samedi 15 mars 2014

Une rare aquarelle ancienne de Gap (Hautes-Alpes)

Les vues anciennes de Gap sont rares. Comme tout le département, il faut vraiment attendre les premiers grands albums lithographiques pour voir apparaître des vues des principales villes et des paysages du département des Hautes-Alpes. Le plus célèbre d'entre eux est l'Album du Dauphiné, paru entre 1836 et 1839, dans lequel on trouve les premières lithographies de Gap.

Quant aux artistes, peu d'entre eux se sont intéressés à la préfecture des Hautes-Alpes. Pour en parler, je dois me fier à ma mémoire ou à ma propre documentation car l'iconographie du département ou du chef-lieu n'a jamais fait l'objet d'aucune étude exhaustive. Tout cela pour relever l'intérêt de cette aquarelle de Gap que je viens d'acquérir. Bien que non datée et non signée, on peut penser qu'elle date du premier tiers du XIXe siècle.


Plusieurs points méritent d'être notés.

Le point de vue est inhabituel. Le premier plan est largement occupé par l'arrière de l'église Saint-André-des-Cordeliers et du couvent alors occupé par les sœurs du Sacré-Coeur de Marie, qui lui était accolé (c'était l'ancien couvent des Cordeliers). On sait d'ailleurs que ce couvent a été acquis par Mgr Arbaud, mort en 1836, qui l'a confié à cette congrégation, après l'avoir rehaussé d'un étage. La vue nous le montre sans cet étage, ce qui nous donne un élément de datation.

J'ai tenté d'identifier le point de vue sur un plan actuel de Gap. Sur cette carte, je pense qu'il se trouve là où est le "A".


L'église Saint-André-des-Cordeliers existe toujours, au début du cours Ladoucette.Cette vue de face permet de voir que si la forme générale du clocher a été respectée par l'aquarelliste, elle ne l'a pas été dans le détail.


Ensuite, au deuxième plan, on voit la ville de Gap elle-même. Le seul monument que l'on reconnait aisément est la cathédrale de Gap. Je n'ai pas identifié les autres monuments, en particulier ce bâtiment surmonté d'un large fronton monumental. Pourtant, Gap est guère riche en monuments imposants.

Le troisième plan est occupé par la montagne de Charance.

Comme signalé, on distingue bien l'ancienne cathédrale de Gap, avec son clocher roman.


Ce détail permet de le comparer à la vue du même clocher dans la lithographie de l'Album du Dauphiné, prise sous le même angle, mais plus au sud. Là aussi, la précision du dessin ne semble pas avoir été la préoccupation majeure de l'artiste.


Enfin, dernier point notable, la présence de deux moulins à vent. Je n'ai pas trouvé de mention de moulins à vent à Gap. Il existait de nombreux moulins à eaux, en particulier sur le cours de la Bonne, mais cette vue nous apprend qu'il y avait aussi des moulins à vent. Ils sont situés dans une zone qui doit en contrebas de l'actuelle rue Carnot. On peut probablement rapprocher la tour ronde à gauche de la vue de l'Album du Dauphiné comme le reste d'un des moulins à vent, qui a perdu ses ailes.

Pour finir ce message, ce détail sur les deux personnages du premier plan, probablement une mère et son fils, doit nous conforter dans la datation de l'aquarelle. Le costume de la femme rappelle les tenues des femmes dans le premier tiers du XIXe siècle. Sûrement qu'un amateur versé dans la connaissance du costume féminin saura trouver un détail qui permettrait d'affiner la date.


Depuis que j'ai rédigé ce message, j'ai vu cette aquarelle de Diodore Rahoult, présentée lors de l'exposition de l'Ancien Évêché et reproduite dans : Diodore Rahoult, Paroles de palette. Grenoble, Musée de l'Ancien Évêché, Bibliothèque Municipale de Grenoble, 2013 :


Je trouve une similitude de style. Je me prends à rêver que je possède une œuvre de ce peintre !

1 commentaire:

Christian Burdet a dit…

Je dois avouer que le moulin à vent à la hollandaise me trouble un peu. A ma connaissance, il n'y a aucun exemple de moulin à vent dans les Hautes-Alpes, un département pas spécialement venté et où l'eau coule en abondance toute l'année.
Ne serait-ce pas une liberté du peintre ?