Armes et devises de l'Académie flosalpine et Société des Amis chrétiens.
Dans l’histoire assez simple des sociétés savantes des Haute-Alpes, cette Académie prend place entre une première Société d’Émulation des Hautes-Alpes, qui a vécu quelques années sous l’Empire, et la toujours existante et solide Société d'Études des Hautes-Alpes, créée en 1882.
Quand on en parle, on l’appelle généralement l’Académie flosalpine, alors que son titre exact est : Académie flosalpine et Société des Amis chrétiens. Cette précision est importante car elle éclaire très bien le contexte de sa création et un des buts annexes recherchés.
A l’origine, il y a un homme, Mgr Jean-Irénée Depéry, né dans l'Ain en 1796, nommé évêque de Gap en 1844.
Quand on en parle, on l’appelle généralement l’Académie flosalpine, alors que son titre exact est : Académie flosalpine et Société des Amis chrétiens. Cette précision est importante car elle éclaire très bien le contexte de sa création et un des buts annexes recherchés.
A l’origine, il y a un homme, Mgr Jean-Irénée Depéry, né dans l'Ain en 1796, nommé évêque de Gap en 1844.
Comme il le dit lui-même, depuis son arrivée à Gap, il a parcouru le pays, ce qui l'amène à ce constat :
Depuis près de quatorze ans, Messieurs, je parcours ces montagnes : à leur premier aspect j'avais peine à me défendre contre la pensée que l'esprit des habitants devait participer de cette nature aride et inculte; mais je ne tardai pas à être désabusé, et vous ne sauriez croire quel plaisir nouveau j'éprouve chaque année, à visiter ces vallées si peu connues, si mal observées, où la main de la nature a tout fait, où la main de l'homme n'a presque rien changé. –La conversation de ces hommes simples qui, réduits aux seuls besoins physiques, bornés aux notions les plus ordinaires de la vie des champs, ignorent jusqu'aux noms des arts et des sciences, a toujours été pour moi pleine de charmes ; car sous la rude écorce d'un esprit encore neuf, j'ai découvert, bien souvent, de riches trésors de bon sens et d'à-propos qui ne demandent qu'une main habile et intelligente pour les exploiter et les faire valoir.
(Au passage, il y aurait une thèse à écrire : Les Hauts-Alpins vus par .... Ce serait édifiant !)
Par ailleurs, il souhaitait améliorer la formation des élèves du Petit Séminaire d’Embrun, en les intégrant au sein d’un milieu favorisant leur développement intellectuel.
Enfin, probablement, mais cela est moins affirmé publiquement, dans une période qui voyait peu à peu les élites s'éloignaient de la religion, soit par opposition affirmée, soit par tiédeur, il apparaissait nécessaire de redonner l'initiative à l’Eglise catholique dans la vie sociale et culturelle du département. Comme partout en France, c’est le temps des constructions d’églises nouvelles, toutes plus ambitieuses les unes que les autres (avec tout de même les moyens limités des Hautes-Alpes). Le chantier emblématique de la reconstruction de la nouvelle cathédrale de Gap est emblématique. Comme partout en France, le culte marial et l’ultramontanisme ont été à l’honneur sous l'épiscopat de Mgr Jean-Irénée Dépéry. C’est lui qui réactiva le culte de Notre-Dame-du-Laus, n'hésitant pas à utiliser toute la pompe des fêtes catholiques de l'époque, comme lors du couronnement de Notre-Dame-du-Laus en mai 1855.
C’est ainsi qu'il est à l’origine de la création de cette société savante en 1857, dont la séance inaugurale a eu lieu le 6 décembre 1857 à Embrun. Tel qu'il la présente dans son discours prononcé ce jour, il lui assigne explicitement deux objectifs. Le premier, assez classique, est : "encourager les bonnes études et de former une société d'amis vertueux." Les statuts précisent les domaines dans lesquels son action peut se développer. On verra qu'il a surtout s'agit de travaux historiques, les autres branches du savoir étant quasiment absent.
Cependant, l'autre objectif était clairement de servir de complément d’enseignement pour les élèves du petit séminaire. Il a ainsi institué une sorte de concours de composition à sujets définis pour les élèves, avec jurys et récompenses.
Laissons l'abbé Sauret, son président, nous décrire cette toute jeune Académie, dans ce style ecclésiastique plein d'onctuosité et de componction :
Par cette institution heureuse, le Prélat a voulu créer dans la célèbre Ebrodunum un centre de lumière qui rayonnât dans les grandes Alpes, qui y entretînt l'amour des sciences et des lettres, qui assurât à son jeune clergé les conditions d'un développement intellectuel plus étendu, d'un goût littéraire plus pur.
Etranger à tout esprit d'exclusivisme, le fondateur de l'Académie Flosalpine a eu pour but de mettre en rapport tous les talents, toutes les intelligences que l'idée du beau et du vrai travaille et domine, qu'un sentiment chrétien rapproche et unit ; de les convier tous à apporter leur tribut de connaissances à ces douces réunions d'amis où l'esprit supérieur projette sans ostentation sa lumière dans les autres esprits ; où les cœurs plus purs, plus élevés, savent, par un suave épanchement, verser dans tous les autres cœurs l'amour de Dieu et des grandes choses ; où chacun se grandit et s'élève par le contact de ce qui est noble et sublime.
Vu l'importance qu'il donne à l'Académie comme complément à l’éducation délivrée par le Petit Séminaire, installer son siège à Embrun avait du sens. L'argument officiel avancé est le rôle qu'Embrun a eu dans le passé comme siège du collège du département et le rayonnement associé de la ville d'Embrun, comme ancien siège archiépiscopal. Je pense qu'il devait y avoir d’autres raisons. La première est le poids de l'abbé Sauret, directeur du Petit Séminaire, qui sera l’organisateur et l'animateur de cette Académie. Peut-être que dans son clergé de Gap, il ne disposait pas d'un homme aussi fidèle et actif pour faire vivre l'Académie. L'autre raison, qui est pure conjecture de ma part, est que le climat religieux d'Embrun était plus favorable que celui de Gap, qui faisait peut-être preuve de moins de sympathie pour la religion . A ma connaissance, l'histoire du sentiment religieux au XIXe siècle dans les Hautes-Alpes n'a jamais été étudiée de façon approfondie, ce qui ne me permet pas d'étayer mon hypothèse.
L'organisation assez complexe de cette Académie démontre bien l'emprise forte du clergé. Elle est dirigée par un Grand-Maître, qui est l'évêque de Gap, et un président, qui est le supérieur du Petit Séminaire. La majorité des postes est tenue de droit par des membres du clergé.
En 1859, est publiée la liste complète des membres de l'Académie. On trouve 229 personnes, dont 92 ecclésiastiques et 12 élèves du Petit Séminaire. On est donc à une répartition moitié–moitié entre représentants du clergé et associés et représentants de la société. Grâce à son entregent, l'abbé Depéry a réussi à obtenir l’adhésion de Lamartine et d'autres personnalités parisiennes. Les principales notabilités du département sont présentes, même certaines connues pour leur peu de sympathie pour la religion, comme Aristide Albert, ancien sous-préfet d’Embrun, libre-penseur, ou Charronnet, l'archiviste des Hautes-Alpes.
En plus de l'orientation très cléricale et religieuse de cette Académie, l'autre difficulté est qu’elle n’a jamais pu publier les travaux de ses membres. Les différents comptes-rendus donnent une liste importante de travaux communiqués lors des 5 séances solennelles annuelles, mais à l'exception de quelques uns en 1861, aucun n'a pu être publié par l'Académie elle-même. De plus, le processus de sélection des études présentées ne semble avoir été ni formalisé, ni même mis en place. Cela donne des listes de travaux qui ressemblent à des listes à la Prevert. C'est un travers que l'on retrouve dans d'autres sociétés savantes de l'époque, où le meilleur côtoie parfois le moins rigoureux, mais cela semble plus marqué dans le cas de l'Académie Flosalpine. Le seul travail qui a fait l’objet d’une discussions et réfutation l'a été non sur des critères scientifiques, mais sur des critères religieux. L’abbé Sauret critique fortement le manque d’orthodoxie catholique et le parti pris en faveur des protestants de l'Histoire des guerres de religions dans les Hautes-Alpes, de l'archiviste Charronnet et se réjouit qu'une réponse lui a été faite par l'abbé Joubert. Je ne pense pas que Charronnet ait ensuite fait partie des défenseurs de cette Académie, lui, le premier chartiste des Hautes-Alpes, dont le travail n'a pas été discuté sur des critères de rigueur historique, mais sur des critères d'orthodoxie religieuse.
La mort de Mgr Depéry, le 9 décembre 1861, suivie du départ de l’abbé Sauret comme curé de Remollon a signé l'arrêt de mort de l’Académie. Après une dernière séance solennelle en juin 1863, qui bénéficie d'un ultime compte rendu, il ne semble plus y avoir d'activité.
Aujourd'hui, les seules traces de l'activité de cette Académie sont les 5 comptes rendus des séances solennelles. Malheureusement, à l'exception de celui de 1860, ce ne sont que des comptes rendus, avec reproduction des discours (des bons moments de littératures ecclésiastiques, voir ci-dessus), liste de travaux, avec quelques résumés. Dans celui de 1860, quelques travaux, comme dans n'importe quel bulletin de société savante, sont reproduits. La liste donne un bon aperçu de la nature des préoccupations et des auteurs. Sachant qu'il n'existe pas d’archives de l’Académie, cela est maigre comme bilan.
L'organisation assez complexe de cette Académie démontre bien l'emprise forte du clergé. Elle est dirigée par un Grand-Maître, qui est l'évêque de Gap, et un président, qui est le supérieur du Petit Séminaire. La majorité des postes est tenue de droit par des membres du clergé.
En 1859, est publiée la liste complète des membres de l'Académie. On trouve 229 personnes, dont 92 ecclésiastiques et 12 élèves du Petit Séminaire. On est donc à une répartition moitié–moitié entre représentants du clergé et associés et représentants de la société. Grâce à son entregent, l'abbé Depéry a réussi à obtenir l’adhésion de Lamartine et d'autres personnalités parisiennes. Les principales notabilités du département sont présentes, même certaines connues pour leur peu de sympathie pour la religion, comme Aristide Albert, ancien sous-préfet d’Embrun, libre-penseur, ou Charronnet, l'archiviste des Hautes-Alpes.
En plus de l'orientation très cléricale et religieuse de cette Académie, l'autre difficulté est qu’elle n’a jamais pu publier les travaux de ses membres. Les différents comptes-rendus donnent une liste importante de travaux communiqués lors des 5 séances solennelles annuelles, mais à l'exception de quelques uns en 1861, aucun n'a pu être publié par l'Académie elle-même. De plus, le processus de sélection des études présentées ne semble avoir été ni formalisé, ni même mis en place. Cela donne des listes de travaux qui ressemblent à des listes à la Prevert. C'est un travers que l'on retrouve dans d'autres sociétés savantes de l'époque, où le meilleur côtoie parfois le moins rigoureux, mais cela semble plus marqué dans le cas de l'Académie Flosalpine. Le seul travail qui a fait l’objet d’une discussions et réfutation l'a été non sur des critères scientifiques, mais sur des critères religieux. L’abbé Sauret critique fortement le manque d’orthodoxie catholique et le parti pris en faveur des protestants de l'Histoire des guerres de religions dans les Hautes-Alpes, de l'archiviste Charronnet et se réjouit qu'une réponse lui a été faite par l'abbé Joubert. Je ne pense pas que Charronnet ait ensuite fait partie des défenseurs de cette Académie, lui, le premier chartiste des Hautes-Alpes, dont le travail n'a pas été discuté sur des critères de rigueur historique, mais sur des critères d'orthodoxie religieuse.
La mort de Mgr Depéry, le 9 décembre 1861, suivie du départ de l’abbé Sauret comme curé de Remollon a signé l'arrêt de mort de l’Académie. Après une dernière séance solennelle en juin 1863, qui bénéficie d'un ultime compte rendu, il ne semble plus y avoir d'activité.
Aujourd'hui, les seules traces de l'activité de cette Académie sont les 5 comptes rendus des séances solennelles. Malheureusement, à l'exception de celui de 1860, ce ne sont que des comptes rendus, avec reproduction des discours (des bons moments de littératures ecclésiastiques, voir ci-dessus), liste de travaux, avec quelques résumés. Dans celui de 1860, quelques travaux, comme dans n'importe quel bulletin de société savante, sont reproduits. La liste donne un bon aperçu de la nature des préoccupations et des auteurs. Sachant qu'il n'existe pas d’archives de l’Académie, cela est maigre comme bilan.
Pour le détail des travaux décrits dans les comptes rendus, voir la page que je leur consacre :
Ce billet est motivé par l'achat récent de quelques comptes rendus, qui me permet de posséder 4 des 5 fascicules existants. Cela me met au même niveau que la BNF, qui ne possède pas celui de 1863, mais mieux que le fonds dauphinois de la BMG, qui n'en possède que 3. Seul celui de 1860 semble avoir été plus largement diffusé car on le trouve aussi à l'Arsenal et à Chambéry. Seules les Archives départementales des Hautes-Alpes possèdent deux collections complètes, celle de la bibliothèque Roux de la Mazelière, un des membres de l’Académie et celle du fonds Guillemin. Pour ma part, il me manque celui de 1859. La description que j'en donne est fondée sur l'exemplaire numérisé de la BNF.
Séance générale d'inauguration. Statuts
fondamentaux et règlement intérieur.
Grenoble, Imprimerie
Maisonville, 1858
12 juillet 1859. Séance
solennelle de l'Académie flosalpine.
Gap, Delaplace, 1859
(exemplaire BNF)
Séance solennelle du 24 juillet
1860.
Gap, Delaplace, 1860
Séance solennelle du 25 juillet 1861.
Gap, Delaplace, 1861
Séance solennelle du 5 juin 1863.
Gap, Delaplace, 1861
Lien vers la collection numérisée des 4 premiers comptes rendus (Gallica) : cliquez-ici
Bibliographie de l'histoire de l'Académie :
- Le Dauphiné littéraire. Réunions et sociétés savantes, par F. d'Oscelon, in Revue du Dauphiné et du Vivarais, Tome IV, 1880, pp. 68-87 (pp. 84-86 pour l'Académie flosapline)
- Notice sur les sociétés littéraires et savantes des Hautes-Alpes qui ont précédé la S.E.H.A, par Edmond Hugues, in Bulletin de la Société d’Études des Hautes-Alpes, 1917, p. 85 à 120 ; 179 à 202 ; 271 à 297 (pp. 179-202 pour l'Académie flosalpine) : cliquez-ici.
- L'Académie flosalpine, par Alphonse Merle, in Bulletin de la Société d'Études des Hautes-Alpes, 1982, p. 33-34 : cliquez-ici.
- Quatre siècles d'enseignement secondaire à Embrun (Hautes-Alpes)(1585-1988), par Jean Vandenhove, Embrun, 1988, pp. 59-64.
Bibliographie des publications de l'Académie :
Bibliographie générale des travaux historiques et archéologiques publiés par les sociétés savantes de la France, dressé sous les auspices du Ministère de l'Instruction publique, Tome I, Ain-Gironde, par Roberte de Lasteyrie et Eugène Lefèvre-Pontalis, Paris, 1888, p. 67 : cliquez-ici.
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