dimanche 13 février 2011

Deux impressions anciennes de la charte de franchise du Briançonnais, en 1641 et 1788

Peu de temps avant la cession (le "Transport") du Dauphiné à la France, le dernier Dauphin Humbert II accorda une charte de libertés et franchises aux habitants du Briançonnais, dans une transaction datée du 29 mai 1343. Cette charte reconnaissait les libertés et privilèges du Briançonnais. Elle donnera naissance à l'institution très particulière des Escartons. L'égalité du statut où tous les habitants étaient francs-bourgeois et égaux devant le Dauphin, l'autonomie du Briançonnais dans sa gestion, en particulier pour la répartition de l'impôt, ont souvent conduit à considérer cette région comme une petite république montagnarde. Ce statut privilégié a souvent fait l'objet d'empiétements par les pouvoirs successifs, malgré la confirmation et la ratification de cette charte à chaque changement de roi.

C'est ainsi qu'un arrêt du 19 novembre 1640, instituant une taxe de 50 livres par feu amena les Briançonnais à députer deux des leurs, Claude de Pons et Jean-Étienne Rossignol, à Paris pour défendre leurs privilèges auprès du roi Louis XIII et du cardinale Richelieu. Pour mieux appuyer leur requête, ils font imprimer pour la première fois cette charte, avec de nombreux documents annexes et une supplique à Richelieu. C'est ce rare recueil imprimé à Paris en 1641 que je présente aujourd'hui.


Il contient 72 feuillets, avec une pagination irrégulière, voire fantaisiste, donnant le sentiment d'un recueil composite, dans lequel auraient été insérés des documents avec leur propre pagination. Cet exemplaire est probablement complet, du moins il contient les principaux documents, mais il est pour cela difficile de le comparer aux rares exemplaires décrits dans les bibliothèques publiques de France (6 au CCFR, dont un à la BNF et 2 à la BMG).


Le titre est orné d'un beau blason du Dauphiné.

Pour plus d'informations : cliquez-ici.

Deux autres éditions en seront données à Grenoble en 1644 et 1645. Près de 150 plus tard, une nouvelle édition est donnée à Embrun en 1780.

En 1788, sentant venir l’œuvre égalisatrice de la Révolution, qui devait tendre à faire disparaître toutes ces institutions particulières, les représentants du Briançonnais donnent une nouvelle édition à Grenoble. C'est cet autre recueil que je présente ici.


L'effort aura été vain. Cette institution si représentative de l'esprit libre des Alpins disparaîtra lors de la nuit du 4 août et la mise en place des nouvelles institutions.

Changement des temps, il contient aussi une traduction en français de cette charte si importante ainsi qu'un
Glossaire de mots latins difficiles à traduire, c'est à dire les mots ayant un sens régional ou concernant des droits particuliers du Dauphiné.

Enfin, ce sont maintenant les armes de Briançon qui ornent le titre.


Ce recueil est encore plus rare car il n'existe qu'un seul exemplaire au CCFr (à la BMG). Pour plus d'informations : cliquez-ici.

5 commentaires:

Textor a dit…

Passionnant article, comme souvent!
Question : qu'est-ce qui justifiait qur le Briançonnais dispose de plus de liberté que le reste du Dauphiné ?

Textor

Jean-Marc Barféty a dit…

Merci pour le commentaire et bonne question.

En premier lieu, le Briançonnais a profité des difficultés financières du dernier Dauphin Humbert II, qui se trouvait affaibli. Cela explique que de nombreuses chartes ont été accordées à cette époque. Elles n'étaient pourtant pas aussi favorables ni surtout aussi étendues que celle du Briançonnais.

Il faut savoir que le Briançonnais à cette époque couvrait les deux versants des Alpes. C'est en 1713 que le versant italien a été détaché de la France.

Je vois deux raisons à cette chrte de libertés. La première est la pauvreté de la société montagnarde qui a empêché l'émergence d'une noblesse puissante qui pouvait s'opposer à ces libertés locales. L'autre raison était la maîtrise des cols par les habitants et donc des voies de passage entre l'Italie (la Papauté) et la France. On retrouve ce qui s'est passé lors de la conquête romaine, où le roi Donnus, puis ses descendants Cottius, ont su préserver l'indépendance de la région vis-à-vis de la puissance romaine, tout simplement parce qu'ils maitrisaient les cols : Mont-Genèvre et Mont-Cenis (d'où l'appellation Alpes Cottiennes).

C'est donc bien la conjonction de ces deux éléments : pauvreté de la région + maîtrise de cols qui me semble la meilleurs explication. En Savoie, la maîtrise des cols a été assuré par une noblesse puissante, d'où est sortie la famille de Savoie et son emprise sur les deux versants des Alpes. On ne retrouve rien de tel dans le Briançonnais.

Jean-Marc

Textor a dit…

Voilà ce qui s'appelle maitriser son sujet !! Merci Jean Marc.

Textor

PS vous nous rappelerez la date de votre expo à la BM de Grenoble, qu'on ne loupe pas la date...

Jean-Marc Barféty a dit…

Merci pour ce commentaire.

Pour l'expo, il s'agit en fait d'une expo sur les 100 ouvrages les plus rares et importants sur les Alpes, basée sur le travail de Jacques Perret. Pour ma part, ma modeste contribution consiste en quelques remarques et précisions que je lui ai apportés sur les ouvrages dauphinois ou haut-alpin.

BOURGIN a dit…

Bonjour
Permettez à un briançonnais de completer la note de Jean Marc .
Il etait difficile au dauphin de recouvrer l'impot en raison de la pauvreté et de l'isolement de cette region aussi les briançonnais ont ils pu obtenir de payer un impot forfaitaire ,charge à eux de le repartir (escarter)
entre les "feux".C'est l'origine des ESCARTONS ,executif local ,veritable modele de democratie bien avant la lettre dont nous ferions bien de nous inspirer.
Renaud Bourgin
Grenoble