'imprimeur de Louis Perrin




Pour ceux qui sont intéressés par la catalogue d'Anne Lamort, son adresse mail est :
librairie@anne-lamort.com

dimanche 24 octobre 2010

Un almanach des Hautes-Alpes de 1822 et, pour finir, encore Willy

L'apparition de l'imprimerie dans les Hautes-Alpes, associé à l'esprit nouveau issu de la Révolution, a vu la multiplication des ouvrages sur la "statistique" du département, le mot "statistique" devant être pris au sens large. C'est un fait général dans les départements français. C'est ainsi que dès 1804, le secrétaire général de la Préfecture des Hautes-Alpes, Pierre-Antoine Farnaud, fut chargé de concevoir un annuaire des Hautes-Alpes. Depuis l'an XII (1804) jusqu'en 1808, ce sont 5 annuaires, un par année, qui paraissent dans le département. Après le départ du dynamique préfet de l'époque, le baron de Ladoucette, la publication cesse. Elle ne reprend qu'en 1822, avec cet almanach que je présente aujourd'hui.

Pour en savoir plus, cliquez-ici.



Les premiers annuaires étaient une riche source de renseignements sur les Hautes-Alpes. Celui-ci contient peu d'informations intéressantes sur le département, hormis les renseignements administratifs. C'est essentiellement un vade-mecum pour les maires du départements.

Malgré cela, lorsque on est passionné par l'histoire locale, c'est une source indispensable. Cette simple page sur les maires et adjoints du canton de Saint-Bonnet-en-Champsaur ravit en moi l'amateur d'histoire locale et familiale. J'y retrouve un de mes ancêtres (Jean-Antoine Gentillon-Jame) et de nombreux parents : Para, Gasquet, Joubert, etc.


L'annuaire suivant n'a été publié qu'en 1835. Pierre-Antoine Farnaud (1766 – 1842) , l'auteur de cet almanach de 1822, a été l'immuable secrétaire de la préfecture des Hautes-Alpes, toujours fidèle au régime en place, quelque soit le régime.


Pour en finir avec Willy

Pour en finir avec Willy, qui m'a beaucoup occupé ces derniers temps, j'ai acheté aujourd'hui (à Champerret) un petit livre, L'esprit de Willy, publié en 1926 par Gallimard. C'est un recueil des mots d'esprits de Willy. On y découvre qu'il avait volontiers le trait d'esprit mordant et la dent dure. C'était l'esprit de l'époque.



Ce petit exemplaire, du tirage de tête et joliment relié, contient deux lettres de Willy, sur un élégant papier à lettre bleu, et une carte postale-portrait.




lundi 18 octobre 2010

Une conférence sur l'ascendance haut-alpine d'Henry Gauthier-Villars, dit "Willy"

Comme annoncée il y a deux semaines, j'ai prononcé une conférence sur l'ascendance haut-alpine d'Henry Gauthier-Villars, dit Willy, le mari de Colette. C'était surtout l'occasion d'évoquer l'histoire de famille de libraires et imprimeurs, entre 1750 et la fin du XIXe, sorties des Hautes-Alpes et installées à Lons-le-Saunier.

Quelques photos de la conférence :



Pour ceux que cela intéresse, vous pouvez télécharger la présentation (attention 10 Mo) en cliquant ici.

dimanche 10 octobre 2010

Un ouvrage de généalogie dauphinoise de 1672 par Guy Allard

En 1669, l'historien du Dauphiné Guy Allard fait paraître un prospectus pour annoncer son œuvre généalogique sous le titre : Projet de l'Histoire généalogique des familles nobles de Dauphiné. Ce n'est qu'en 1672 que parait le premier volume de la série. Toujours soucieux de se placer sous le patronage des puissants du moment, Guy Allard consacre sa première publication à la famille de François de Bonne de Créquy, comte de Sault, duc de Lesdiguières (1600-1677), gouverneur du Dauphiné. Il n'y aura en tout que 4 recueils de généalogies, parus entre 1672 et 1680. Ensuite, il ne publie que des généalogies isolées.

Ce premier recueil contient 8 généalogies sous le titre :
Histoire généalogique des familles, de Bonne, de Crequy, de Blanchefort, d'Agout, de Vesc, de Montlor, de Maubec et de Montauban.
Il est imprimé par Laurent Gilibert, à Grenoble et parait sous 3 adresses différentes, mais il s'agit toujours du même ouvrage et du même tirage.


L'exemplaire que je présente est à l'adresse de P. Charvys.

Il est en reliure d'époque.


Pour ceux qui voudraient plus de détails sur l'ouvrage, cliquez-ici.

Il contient en particulier la généalogie de la famille de Bonne, dont est sorti François de Bonne, duc de Lesdiguières, dernier connétable de France (1543-1623), grande personnalité dauphinoise des guerres de religion et de la pacification qui a suivi.


La généalogie qu'en donne Guy Allard illustre bien sa méthode. L'introduction tente de rattacher cette famille à quelques lignages prestigieux, alors que il s'agit d'une petite noblesse champsaurine, dans laquelle se sont succédés des notaires de génération en génération jusqu'au père du Connétable. Il cite bien les différents ancêtres, mais se garde d'indiquer qu'ils étaient notaires. Guy Allard en a gardé une réputation de complaisance dans ses travaux de généalogie. A sa décharge, cet homme sans fortune ne pouvait guère affronter les puissants de son temps. C'était presque une figure imposée que d'embellir les histoires familiales avec des origines prestigieuses, surtout pour les familles de récente extraction.

Première page de généalogie de la famille de Bonne, avec son blason.

Sur l'œuvre généalogique de Guy Allard, il existe une étude précieuse, comme savaient en publier les érudits du XIXe siècle.
Bibliographie de l'œuvre généalogique de Guy Allard, par Joseph Roman, Grenoble, Allier, 1905, 24 pp.


Ces petits travaux sont des sources irremplaçables pour la bibliographie locale, malheureusement difficilement accessibles.

lundi 4 octobre 2010

Une conférence sur l'ascendance haut-alpine d'Henry Gauthier-Villars, dit "Willy"

Votre serviteur prononcera une conférence le samedi 16 octobre à la mairie de Saint-Bonnet-en-Champsaur sur l'ascendance champsaurine (haut-alpine, pour ceux qui ne situent pas le Champsaur) d'Henry Gauthier-Villars (1859-1931), aujourd'hui surtout célèbre pour avoir été le mari et le mentor de Colette. Ils ont cosigné la série des Claudine. Plus précisément, Colette a écrit et Willy a signé.


Cette conférence d'abord généalogique sera aussi l'occasion d'évoquer le monde des livres. On y parlera des colporteurs-libraires du Dauphiné, qui ont essaimé dans toute la France; on détaillera l'histoire et l'ascension d'une lignée de libraires et imprimeurs à Lons-le-Saunier de la fin du XVIIIe siècle jusqu'à la fin du XIXe siècle; on découvrira l'obscure mais déterminante histoire de la contrebande de livres "philosophiques" depuis la Suisse. Au gré de l'histoire de cette famille, on évoquera le destin de Victor Lagier, célèbre libraire dijonnais, éditeur des œuvres de Gabriel Peignot, de Jacques Champollion, petit libraire de Figeac, mais père du grand Jean-François Champollion; on exhumera l'œuvre oubliée, mais abondante, d'un jésuite haut-alpin, le père Para du Phanjas.

Pour ceux qui me suivront jusqu'à la fin, on verra apparaître l'image fugitive du grand amour d'Alain-Fournier, Yvonne de Quiévrecourt, qui a inspiré le personnage d'Yvonne de Galais dans Le Grand Meaulnes. Le monde étant plein de correspondances inattendues, il existe un lien tenu entre Willy et Yvonne de Galais.

Cette conférence a lieu le samedi 16 octobre 2010 à 14h30, à la mairie de Saint-Bonnet-en-Champsaur (05), place Waldems. Elle est organisée par l'Association généalogique des Hautes-Alpes, avec le patronage de la Société d'Etudes des Hautes-Alpes. L'entrée est libre.

Quelques liens vers des messages où j'avais déjà évoqué cette famille :
http://bibliotheque-dauphinoise.blogspot.com/2009/01/lesdiguires-et-henry-gauthier-villars.html
http://bibliotheque-dauphinoise.blogspot.com/2009/09/dominique-villars-colporteur-libraire.html
http://bibliotheque-dauphinoise.blogspot.com/2009/12/une-reliure-de-bauzonnet.html
http://bibliotheque-dauphinoise.blogspot.com/2010/01/le-pere-para-du-phanjas-1724-1797.html

Pour ceux que cela intéresse, vous pouvez télécharger la présentation (attention 10 Mo) en cliquant ici.

mardi 21 septembre 2010

Quand un écrivain bourguignon écrit sur la Meije, cela donne un beau texte sur le pouvoir de la montagne...

Pour trouver de beaux textes sur la montagne, il faut parfois savoir chercher dans des ouvrages inattendus.

En 1926, Edouard Estaunié, de l'Académie française, fait paraître un recueil de 6 nouvelles, Le Silence dans la Campagne, dont une est le récit de la fascination d'un homme pour la Meije qui va jusqu'à la mort :
Le cas de Jean Bunant. Rappelons, pour ceux qui ne suivent pas, que la Meije est un sommet du massif du Haut-Dauphiné (actuellement appelé massif des Ecrins), dominant le village de La Grave dans les Hautes-Alpes du haut de ses 3983 mètres.


L'histoire est simple. Archiviste-paléographe, Jean Bunant est amené à villégiaturer à La Grave pour se soigner. D'abord ennuyé par ce pays de montagne austère et isolé, il devient de plus en plus fasciné par la Meije avec qui il noue une relation presque personnelle. Subissant l'appel irrésistible de la montagne et répondant aux sollicitations du guide Emile Pic, il tente une approche de la montagne. Dans la montée des Enfetchores, il meurt, terrassé par la maladie.

C'est un texte inattendu, dans le recueil de cet écrivain ingénieur dont on ne sait rien de ses relations avec la montagne et surtout avec la Meije. Ce texte est une belle illustration du pouvoir et de l'emprise que peut exercer une montagne sur l'esprit des hommes, écrit dans une langue classique, mais suggestive dans ses effets, en particulier la montée de la fascination dans l'esprit de Jean Bunant.


Cherchant ce texte depuis longtemps, j'ai attendu de pouvoir trouver un bel exemplaire de l'édition originale. C'est un des 250 exemplaires sur Hollande van Gelder (on voit que l'éditeur ne cultive pas le grand papier à petit tirage), dans une belle reliure classique signée Charles de Samblanx. Si je n'avais pas eu cette exigence bibliophilique, je n'aurais eu aucun mal à trouver un exemplaire sur papier ordinaire. Les ouvrages de cet auteur, visiblement prolifique et célèbre en son temps, envahissent désormais les catalogues des bouquinistes et des libraires, malheureusement avec peu de chance de se vendre, tant les gloires passées sont souvent vraiment passées (
Sic Transit Gloria Mundi).



Il reste au moins quelque chose d'éternelle, c'est la beauté de la Meije depuis La Grave (photo prise en août 2008) :


Quelques liens :
La notice du livre sur Bibliothèque Dauphinoise : cliquez-ici
Notices biographiques d'Edouard Estaunié sur Wikipedia et sur le site de l'Académie française.