samedi 15 janvier 2011

Des fragiles témoins de la Résistance dans les Hautes-Alpes : Maquisards et Gestapo, de Richard-Duchamblo

La guerre à peine terminée, le père Joseph Richard (1906-2003), Duchamblo en Résistance, entreprit un travail de mémorialiste sur la Résistance dans les Hautes-Alpes. Il partit à la recherche des témoins, recueillit les récits et témoignages, recoupa les informations et publia une suite de courts récits et biographies à propos des principaux personnages et faits de ces années sombres. Aidé des frères Guibaud-Ribaud, autres résistants et imprimeurs, il livra au public le résultats de ses investigations dans une série de brochures, ou cahiers pour reprendre son terme, qu'il fit paraître entre 1946 et 1949, sous le titre Maquisards et Gestapo.
C'est la collection complète de ces 19 cahiers qui vient de rejoindre ma bibliothèque.


Il s'agit essentiellement de courts récits sur des faits d'armes de la Résistance et de biographies de nombreuses personnalités qui se sont révélées lors de cette période, y compris les personnalités troubles qui ont préféré collaborer avec la Gestapo et dénoncer des Résistants. Les 4 derniers cahiers sont plus particulièrement consacrés à la Libération de Gap en août 1944.

Quelques personnalités locales font l'objet de développements plus importants. Un cahier spécial est consacré à Paul Héraud, le commandant Dumont en résistance. Autre figure marquante, véritable chevalier des Temps modernes qui mit son énergie au service de prisonniers de Guerre, le commandant Mauduit, fondateur de "La Chaîne" au château de Montmaur.

Ces histoires de la Résistance dans les Hautes-Alpes se caractérisent par le ton très personnel de l'ensemble. L'auteur n'hésite pas à émettre des jugements de valeur, tout aussi bien positifs sur les grandes figures de la Résistance locale ou sur les modestes acteurs qui ont œuvré dans l'ombre, que négatifs, voire accusateurs, sur les personnalités sombres de cette période, dont il cite même le nom. Cependant, il s'abstient de tout jugement politique. Les luttes d'influence politique qui ont eu lieu dans d'autres régions semblent absentes des Hautes-Alpes, à moins que Richard-Duchamblo ait préféré les taire. L'ensemble de son travail lui donne plus une qualité de témoin ou de mémorialiste, que d'historien à proprement parler, rôle qu'au demeurant il ne revendique pas. Il eut souvent à se justifier de son travail. Il rapporte même : "Des amis ont, avec insistance, cherché à nous décourager. Mi-plaisant, mi-sérieux, l'un d'eux nous a dit : "Vous serez pendu à un réverbère". Simple boutade, nous l'espérons." Ces quelques mots placés en exergue de son récit de la Libération de Gap laissent pressentir les pressions qu'il a subies et les rancœurs qu'il a réveillées.

Vous trouver une description complète des 19 cahiers sur mon site : cliquez-ici.

Quelques couvertures :





Cette collection complète est particulièrement rare. En dehors des Hautes-Alpes, seule la Bibliothèque de l'Institut d'histoire du temps présent (IHTP) la possède. On ne trouve aucune collection complète au CCFr. Même le fonds dauphinois de la Bibliothèque Municipale de Grenoble ne possède que quelques cahiers. Il faut aller dans les Hautes-Alpes pour trouver des collections complètes, à la bibliothèque municipale de Gap, aux Archives départementales des Hautes-Alpes et à la bibliothèque de la Société d'Etudes des Hautes-Alpes.

Une telle rareté s'explique aisément. Les tirages ont été faibles, puisqu'ils ont été financés par l'imprimeur lui-même. A chaque cahier, la parution du suivant restait aléatoire. La qualité de l'impression se ressent de cette précarité. Le papier est de mauvaise qualité, les reproductions photographiques sont médiocres. Par économie, l'impression du texte se continue parfois jusque sur la couverture elle-même. Mais c'est aussi cela qui donne du prix à cet ensemble. A ma connaissance, il n'existe pas d'ouvrage de synthèse sur la Résistance dans les Hautes-Alpes, rendant le travail de Richard-Duchamblo d'autant plus précieux.

Pour finir, il a illustré la dernière couverture du premier cahier d'une photo de lui-même, assez humoristique, où l'on voit les deux personnalités de Joseph Richard : l'abbé Richard et le résistant Duchamblo.


3 commentaires:

Hugues a dit…

Superbe, émouvant... désirable...
Hugues

Benoît a dit…

Que dire de plus... Magnifique. Une pièce d'histoire contemporaine, avec la manière, le panache, le souvenir... Assurément un très bel ensemble, presque muséal...

Anonyme a dit…

Pouvez-vous mettre un lien Facebook ?