Scramble amongst the Alps in the years 1860-1869, par Edward Whymper (Escalades dans les Alpes de 1860 à 1869, pour la version française), est un des ouvrages les plus célèbres de l'histoire de l'alpinisme. Dans l'esprit de beaucoup, il est souvent lié uniquement aux nombreuses tentatives d'ascension du Cervin par Whymper, jusqu'à la victoire finale du 14 juillet 1865, et, surtout, au terrible accident à la descente du sommet, qui coûta la vie à Lord Douglas, à Hadow, au Rev. Hudson et au guide Michel Croz.
Pourtant, cet ouvrage fait une large part aux Alpes dauphinoises et, à ce titre, mérite d'être connu et référencé dans une bibliothèque dauphinoise.
C'est d'ailleurs le Dauphiné qui, indirectement, est à l'origine de la découverte de la montagne par E. Whymper. Graveur sur bois, il est envoyé dans les Alpes par l'éditeur londonien Longman pour illustrer une tentative d'ascension du Pelvoux en 1860. De ce premier voyage de découverte à l'été 1860, il a retenu sa rencontre avec Jean Reynaud, à l'Argentière-La Bessée, qui le conduit à revenir en 1861 pour tenter l'ascension du Pelvoux. Le chapitre II est entièrement consacré au récit de cette ascension. Il vaut tant pour le texte, que pour les illustrations, dont je reproduis une partie ici.
Il reviendra dans le Dauphiné en 1864, pour une courte campagne de quelques jours qui le mène à La Grave, d'où il franchit la Brèche de la Meije. Depuis la Bérarde, il poursuit par l'ascension de la Barre des Ecrins, la première connue, le 25 juin 1864, avec A. W. Moore, Horace Walker et les guides Christian Almer et Michel Croz. Enfin, il termine le périple par un retour à la Bérarde depuis Ailefroide par le col de la Pilatte. Le récit de son séjour en Dauphiné occupe les chapitres VIII, IX et X de son livre.
Il ne reviendra en Dauphiné que pour quelques jours, sans ascensions, en 1869. Même si les chapitres consacrés aux Alpes dauphinoises sont minoritaires dans l'ouvrage, Edward Whymper a toujours dit son amour particulier pour cette région.
L'accident du Cervin l'amène
à se retirer partiellement du monde de l'alpinisme. Il met
à contribution ces 6 années de retraite pour
écrire ses souvenirs et graver les très
nombreuses illustrations qu'il souhaitait utiliser pour renforcer la
force de son texte. Retiré dans la maison familiale de
Haslemere, au sud de Londres, il termine son travail en 1871.
Paraît ainsi à Londres, à l'été 1871 Scramble amongst the Alps in the years 1860-1869. L'ouvrage contient 22 chapitres et de nombreuses annexes. Il est surtout remarquable par la quantité et la qualité des illustrations.On compte pas moins de 21
planches hors texte, dont une en frontispice, et 90 gravures dans le texte. A l'origine, les
sujets
proviennent soit de dessins réalisés sur place par l'auteur,
soit de photographies. Pour certaines d'entre elles, ce sont des
conceptions originales. Toutes
les gravures
sur bois ont été
réalisées par
Edward Whymper lui-même ou son père Josiah Wood
Whymper.
Ensuite, marque de l'attention que l'auteur portait à la
qualité de la réalisation, E Whymper assura
lui-même l'impression des planches hors texte. Les
autres illustrations et le texte ont été
imprimés par R. Clarke, à Édimbourg,
sur un papier
spécialement conçu pour cet ouvrage. Comme on le voit, en plus d'être un ouvrage
fondateur
sur l'alpinisme, c'estt aussi une aventure
éditoriale et
personnelle au service de la qualité matérielle du livre
lui-même.
E. Whymper ne dédaigne pas
les scènes
de genre, comme cette illustration qui représente
la nuit que lui-même et Michel Croz ont passé
après
leur victoire à la Barre des Écrins. On remarquera
le rendu dramatique
de cette scène qui est pourtant un temps de repos
et
de complicité, si l'on en croit le récit qu'il en
donne. C'est aussi la seule illustration qui donne à voir un échange entre deux personnes.
J'ai la chance de posséder la première édition :
Je ne vais pas détailler les différentes éditions anglaises, mais il faut retenir que c'est la 4e qui est considérée comme l'édition définitive. Si le contenu et l'organisation du livre n'ont pas été modifiés, en revanche le texte a été revu et le nombre d'illustrations a été augmenté. De plus, cette édition se présente sous une belle reliure d'éditeur.
J'ai aussi la 5e édition, de 1900, mais elle n'apporte guère d'éléments supplémentaires.
Dès 1872, Adolphe Joanne
traduit en français quelques passages qui sont
publiés dans la revue Le
Tour du Monde
(cliquez-ici). La totalité de l'ouvrage traduit en
français est publiée chez Hachette en 1873, avec
la
reprise de la presque totalité des illustrations : Escalades dans les Alpes de 1860
à 1869, Paris Hachette, 1873.
Il y a quelques menues différences avec l'édition anglaise, mais on peut dire que l'édition française est à l'image de la première édition.
Edward Whymper termine son ouvrage par
l'accident du Cervin et quelques réflexions sur
l'alpinisme et ce qu'il nous enseigne : « souvenez-vous que
le courage et la force ne sont rien sans la prudence et qu'un moment de
négligence peut détruire le bonheur d'une vie. Ne
faites rien à la hâte ; surveillez chacun de vos
pas ; et dès le début, pensez à ce que
peut être la fin. »
Pour illustrer ces sages pensées, il choisit cette image de
fin que
l'on peut trouver morbide pour un ouvrage sur la montagne :
Je reviendrai dans une autre message sur le débat, partiellement biaisé, de la "découverte" de la Barres des Écrins par Edward Whymper.