dimanche 28 septembre 2008

L'Oisans à l'honneur

Poursuivant dans la voie que je suis depuis plusieurs mois, je me suis consacré à la description d'ouvrages sur l'Oisans. J'ai commencé par le premier grand texte qui se veut une glorification de cette région alors mal connue. Il s'agit de l'essai d'Aristide Albert : Essai descriptif sur l'Oisans, paru à Grenoble en 1854. C'est un des textes fondateurs de la découverte de la région. Ce travail ne brille ni par la qualité de l'érudition, ni par l'originalité du point de vue. Il ignore encore largement le monde de la haute montagne, alors que les Anglais comme J. Forbes avaient déjà exploré les hautes vallées de l'Oisans (voir Norway and its glaciers). C'est cependant le premier plaidoyer, vibrant et chaleureux, en faveur des beautés et de l'intérêt de l'Oisans. Ce livre a d'autant plus de prix qu'il est extrêmement rare. Publié à 210 exemplaires, il est presque impossible à trouver aujourd'hui.



Il a fallu attendre 1926 pour qu'une nouvelle étude paraisse sur l'Oisans, clairement orientée vers l'histoire de la région. Louis Cortès, alors qu'il était professeur à Bourg d'Oisans, a consacré ses loisirs a dépouiller les archives municipales et départementales. Le résultat est cet ouvrage encore aujourd'hui utile sur l'histoire de l'Oisans : L'Oisans. Recherches historiques. Tourisme. Il est plutôt centré sur Bourg d'Oisans et ignore en partie la haute montagne. Il a malheureusement été un peu eclipsé par les travaux de référence d'André Allix : L'Oisans : étude géographique : un pays de haute montagne et L'Oisans au Moyen-Age, parus seulement trois ans après.



J'ai la chance de posséder un des 35 exemplaires du tirage de tête avec une lettre savoureuse de Louis Cortès qui assure, en 1976, que trouver un exemplaire de son ouvrage "est plus difficile que d'aller sur la lune".






Enfin, deux beaux ouvrages de Henri Ferrand, parus respectivement en 1903 et 1909 : L'Oisans et Le Pays briançonnais. De Briançon au Viso. La vallée de Névache et le Queyras. Mettant à profit les progrès de la reproduction photographique, ce sont essentiellement des ouvrages illustrés, qui se distinguent par la qualité des photographies, dans une mise une page aérée et vivante. Plutôt que des mots, ces quelques image suffiront à faire comprendre la beauté de ces ouvrages, en particulier à ceux qui sont sensibles à ces chefs d'oeuvre de la typographie début de siècle.








dimanche 21 septembre 2008

Un week-end studieux !

La semaine dernière, je décrivais un ouvrage qui résultait du travail conjoint d'André Allix et Jean Chièze. Cette semaine, j'ai poursuivi par le travail de chacun d'eux. Pour Jean Chièze, j'ai fait une notice sur un recueil de nouvelles de Madeleine Rivière-Sestier, qu'elle a fait paraitre sous le nom de Jean Puech : Alpages. Contes et Nouvelles des Pays d'En-Haut (1939). Le frontispice est un bois gravé de Jean Chièze :




Pour André Allix, j'ai décrit deux ouvrages de références de ce géographe dont on ne dira jamais assez ce que l'histoire de l'Oisans lui doit :
- L'Oisans au Moyen-Age (1929).
- Un type d'émigration alpine. Les colporteurs de l'Oisans
(1929).

Le premier est une étude fondamentale de géographie historique, basée sur les textes anciens. Le deuxième est une des premières études historiques sur le colportage de montagne. Pour cette région, c'est un travail fondateur. J'en profite pour parler d'un ouvrage récent, mais néanmoins indispensable, Les colporteurs de l'Oisans au XIXe siècle. Témoignages et documents, de Elisabeth Besson (qui est une de mes lointaines cousines), publié en 1975 à l'occasion de l'exposition du Musée Dauphinois : Colporteurs fleuristes de l'Oisans. Cet ouvrage reproduit quelques exemples des planches en couleurs représentant des fleurs, utilisées par les colporteurs pour vendre leurs marchandises.



Pour finir, avec un peu de retard, je rends un hommage à Pierre Berès. Je possède un ouvrage vendu lors de la dernière vente aux enchères dont il fut l'expert, le 28 avril 2004, Restif de La Bretonne & propos amoureux : Nicolai Chorerii Viennensis J. C. Adversariorum de vita et rebus suis libri III.



Je signale, au passage, deux ouvrages de bibliographie lui ayant appartenu et aujourd'hui dans ma bibliothèque, vendus lors de la première vente le 5 juillet 2005 :
Mélanges biographiques et bibliographiques relatifs à l'histoire littéraire du Dauphiné, de Colomb de Batines et Jules Ollivier.
L'Imprimerie, les Imprimeurs et les Libraires à Grenoble du XVe au XVIIIe siècle, de Edmond Maignien.



dimanche 14 septembre 2008

Un an déjà !

Il y a un an, le samedi 15 septembre 2007, je créais mon blog en publiant mon premier message. Depuis, j'ai posté 45 messages et j'ai eu 600 visiteurs. Je me sens toujours d'attaque pour continuer à décrire ma bibliothèque dauphinoise.


Justement ce week-end, j'ai décrit deux ouvrages. Le premier est une étude assez pointue sur un épisode mal connu de la Révolution dans le Dauphiné : la position des assemblées primaires de l'Isère après le coup de force contre les Girondins les 31 mai et 2 juin 1793. Le discours d'Antoine Français de Nantes a été décisif pour maintenir la neutralité du département dans la lutte entre les Jacobins et les Fédéralistes. Cet épisode est raconté par Auguste Prudhomme dans son ouvrage paru en 1907 : Le Fédéralisme dans l'Isère et Français de Nantes. C'est l'occasion de rencontrer une nouvelle fois ce personnage dauphinois, attachant et lui aussi mal connu. J'ai amplement complété la biographie d'Antoine Français de Nantes, en particulier sur une partie obscure de sa vie : ce qu'il fit entre 1795 et 1798, après la Terreur. C'est alors qu'ils se réfugia dans le Queyras, source d'inspiration pour les meilleurs de ses livres : Le manuscrit de feu M. Jérome et le Recueil des Fadaises par M. Jérome.

Autre description qui n'a rien à voir, preuve de la diversité de mes intérêts pour le Dauphiné : l'ouvrage d'André Allix et Jean Chièze : Montagnards, paru en 1935, avec sa magnifique galerie de portraits de Haut-Dauphinois, par Jean Chièze. S'il ne fallait en distinguer que deux, je citerais les portraits de Pierre Gaspard et Casimir Rodier, tous les deux avec la Meije en arrière plan :




lundi 8 septembre 2008

Les libraires Nicolas de Grenoble, Nicolas Chorier et Luisa Sigea

A tous ceux qui s'intéressent à la bibliophilie dauphinoise, je conseille de se procurer le travail magistral de Henri-Jean Martin et Martin Lecocq : Livres et lecteurs à Grenoble. Les registres du libraire Nicolas (1645-1668), Genève, Libraririe Droz; Paris, Librairie Champion, 1977.



Par une chance extraordinaire, les registres du libraire Jean Nicolas ont été conservés. Ils couvrent les années 1645 à 1668, avec quelques lacunes. Après avoir dépouillés ces registres, Henri-Jean Martin et Martine Lecocq se sont livrés à un travail de bénédictins pour identifier tous les acheteurs et vendeurs de Jean Nicolas et tous les ouvrages achetés ou vendus. L'étude qui ouvre le livre contient une analyse de la société grenobloise du milieu du XVIIe siècle et de ses élites. C'est l'occasion de pénétrer dans les bibliothèques des Grenoblois, d'analyser leur rapport au livre, la nature et la valeur de leurs achats, etc. On apprend par exemple qu'ils étaient peu intéressés par les grands classiques, mais qu'ils étaient grands acheteurs de littérature contemporaine et d'ouvrages de droits. Ils étaient aussi très intéressés par tous les ouvrages d'actualité, en particulier tous ceux qui concernaient les controverses religieuses qui étaient alors très vives dans la province ou les fameuses Mazarinades. Certains mêmes étaient abonnés à La Gazette, que Jean Nicolas distribuait ou mettait à disposition. La clientèle de Nicolas était essentiellement composée de Grenoblois, mais on trouve aussi quelques clients dans le reste de l'Isère, la Drôme et les Hautes-Alpes. L'autre volet de l'étude de H.-J. Martin traite du métier de libraire et d'éditeur de Nicolas. On y apprend qu'il ne vivait pas seulement de son métier de libraire, mais avait aussi une activité importante de papeterie et, qu'à l'occasion, il vendait des gants, des peaux et autres objets ou se faisait homme d'affaires. Il se trouvait au centre d'un réseau de correspondants, où l'on retrouve de nombreux libraires lyonnais et quelques confrères grenoblois (Philippe Charvys). A travers l'étude de sa situation financière et des prix des livres, il apparaissait indispensable pour lui d'être éditeur et vendeur de contrefaçons.
En plus de cette étude, l'ouvrage contient la listes complète des clients et des libraires correspondants et la liste des livres achetés et vendus.

Pour poursuivre sur le Dauphiné au XVIIe siècle, j'ai décrit ce week-end un bel exemplaire que je viens d'acquérir d'une étude de Paul Allut sur Luisa Sigea, aussi connue sous son nom latin d'Aloysia Sigea : Aloysia Sygea et Nicolas Chorier, Lyon, N. Scheuring, 1862.



Emu par la diffamation dont elle a été victime lorsque Nicolas Chorier lui attribua les dialogues érotiques qu'il publia vers 1660 : Aloysiae Sygeae Toletanae de arcanis amoris et veneris, Paul Allut entreprend de la réhabiliter en écrivant sa biographie. Il rend hommage à son savoir et à sa vertu. Il rapporte de nombreux témoignages élogieux sur elle, laissés par ses contemporains. Cet ouvrage est aussi intéressant par l'étude sur la "paternité" de l'ouvrage érotique en question. On y retrouve le libraire Nicolas, qui aurait publié le livre et dont le fils aurait donné la première traduction. On revient ainsi au début de ce message car Henri-Jean Martin évoque longuement Nicolas Chorier et son ouvrage "infâme", pour reprendre le terme de Paul Allut.

Ce petite plaquette, seulement tirée à 112 exemplaires, a été imprimée par le célèbre Louis Perrin de Lyon sur un beau papier de Hollande des papèteries BFK de Rives.


mardi 2 septembre 2008

L'évolution des glaciers à travers quelques ouvrages sur les Hautes-Alpes.


A la demande d'un lecteur du site, j'ai fait une série de photographies de vues anciennes de la Meije depuis le col du Lautaret. Sa demande était de pouvoir illustrer les évolutions des glaciers du Lautaret et de l'Homme. Je me suis pris au jeu et je lui ai envoyé 5 photos.

La première est la reproduction de la lithographie de L. Sabatier extraite de Voyages pittoresques et romantiques dans l'ancienne France. Dauphiné. du baron Taylor et de Charlaes Nodier, publié en 1854. Je n'ai pas l'édition originale de cet ouvrage majeur sur le Dauphiné, mais seulement la réédition qui en a été donné par les éditions Jeanne Laffite en 1982. Je me promets de décrire bientôt cet ouvrage sur mon site.



Ensuite les autres vues sont extraites :

A la France. Sites et monuments. Dauphiné (Hautes-Alpes – Drome – Isère)., par Onésime Reclus, publié vers 1900 :




Richesses de France. Les Hautes-Alpes, édition de 1963 :


Hautes cimes de l'Oisans. 140 photographies des plus beaux sommets du Parc National des Ecrins. , de Jacques Boell et L. Aillet, paru en 1982.



Pour finir, la même vue prise le 18 août 2008 :

Je laisse à chacun juger de l'évolution des glaciers.

Si vous vous intéressez à l'impact du réchauffement climatique sur les glaciers, je vous recommande un ouvrage que j'ai lu cet été : Les glaciers à l'épreuve du climat, de Bernard Francou et Christian Vincent. C'est une bonne synthèse didactique, bien illustrée.

Dans les prochains jours, je reviendrai sur des considérations plus bibliophiliques, autour de la société grenobloises du XVIIe siècle. Nous y retrouverons Chorier, Allard et les libraires Jean Nicolas.