mercredi 30 décembre 2009

Une reliure de Bauzonnet ?

Le très célèbre Antoine Bauzonnet, né à Dole le 14 septembre 1795, a fait son apprentissage d'abord chez le libraire Clerget à Poligny, puis chez Jean-Etienne Gauthier, libraire-imprimeur à Lons-le-Saunier, de 1812 à 1816. Comme beaucoup de libraires de l'époque, Jean-Etienne Gauthier devait avoir aussi une activité de relieur, afin de présenter les livres déjà reliés à ses clients. C'était un usage courant. Par exemple, dans le chapitre consacré au petit libraire de province, qui est passé du colportage à l'établissement fixe (Chapitre IV De la contrebande à la boutique), de son ouvrage Edition et Sédition. L'univers de la littérature clandestine au XVIIIe siècle, Robert Darnton détaille les coûts d'installation du libraire Gerlache à Metz dans les années 1770. Parmi les postes de dépenses, on trouve 300 livres pour du matériel de relieur. On imagine bien que, dans ces conditions, la reliure était modeste. Si l'amateur souhaitait une reliure plus personnalisée ou plus belle, il faisait appel à un relieur professionnel.

On comprend mieux maintenant comment Antoine Bauzonnet a pu être employé par Jean-Etienne Gauthier à l'orée de sa grande carrière de relieur.

C'est pour cela que je me plais à imaginer que la modeste reliure en basane qui couvre cet ouvrage édité par Jean-Etienne Gauthier en 1816 a été realisée par Bauzonnet à la fin de son apprentissage chez-lui.


On peut voir sur ce site qui lui est consacré à la bibliothèque de Dole que les réalisations de Bauzonnet auront une qualité et un éclat incomparablement supérieurs (Cliquez-ici).

Quelques exemples :



Pour finir, vous pourriez vous demander quel est le rapport entre ce message et la bibliophilie dauphinoise. Le fil est tenu, mais Jean-Etienne Gauthier est né au Noyer, dans les Hautes-Alpes (donc dans le Dauphiné) et appartient à une dynastie de libraires, partie de ce village, qui a été active à Bourg-en-Bresse, Lyon et Lons-le-Saunier entre 1770 et 1870, dynastie d'où sortira Jean-Albert Gauthier-Villars, fondateur des éditions de ce nom et père du fameux Willy.

En écrivant ce message, je pense doublement à un certain Bibliomane moderne. D'abord comme amateur de reliures, j'espère qu'il goutera le sel de cette attribution osée d'une modeste reliure au "grand" Bauzonnet, ensuite parce qu'il s'agit aussi d'un détour "biblio-généalogique", Jean-Etienne Gauthier étant un de mes très lointains oncles (je descends de sa sœur Rose Gauthier).

dimanche 27 décembre 2009

Une reliure art nouveau, en toile de jute, sur un ouvrage illustré d'Henri Ferrand : "Grenoble, capitale des Alpes françaises".


C'est sous cette présentation inhabituelle que l'on peut trouver un des beaux ouvrages illustrés d'Henri Ferrand :
Grenoble, capitale des Alpes Françaises, Grenoble, Jules Rey, 1911 (pour plus d'informations, cliquez-ici).





Un des premiers dans le Dauphiné, Henri Ferrand comprit tout le potentiel de la photographie pour assurer la promotion de la région. Avec les éditeurs grenoblois Alexandre Gratier et Jules Rey, il lança une collection de beaux ouvrages illustrés par la photographie, destinés à faire connaître les Alpes dauphinoises. Publiés entre 1899 et 1914, chez Alexandre Gratier et Jules Rey, puis chez Jules Rey seul, ces ouvrages sont surtout remarquables par la beauté des illustrations et la qualité des reproductions, dans une mise en page aérée et vivante. Les textes, souvent bien documentés, se veulent une description imagée du pays, avec quelques éléments d'histoire.

La première série d'ouvrage comprend :
- La Chartreuse (1899)
- Belledonne et les Sept Laux (1901)
- L'Oisans (1903)
- Le Vercors (1904)
Ces quatre ouvrage ont été regroupés en un seul, sous le titre : Les Alpes du Dauphiné.

Puis, il fit paraître :
- D'Aix-les-Bains à la Vanoise (1907), ouvrage qui a été regroupé avec Le Mont-Blanc, de D. Baud-Bovy (1903), sous le titre : Les Alpes de Savoie.
- Le Pays briançonnais (1909)

Enfin, il fit paraître, chez Jules Rey, désormais seul :
- Grenoble, capitale des Alpes françaises (1911)
- Le Mont-Blanc d'aujourd'hui (1912)
- La route des Alpes, françaises du Léman à la mer (1912)
- La Route des Pyrénées françaises, de la Méditerranée à l'Océan (1914)

En règle générale, toutes les photographies sont de Henri Ferrand.

Un exemple de la mise en page, avec cette photographie du contenu et de la présentation de cet ouvrage :

Autre exemple, avec le titre et quelques pages du Pays Briançonnais :


Autre exemple, avec le titre et quelques pages de L'Oisans :





Ces ouvrages se vendaient sous 3 formes :
- Broché : 25 fr.
- Cartonné toile : 30 fr.
- Relié amateur : 35 fr.
(Les prix sont ceux indiqués au 4e de couverture de cet ouvrage, qui présente les ouvrages édités par Jules Rey).

Un exemplaire broché : L'Oisans.

Un exemplaire cartonné toile : Grenoble


Un exemplaire relié amateur : Le Pays Briançonnais.


Pour ceux qui veulent mieux connaître Henri Ferrand, un des pionniers de la découverte des Alpes dauphinoises, j'ai enrichi la page que je lui consacre (cliquez-ici).

dimanche 20 décembre 2009

Miscellanées

Pour débuter, une petite plaquette comme je les aime.
Les Alpes Françaises. La Vallouise et le massif du Pelvoux. Récits d'excursions, par J.-B. Jouvin, de la Société des Excursionnistes Marseillais
Suivis de :
Ascension de la Barre des Ecrins, par A. Pellicé, de la Société des Excursionnistes Marseillais.
Le Mont Pelvoux, par Maurice Bourgogne, Secrétaire de la Section de Provence du C. A. F. et Membre de la Société des Excursionnistes Marseillais.
parue à Marseille en 1903 (pour plus d'informations, cliquez-ici).

Ce sont des récits d'excursions en montagne comme on en trouve beaucoup à cette époque, mélange de notations personnelles, de renseignements pratiques et de descriptions d'itinéraires. Le ton est volontiers poétique et choisi, voire légèrement lyrique et emphatique. Ces récits avaient aussi pour but de faire connaître les Alpes Dauphinoises à ses compatriotes marseillais, à une époque où la renommée de cette région restait encore à faire, en particulier vis-à-vis de la Suisse ou de la Savoie. Jean-Baptiste Jouvin était un photographe marseillais, qui a illustré cet ouvrage avec quelques unes de ses photographies.






Il y a 6 planches photographiques en pleine page, avec le verso blanc. Malgré les apparences, elles sont incluses dans la pagination. Seule une planche supplémentaire, représentant le lac de l'Eychauda, est hors texte. Elle est imprimée sur un papier différent, de moindre qualité. Les descriptions de la BMG (7 pl. h. t.) et de Perret (6 planches hors-texte) sont donc erronées. Preuve, s'il en est, que la bibliographie est une science, qui n'admet pas l'approximation. On en reparlera à la fin de ce message.

Autre plaquette, un
Eloge de Salvaing de Boissieu, par Henri Duhamel, prononcé à Grenoble en 1863 (pour plus d'informations, cliquez-ici). Ne pas confondre l'auteur avec Henry Duhamel, le célèbre alpiniste.


L'intérêt de ce texte est que c'est un bon exemple de la vision progressiste des élites grenobloises du milieu du XIXe siècle. On y retrouve de façon discrète l'éloge de la pensée des Lumières, avec la tolérance religieuse qui peut aller aller jusqu'à évoquer la séparation de l'Eglise et de l'Etat (p. 19). On y trouve aussi l'héritage de la Révolution, qui s'oppose à l'absolutisme royale, appelé même despotisme. Cependant, cet héritage révolutionnaire exclut les périodes les plus sombres de la Révolution. Comme souvent, l'éloge de cette grand personnalité dauphinoise est l'occasion de célébrer les qualités générales des Dauphinois. Que ce soit la finesse et la ténacité (p. 17), que ce soit la modération du Dauphiné, qui a su garder, à travers tous les événements de l'histoire (p. 33) sa liberté et son indépendance, on y trouve l'image d'une identité dauphinoise en cours de consolidation autour de l'idée d'une province à la tête des mouvements de progrès, sans "vaines agitations et stériles discordes".


Je profite de l'un des derniers messages de l'année pour présenter quelques lectures récentes.

Hautes-Alpes, dans la collection Encyclopédie Bonneton, excellent ouvrage de synthèse sur le département (Histoire, Art, Traditions, Langue et littérature, milieu naturel, Economie et société), bien illustrée.


Le chapitre rédigé par André Faure
Langue, sur l'alpin d'Oc (ce que d'autres appellent le provençal haut-alpin) est la meilleure synthèse sur le parler haut-alpin, avec une bibliographie très complète. Le chapitre de Christine Roux Litterature d'expression française présente en particulier les auteurs haut-alpins contemporains.


Autre lecture :
La Salle-les-Alpes, d'André Chalandon, ouvrage qui présente une collection de cartes postales anciennes sur ce village proche de Briançon.

Les notices de présentation sont complètes et documentées (ce qui n'est pas toujours le cas de ce type d'ouvrages) et les photos récentes permettent de prendre conscience de la transformation du paysage en une centaine d'années, surtout depuis le développement du tourisme et du ski alpin (la station de Serre-Chevalier est proche). Autre intérêt plus personnel pour moi, ce livre permet de voir le village d'origine de mon arrière-grand-mère, comme elle a dû le connaître. Sur cette carte postale, on voit la maison de son enfance (à droite au premier plan).

Cette vue moderne montre le changement :


Une lecture attentive m'a permis de découvrir un souvenir encore plus lié à l'histoire de ma famille.

Cette carte est signée d'Achille Gravier. A la ligne précédant sa signature, je lis "p. p. Denis Roux". Achille Gravier (1848-1929) avait épousé en 1874 la fille de Denis Roux et la sœur de mon arrière-grand-mère. Je comprends que ce 29 septembre 1877, Achille Gravier signait au nom de son beau-père Denis Roux, fabricant de laines, dont il devait gérer les affaires alors que celui-ci était peut-être déjà malade. En effet, Denis Roux est mort quelques semaines plus tard le 12 novembre 1877 à l'âge de 47 ans.

Pour finir ce message, la parution du numéro de 2 de la
Nouvelle Revue des Livres Anciens, excellent numéro contenant de nombreux articles érudits :


J'ai particulièrement apprécié l'article de Ségolène Beauchamp,
Entretiens autour de l'utilité méconnue du bibliographe. Ce n'est pas moi qu'il faut convaincre de l'intérêt de la bibliographie. Mon travail sur le site Bibliothèque-Dauphinoise n'est qu'une illustration du propos de l'auteur. Je me suis particulièrement reconnu dans le dernier paragraphe : La saveur du partage de connaissance, où elle appelle de ses vœux "le partage des savoirs chez les bibliophiles". N'est-ce pas ce que je fais ?

dimanche 13 décembre 2009

"Le Casset"", par Charles-Henri Contencin

Ce jour, ce n'est pas un livre que je présente, mais un tableau (on verra que je reviendrai vite aux livres). C'est un petit tableau de Charles-Henri Contencin, daté d'octobre 1940, qui représente le village du Casset, dans la vallée de la Guisane (entre Briançon et le col du Lautaret), rattaché à la commune de Monetier-les Bains.


Sur ce célèbre peintre de montagne, le mieux est de reproduire la notice biographique extraite de cet ouvrage de référence : Cent ans de peinture de montagne. 1898-1998, sur le centenaire de la Société des Peintes de Montagne.

La notice la plus complète que j'ai trouvée :

Allant plus loin, j'ai eu envie de retrouver Le Casset dans mes livres sur le Dauphiné et les Hautes-Alpes.

La première représentation du Casset est probablement cette lithographie de Victor Cassien :

Elle est extraite de l'
Album du Dauphiné, 1835-1839 (pour plus d'informations sur l'Album du Dauphiné, cliquez-ici).



L'église est la même, avec la Guisane qui la longe, mais le point de vue est différent.


Poursuivant mes investigations, et remontant dans le temps, je retrouve ce passage de William Brockedon dans Illustrations of the Passes of the Alps, dont la première édition a paru entre 1827 et 1829, récit d'un voyage de l'été 1824 (pour plus d'informations cliquez-ici).

Cette vue prise dans la vallée de la Guisane est en direction du Casset :

Dans le chapitre, Route from Turin to Grenoble by the Pass of the Mont Genèvre, page 25, il précise « Le Casset, is near the foot of the Glacier de Lasciale, which descends from the Mont d'Arcines ». Il est donc clair que le Mont d'Arcines est l'actuel montagne des Agneaux et le glacier de Lasciale est le glacier du Casset qui devait alors descendre beaucoup plus bas.

Une vue prise cet été depuis Le Casset :



Sur la photo complétée ci-dessous, la flèche rouge indique le bas du glacier du Casset. La flèche verte montre la moraine poussée par le glacier lors de la dernière poussée du Petite Age Glaciaire (PAG). Le glacier aujourd'hui est loin du Casset. En 1824, on était au maximum de la poussée.


Pour le massif des Ecrins, ces notations sur le développement des glaciers sont particulièrement précieuses, car, à la différence du Massif du Mont-Blanc, la poussée du PAG est particulièrement mal documentée, que ce soit par le texte que par l'image. On est loin de la qualité de la documentation sur les avancées de la Mer de Glace depuis le XVIIIe siècle.

Remontant encore dans le temps, dans Noms, situation et détails des vallées de la France le long des grandes Alpes dans le Dauphiné et la Provence et de celles qui descendent des Alpes en Italie depuis la Savoye jusqu'à celle de Saint-Etienne au comté de Nice, du marquis de Pezay,1793, le Casset est nommé comme point de départ pour le col d'Arsine qui permet de passer de la vallée de la Guisane à la vallée de la Romanche, comme alternative au passage par le Lautaret (p.24)(pour plus d'informations cliquez-ici).


On voit distinctement Le Casset sur cette carte qui illustre le Voyage d'inspection de la frontière des Alpes en 1752, par le Marquis de Paulmy, publié en 1902 par Henry Duhamel. La route qui en part pour le col d'Oursine (Arcine) est clairement indiquée.


La carte générale, dont est extraite cette image :



Pour finir, le Casset sur la très belle Carte géométrique du Haut-Dauphiné, par Bourcet, levée de 1749 à 1754 (pour plus d'informations cliquez-ici).


extrait de la planche IV :

Vous me direz, à quoi ressemble Le Casset aujourd'hui ? Voici une image du Casset sous la neige :



Du site : www.meteo-chamonix.org

dimanche 6 décembre 2009

Un velin doré sur un ouvrage de 1600, entièrement réglé.

Le message du jour débute plutôt sur la dimension bibliophilique de l'ouvrage. Il s'agit effectivement d'un velin doré souple, orné d'un beau fleuron doré sur les plats.


Il recouvre une ouvrage anonyme de 1600 :
Plaidoyez pour le Tiers Estat du Dauphiné. Au Procez qu'il a pardevant le Roy, & Nosseigneurs de son Conseil privé. Contre les deux premiers Ordres dudit Pays.
Publié chez Jean le Blanc à Paris en 1600 (pour voir la notice complète : cliquez-ici).

C'est un exemplaire entièrement réglé.

Il s'agit d'un plaidoyer d'Antoine Rambaud, de Die, dans le procès des Tailles qui agita le Dauphiné pendant presque un siècle, de la moitié du XVIe siècle jusqu'en 1639, date du dernier arrêt.

L'enjeu de ce procès était l'assiette de la taille, le principal impôt royal. Elle pouvait dépendre du statut de la terre sur laquelle elle était assise. C'était la taille réelle, dont étaient exemptées les terres nobles. Elle pouvait dépendre du statut de la personne. C'était alors la taille personnelle, dont étaient exemptés les nobles. Le Dauphiné était sous le statut de la taille personnelle. On comprend donc qu'à partir du moment où un noble achetait une terre assujettie à la taille, elle s'en trouvée exemptée et le poids de l'impôt portait sur les autres terres. A ces époques où les nobles consolidaient leur fortune par la rente foncière en achetant des terres roturières, le poids de la taille devenait progressivement intolérable pour les roturiers (le Tiers-Etat). Tout l'enjeu du procès est de passer de la taille personnelle à la taille réelle. On voit l'enjeu financier, mais aussi l'enjeu de pouvoir d'un tel procès.

Le conflit entre le Tiers-Etat et les ordres privilégiés était latent depuis la moitié du siècle. Les révoltes populaires de l'année 1580 marquèrent encore plus l'urgence de la situation. Le véritable point de départ du procès des Tailles fut l'audience accordée par Henri IV le 19 septembre 1595 aux représentants du Tiers-Etat du Dauphiné. Ils obtinrent de faire trancher le procès par le Conseil privé du Roi et non par les Etats de la Province. A partir de ce moment-là, le Tiers-Etat s'organisa et, lors de l'Assemblée de Saint-Marcellin, en octobre 1597, il se choisit trois représentants : Claude de Lagrange, de Saint-Marcellin, Jean Vincent, de Crest, et Antoine Rambaud, de Die, tous trois hommes de loi. Chacun publia des plaidoyers en faveur de la cause du Tiers-Etat :
- Claude de Lagrange : La juste Plainte et remonstrance faite au roi et à nosseigneurs de son Conseil d'estat par le pauvre peuple de Dauphiné, Lyon, 1597.
- Jean Vincent : Discours en forme de plaidoyé pour le tiers estat de Dauphiné, Paris, 1598.
- Antoine Rambaud : Plaidoyé pour le tiers estat du Dauphiné, Paris, 1598 (pour la première édition).

Ils obtinrent un premier arrêt du Conseil d'Etat le 15 avril 1602 qui révoquait les anoblissements antérieurs à 1598 et restreignait les exemptions fiscales, mais maintenait l'exemption de la taille pour les deux premiers ordres. Demi-victoire, qui amena le Tiers-Etat à maintenir sa pression, sous la direction de Claude Brosse. Véritable meneur du combat qui conduisit enfin à obtenir gain de cause, Claude Brosse fut même incarcéré quelques mois en 1631. La victoire finale fut obtenue par deux arrêts des 31 mai 1634 et 24 octobre 1639, qui déclarèrent la taille réelle en Dauphiné et prescrivirent l'établissement d'un cadastre.

Ce procès, que seul le pouvoir royal a su dénouer, marque une étape fondamentale dans le renforcement de l'emprise du pouvoir royal et centralisé sur le Dauphiné. C'est une des deux ruptures majeures dans le lent processus d'intégration du Dauphiné au royaume de France. D'un statut préservé et garanti par le Statut Delphinal lors du transport du Dauphiné à la France en 1349, le premier empiètement fut l'ordonnance d'Abbeville, en 1540, qui étendait au Dauphiné l'application des ordonnances émises par le pouvoir royal (voir l'ouvrage Ordonnances d'Abeville).


Ce procès des Tailles fut le deuxième empiètement. Le coup de grâce du Statut delphinal fut la Révolution française qui fit disparaître totalement les quelques libertés provinciales difficilement préservées. Dans ce contexte de menaces pesant sur le Satut Delphinal, une nouvelle édition largement diffusée en a été publiée à Grenoble en 1619, en plein procès des tailles (voir l'ouvrage Statuta Delphinalia, édition de 1619).




La première édition du plaidoyer d'Antoine Rambaud a paru à Paris en 1598. Cette édition est la troisième. Elle est complétée de lettres et d'un second plaidoyer.

D. Hickey apporte quelques éléments sur les lettres et le second plaidoyer (pp. 110-110) : "Selon ses biographes, Rambaud avait acquis une réputation de polémiste toujours prompt à croiser le fer, opinion que confirment aisément ses écrits sur la question de la taille. Dans son Plaidoyé pour le tiers estat du Dauphiné rédigé en 1599 (sic), il dénonçait les autorités judiciaires dauphinoises comme des "hypocrites", "comme des enfleures en un corps malade vivant comme des demis-dieux, comme des Lucullus : bastissant comme des Crassus et parlant comme des Catons"; n'ayant "autre objet que leur utilité particulière, ni d'autre but que de s'enrichir, le plus souvent au préjudice du public", ils avaient selon lui "des gages excessifs" et " ne sont équitables en leurs jugements"; il ajoute encore que, "sans eux le monde serait plus heureux...". Les ordres privilégiés exploitèrent rapidement ces débordements verbaux et accusèrent Rambaud d'agir comme "un boutefeu", attaquant l'intégrité de la justice royale et tentant de fomenter une révolte afin d'établir un "état populaire" dans la province. Dans une série de lettres ouvertes et dans son Second plaidoyé, Rambaud fut forcé de se rétracter sur ce point ainsi que sur d'autres accusations.

L'ouvrage de référence sur le procès des Tailles est cette étude de l'historien canadien David Hickey, d'abord parue en anglais :
Le Dauphiné devant la monarchie absolue : le procès des tailles et la perte des libertés provinciales, 1540-1640. Presses Universitaires de Grenoble, 1993.