samedi 6 juin 2015

Étude sur l'économie pastorale des Hautes-Alpes, Félix Briot, 1884


Le message du jour étant austère, j'ai choisi cette image d'une étiquette de boîte de camembert comme amuse-bouche (si j'ose dire). Quel lien avec la suite ? Tout simplement que je vais parler de pastoralisme dans les Alpes. Pour illustrer le sujet, rien de mieux qu'un produit issu de cette activité, en l'occurrence un fromage sorti des laiteries Gravier de Briançon (Hautes-Alpes), au bon lait des vaches de montagne.

Il existe un débat toujours actuel entre préservation de l'environnement et activité humaine. Suite à l'ouvrage fondateur d'Alexandre Surell sur les torrents des Hautes-Alpes (cliquez-ici et plus généralement sur ce sujet : cliquez-ici), la politique de restauration des terrains de montagne (R.T.M) a été pilotée par l'Administration des Eaux et Forêts, politique qui visait à reboiser des terrains de montagne dont on pensait qu'ils avaient été détruits par un surpaturâge et un pastoralisme mal maîtrisé. Le risque d'une telle politique était de se faire au mieux sans prendre en compte les besoins des populations locales, au pire contre les intérêts de ces populations.

Ce préambule pour présenter un petit ouvrage publié en 1884 par Félix Briot, un jeune inspecteur des forêts qui avait été en poste à Gap de 1875 à 1879. 
 

Étude sur l'économie pastorale des Hautes-Alpes. Extrait de la Revue des Eaux et Forêts. Novembre 1880 à mars 1881. Paris, Bureaux de la Revue des Eaux et Forêts, 1884, in-12, 144 pp.

Pendant les quatre ans passées dans cette région, en complément de sa mission pour l'administration des Eaux et Forêts, il porta une attention plus particulière à la situation sociale et économique des populations locales. Il en est résulté cette étude sur la situation agricole des Hautes-Alpes, du point de vue du pastoralisme, dans le but de promouvoir un plus grand développement de cette activité dans le département afin d'améliorer par ce biais la situation sociale des populations. Cette étude détaillée, fondée sur de nombreuses données chiffrées et éclairée par des expériences nombreuses en France et à l'étranger, a d'abord été publiée dans la Revue des Eaux et Forêts, de novembre 1880 à mars 1881.
 
Dans le texte introductif de l'étude, il explique clairement qu'il souhaite arriver à concilier les besoins en reboisement, avec l'impact qu'ils ont sur le pastoralisme, et les besoins des populations locales, par le bais des encouragements agricoles. Sa conclusion, en 4 points, est : la situation agricole actuelle ne permet pas à la population des Hautes-Alpes de vivre à l'aise, l'extension des herbages accompagnée par le développement des canaux d'irrigation est une solution, la mise en place d'une industrie laitière exercerait une influence bénéfique par l'extension des prairies et pâturages, et, enfin, le rôle de l’État, par le biais des subventions, doit accompagner cette évolution. 
Pur un description plus complète de l'ouvrage : cliquez-ici.
 

Cette étude est le premier de nombreux travaux de Félix Briot sur ce sujet. Il rassemblera l'ensemble de ses recherches et recommandations dans deux ouvrages fondamentaux : Les Alpes françaises. Études sur l'économie alpestre, 1896 et Les Alpes françaises. Nouvelles études sur l'économie alpestre, 1907. Ce sera le combat de toute sa vie, qu'il poursuivra jusqu'après sa mise à la retraite. 
 
Pourquoi parler de combat ? Évidemment, il rencontra des oppositions, en particulier au sein même de son administration. Pour preuve, ce qu'écrit le ministre de l'Agriculture dans sa lettre de recommandation pour la nomination comme officier de la Légion d'honneur en 1915 : « J'ai l'honneur de vous faire connaître que M. Briot a été noté au cours de toute sa carrière comme un fonctionnaire distingué. On lui a seulement reproché parfois de négliger son service forestier pour s'occuper plus spécialement de questions concernant l'économie pastorale et les industries qui s'y rattachent. Il a publié sur ces matières des études remarquées, [...] Les théories qu'il a émises dans certains de ses ouvrages se sont souvent écartées de celles admises par le Corps forestier tout entier. »
Quatre ans plus tard, le jugement aura évolué : « M. Briot,[...] a contribué d'une manière tout à fait remarquable par l'ouvrage qu'il a publié en 1896 sur l’Économie Alpestre, à l'évolution des idées et à la solution des questions concernant l'économie pastorale et les industries qui s'y rattachent. Il a été l'un des principaux initiateurs des Associations laitières et des Améliorations Pastorales dans les Alpes, ce qui lui a valu de nombreuses et hautes récompenses [...] ». Il obtiendra alors sa distinction.

Pour ceux qui veulent aller plus loin sur Félix Briot, j'ai apporté d'autres éléments biographiques dans cette page : cliquez-ici. Je reprends des travaux et des références qui situent son action et sa politique au sein de l'école du sociologue Le Play. 
 
Cette image montre de façon spectaculaire les  résultats des restaurations des terrains de montagne dans les Hautes-Alpes. La vue du bas est la vallée de Freissinières, une des vallées plus particulièrement étudiées par Félix Briot.


2 commentaires:

Flandin a dit…

Bonjour, je viens de découvrir votre Blog, amateur de cartes, de livres aussi particulièrement sur l'histoire des hautes alpes, la fortification et la montagne..
je viens juste de noter sur la photo de gauche Freissinières "1976" au lieu de 1876

Très amicalement..

j ai votre ouvrage sur l histoire de la carto du massif des Ecrins...un bijou.

jean louis Flandin Briançon

Jean-Marc Barféty a dit…

Bonjour
Merci pour votre commentaire. Je suis heureux de pouvoir vous partager ma passion pour les Hautes-Alpes.
Au plaisir de poursuivre l'échange. Je vais régulièrement à Briançon, où nous avons toujours une maison de famille.
(vous pouvez me contacter par le mail qui est indiqué à gauche).
Jean-Marc Barféty