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J'attends un achat (3 ouvrages) fait lors d'une vente aux enchères récente qui, je l'espère, me donnera l'occasion de présenter des ouvrages rares et intéressants. En attendant de vous parler de ces choses plus consistantes, deux acquisitions récentes qui illustrent ma monomanie dauphinoise et haut-alpine.
Pour ceux qui se souviennent de ce billet : Le père Para du Phanjas (1724-1797), ils savent ma passion pour rassembler peu à peu tous les ouvrages du père Para du Phanjas (1724-1797), jésuite mathématicien et philosophe, qui a deux vertus à mes yeux : il est originaire des Hautes-Alpes (de Chabottes, un petit village proche de Gap) et je lui suis apparenté par sa sœur. Cela suffit a expliquer le plaisir que j'ai à traquer les ouvrages de ce jésuite prolixe, bien oublié aujourd'hui.
J'ai donc acquis récemment ses :
Principes du calcul et de la géométrie, ou
Cours complet de mathématiques élémentaires, mises à la portée de tout le monde :
Ouvrage en grande partie composé, & en petite partie extrait des Auteurs les plus intelligibles.
Paris, Charles-Antoine Jombert, père, 1773, in-8°, [4]-XXXII-674 pp, 7 planches dépliantes hors texte.
Exemplaire en reliure d'époque.
Cela vient compléter ma collection qui comprenait déjà la 3e édition, de 1783. Cette édition de 1773 est la 2e, même si rien ne l'indique.
Autre acquisition récente, un petit Mémoire sur les prairies artificielles, de Louis-Etienne Faure, publié à Paris en 1814.
Pour plus de renseignements, cliquez-ici.
Ce petit travail, sans beaucoup d'intérêt il faut le dire, présente aussi deux bonnes raisons de venir rejoindre ma bibliothèque. La première est que cela complète ma petite collection des écrits de ce propriétaire cultivateur briançonnais qui avait entrepris de sortir ses compatriotes de la routine, inspiré par la pensée éclairée du XVIIIe. Pénétré du sens de l’intérêt général, il voulait divulguer par l'écrit et par l'exemple les leçons d'une agriculture moderne. Pour cela, il avait d'abord fait paraître une étude sur le mouton Mérinos, qu'il voulait acclimater dans les Hautes-Alpes : Le berger des Alpes, Paris, 1807, puis, plus tardivement, il publia, en 1823, une Statistique rurale et industrielle de l'arrondissement de Briançon, département des Hautes-Alpes. Au passage, c'est la première description précise et raisonnée du Briançonnais.
La maison de Louis-Etienne Faure, au-dessus de Briançon
Voir un message précédent sur ce personnage sympathique : cliquez-ici.
La deuxième raison est que ce petit opuscule a été publié par Louis Fantin, un libraire briançonnais installé à Paris, après être passé par l'Italie. Je lui ai consacré une page : cliquez-ici et un message : cliquez-ici.
Un achat récent est l'occasion d'évoquer l'apparition de l'imprimerie dans les Hautes-Alpes. Je ne sais s'il existe une synthèse de la diffusion de l'imprimerie qui ferait apparaître les régions et départements précurseurs, d'une part, et les départements qui ont été parmi les derniers conquis, si j'ose utiliser cette image. Il est probable que le département des Hautes-Alpes est un des derniers qui ont vu l'installation d'une imprimerie permanente sur leurs sols. En effet, il faut attendre la toute fin du XVIIIe siècle pour qu'un imprimeur commence à produire des ouvrages dans le département.
Certes, il existe des ouvrages qui portent des adresses dans le département (Gap ou Embrun) avant cette date, mais il s'agit soit de productions ponctuelles, soit de mentions factices. Il faut attendre Pierre-François Moyse, ouvrier imprimeur né à Paris, installé à Grenoble vers 1760, chez André Giroud.
Il s'installe à Embrun en 1776. Pourquoi Embrun ? On pourrait penser à Gap, l'actuelle préfecture du département. Avant la Révolution, la situation des deux villes était différente. Embrun était le siège d'un archevêché qui couvrait un partie du sud-est de la France. Il avait existé un collège jésuite, jusqu'à l'interdiction des jésuites en France. Cela donnait à la ville une prééminence culturelle, à défaut d'économique, dans la région.
C'est justement un jésuite, le père Rossignol, originaire des Hautes- Alpes, qui, resté dans la ville malgré la suppression de l'ordre, donna beaucoup d'ouvrages à imprimer au tout récent imprimeur-libraire Pierre-François Moyse. Ce jésuite polygraphe dont j'ai déjà parlé (cliquez-ici, en fin de message) avait entrepris de corriger un ouvrage polémique de son ami jésuite François-Xavier de Feller (Bruxelles, 1735 - Ratisbonne 1802), Examen impartial des époques de la nature, de M. de Buffon. Cet ouvrage a été écrit en réponse aux thèses de Buffon par le jésuite Feller, qui ne manquait pas une occasion de ferrailler avec les auteurs des Lumières. Il avait donc fait paraître cet ouvrage au Luxembourg en 1780, après avoir déjà publié un livre contre Buffon : Examen critique de l'Histoire naturelle, 1773.
Malheureusement, l'ouvrage contenait des erreurs. Mais laissons la parole à Barbier : "L'abbé Rossignol, ex-jésuite, comme l'abbé de Feller, et son grand ami, a donné une seconde édition de cet ouvrage, avec des corrections auxquelles l'auteur ne s'attendait pas. Elles portaient sur les erreurs de Feller en matière de physique et d'astronomie. L'abbé de Feller, loin de se fâcher, fit l'éloge du travail de son ami dans le Journal de Luxembourg, qu'il rédigeait."
C'est cet ouvrage que le père Rossignol fit imprimer par Moyse en 1781 :
L'imprimeur Moyse fut actif à Embrun de 1776 jusqu'à son décès en 1794 (voir son acte de décès).
Son fils Jean-Louis lui succéda quelques temps, jusqu'en 1797 où il dut quitter la ville par manque de travail. En effet, à ce moment-là, l'archevêché avait été supprimé et le chef-lieu de département avait été situé à Gap. Cette dernière ville s'était alors dotée d'un imprimeur, Allier, aussi originaire de Grenoble, qui imprima l'abondante littérature administrative des toutes nouvelles institutions départementales.
L'érudit Edmond Maignien fit paraître une étude sur cet imprimeur dans la Petite Revue des Bibliophiles dauphinois en janvier 1915. Il recense 63 ouvrages imprimés par Pierre-François Moyse et son fils.
La majorité des informations de ce message proviennent de cet article. On ne dira jamais assez ce que l'on doit à ces érudits qui publièrent alors des études qui font toujours autorité.
Si vous voulez en savoir plus sur Edmond Maignien, cliquez-ici.
Pour clore ce message, un belle lithographie de la cathédrale d'Embrun, extraite de l'Album du Dauphiné
Comme chaque année, le Bibliophile dauphinois est allé au Salon du livre ancien du Grand-Palais, qui se tenait cette fin de semaine. Comme je l'avais fait l'année dernière (cliquez-ici) et l'année précédente (cliquez-ici), je me plie au rituel du compte-rendu. Je suis d'autant plus poussé à lea faire que certains de mes amis bibliophiles, rencontrés à cette occasion, m'ont gentiment fait remarquer que je publiais moins et que certains dimanches soirs, ils ne trouvaient plus mon billet hebdomadaire. J'espère qu'ils seront contents de me lire.Ces mêmes amis bibliophiles qui avaient arpenté le salon avant moi m'avaient dit qu'ils n'avaient rien vu pour moi. Je vois qu'ils leur manquent le radar propre au Bibliophile dauphinois qui lui permet de dénicher tout (ou presque) ce qui concerne le Dauphiné, les Alpes et la montagne au milieu de ces milliers de livres. Malgré cela, je suis revenu bredouille...En vrac, j'ai trouvé :Un édition lyonnaise de la vie de Bayard par Symphorien Champier, parue en 1525, à un prix astronomique.L'histoire des plantes de Dauphiné, de Dominique Villars, exemplaire bien complet, ce qui est rare. Malheureusement, il n'avait pas les qualités suffisantes pour détrôner mon exemplaire (voir la fiche ici). La reliure, propre et en bon état, n'était qu'une demi basane verte. L'intérieur était assez frais, mais les derniers planches étaient "ornées" de magnifiques mouillures. Surtout, crime de lèse-bibliophilie, une main maladroite et inexperte a corrigé au stylo bille la page de titre du dernier volume en écrivant "quatrième" à la place de "troisième". On voit bien sur cette page de titre ici reproduite que le 4e volume de l'Histoire des plantes de Dauphiné est la deuxième partie du tome III.Pour les amateurs de Samivel, confrérie à laquelle je n'appartiens pas totalement, un rare exemplaire de Neiges, publié à 130 exemplaires en 1937.Une librairie proposait une imposante collection de guides touristiques du XIXe : Joanne, Baedecker, etc. Il n'avait que le premier tome du guide Joanne sur le Dauphiné, celui consacré à l'Isère (1862). Je recherche le 2e tome : La Drôme, le Pelvoux, le Viso, les Vallées vaudoises, de 1863, premier guide touristique sur les Hautes-Alpes.Un autre libraire proposait un bon exemplaire de l'Excursion à la Grand-Chartreuse, de Champin, publié en 1837, avec 36 lithographies. J'ai été tenté, mais je ne suis pas passé à l'acte... Ce même libraire proposait un exemplaire de La Meije et les Ecrins de D. Baud-Bovy. Petite satisfaction d'amour propre, la notice du libraire reprenait un extrait de ma fiche (pour la voir, cliquez-ici), en citant la source, ce qui n'est malheureusement pas toujours le cas, surtout sur e-bay.De nombreux libraires proposaient des ouvrages d'Oronce Fine, le célèbre mathématicien et astronome originaire de Briançon (1494, Briançon - 1555, Paris). Il s'agit certes d'ouvrages du XVIe siècle, mais les prix me semblent "inadaptés".Dans son catalogue d'ouvrages présentés au salon, un libraire anglais avait un exemplaire de la première impression dauphinoise, le célèbre statut du Dauphiné, publié en 1508. Las, lorsque j'ai demandé à le voir, on m'a expliqué qu'il était en dépôt chez un client qui attendait pour se décider ou non à l'acheter. Je suis reparti avec la notice en anglais, en espérant que, peut-être, le client n'en voulant plus, il puisse être disponible. En attendait, je remets la photo de la belle page de titre et le lien vers un message où j'en parlais abondamment (cliquez-ici)Pour mémoire, je cite deux exemplaires de la description des Alpes de Saussure, un in-8° et un in-4°, tous les deux avec les premiers tomes en réimpression de Fauché-Borel en 1803. Il faudra que je me décide un jour à franchir le pas et acquérir un bel exemplaire de cette œuvre pionnière et majeure sur les Alpes.Pour finir, une demie-déception. Un libraire avait les deux volumes des Voyages en Zig-Zag de Töpffer, les deux en éditions originales (1844 et 1854), dans une reliure uniforme, très frais. J'ai hésité, j'ai tergiversé, puis, la nuit portant conseil, je me suis dit qu'il était dommage de rater l'occasion d'acheter ces grands classiques de la littérature alpine, certes plus suisse que dauphinoise, mais dont les illustrations sont aussi un des grands attraits. Lorsque je suis passé cet après-midi, un autre amateur, plus décidé, était parti avec avant moi. D'une certaine manière, j'ai laissé le temps décider à ma place.