"Rien n'est meilleur pour le jeune homme que de voyager ainsi ; il fuit les amusements frivoles et énervants des grandes villes ; il fortifie son corps, enrichit son intelligence, élève son âme au milieu des émotions fortes et salutaires que fait naître la vue des montagnes."
La guerre de 1870 a eu un effet inattendu sur l'alpinisme. Le choc de la défaite a amené une part de la bourgeoisie éclairée à engager un effort de redressement national. Après la fête impériale, il fallait retrouver le goût de l'effort, de la discipline, le tout sur fond de patriotisme exacerbé. C'est, entre autres, ce programme que se sont donné les fondateurs du Club Alpin Français en 1874. Un effort particulier devait être fait en direction de la jeunesse. Une éducation trop tournée vers les choses de l'intellect au détriments des soins du corps a souvent été considéré comme une des causes d'une jeunesses moins vigoureuse que les jeunesses allemandes ou anglaises. C'est ainsi que le Club Alpin Français a lancé les caravanes scolaires. Ce sont des excursions organisées pour la jeunesse afin de faire découvrir la nature aux jeunes gens (les jeunes filles semblent exclues) et endurcir leur corps et leur esprit au contact de la montagne ou, tout simplement, des contraintes inhérentes aux voyages.
C'est ainsi que 11 élèves,
encadrés par 2 pères dominicains de
l'école
Albert-le-Grand d'Arcueil, dans la banlieue parisienne, ont formé une caravane scolaire partie le 9
août 1878 d'Arceuil pour un périple d'un mois qui les a conduits en Dauphiné (Coublevie, Voiron, abbaye de Chalais, la Grande-Chartreuse, Grenoble et Uriage, avec une ascension de la Croix de Belledonne), puis en Savoie (Aix-les-Bains, Saint-Gervais, Chamonix) et enfin en Italie (Lac Majeur, Milan, Pavie, Bologne, Florence, Pise, Livourne).Comme on le voit, la majeure partie du
voyage
s'apparente plus à un voyage touristique qu'à une
expédition d'alpinisme à proprement dite. Seule
l'ascension de la Croix de Belledonne peut véritablement
être considérée comme une
randonnée
alpestre. Toute la partie du trajet en Italie est même
plutôt un voyage culturel.
Au retour, deux élèves, Eugène Ebel, âgé de 18 ans, et Georges Muleur, 20 ans, entreprennent de faire le récit de ce périple sous la forme d'un journal de voyage, assez
conventionnel, écrit dans un style léger et
alerte,
souvent humoristique. Ils ont surtout pour but de faire naître
des
vocations chez d'autres jeunes. Il est publié en 1879 à la librairie Lecoffre :
La première caravane d'Arcueil. Récit du voyage de la Caravane scolaire de l'Ecole Albert-le-Grand pendant les vacances de l'année 1878.
Paris et Lyon, Librairie Victor Lecoffre, 1879
La première caravane d'Arcueil. Récit du voyage de la Caravane scolaire de l'Ecole Albert-le-Grand pendant les vacances de l'année 1878.
Paris et Lyon, Librairie Victor Lecoffre, 1879
Un autre élève Léon Schiler a eu pour tâche d'illustrer l'ouvrage par ses dessins. Ils ont ensuite été gravés et ont été soit inclus dans le texte, soit présentés sous forme de planches en pleine page. Le style s'apparente au mode humoristique à la
Töpffer ou, pour utiliser une référence
dauphinoise,
au style d'Emile Guigues. Cette vignette illustre le style :
Il a représenté les membres de la caravane, dont les deux auteurs de l'ouvrage :
Pour le Dauphiné, le "clou" du récit est l'ascension de la Croix de Belledonne. La montagne est souvent représentée. On voit bien entendu le massif au deuxième plan de cette vue de Grenoble.
On retrouve Belledonne sur le frontispice reproduit en tête du message, puis dans une vignette dans le texte.
Enfin, une gravure représente la vue depuis la Croix de Belledonne le jour de l'asension par la caravane le 18 août 1878. La planche est gravée d'après une photographie du capitaine Allotte de la Fuye, un
alpiniste qui a fait de Belledonne son terrain d'exploration. Le hasard
a fait qu'ils se sont rencontrés lors de cette ascension. Au
deuxième plan, le panorama représente le massif
des
Ecrins, avec la Meiije à l'extrême gauche,
jusqu'à
la Muzelle à droite.
Détail avec la Meije, le Râteau et le glacier du Mont-de-Lans
Pour finir, l'école
dominicaine
Albert-le-Grand d'Arcueil a eu une longue tradition
pédagogique
où les études intellectuelles devaient s'allier
à
la pratique de l'exercice physique. Cela explique qu'elle ait
été une des premières à
organiser une
caravane scolaire telle que préconisée par le
Club Alpin
Français. Cette tradition s'est
concrétisée en particulier par le père
Didon, proviseur et prieur à Arcueil en 1890, qui a
été à l'origine du renouveau de
l'esprit
olympique. Sur le père Didon, voir la notice
Wikipédia : cliquez-ici.
Sur le site de la ville d'Arcueil, une longue notice est consacrée à cette école : cliquez-ici.
Sur le site de la ville d'Arcueil, une longue notice est consacrée à cette école : cliquez-ici.
L'école est représentée sur cette vignette en tête du premier chapitre :
Comme toujours, rendez-vous sur le site Bibliothèque Dauphinoise pour une page plus développée : cliquez-ici.