lundi 24 août 2015

A la poursuite des exemplaires des Mémoires de Nicolas Chorier.

Au milieu des années 1840, un magistrat érudit, Ludovic Vallentin, déniche un lot de vieux papiers chez un débitant de tabac de Grenoble. Dans ce lot, il a la chance de mettre la main sur rien moins que les mémoires de Nicolas Chorier, cet homme doublement célèbre chez les Dauphinois et les amateurs de lecture érotique (qui peuvent être les mêmes !). Rappelons qu’au premier titre, il est l’auteur de la première Histoire de Dauphiné (2 volumes, 1661 et 1672), d’un Estat poltique de Dauphiné avec son Nobiliaire, etc. Il avait probablement besoin de distraction au milieu ces occupations fort sérieuses, puisque au même moment, il publie anonymement un ouvrage érotique très célèbre : l’Aloisiæ Sigeæ ou l’Académie de Dames. Ses mémoires promettait des informations précieuses sur la vie de cet érudit, sur la société grenobloise et dauphinoise du milieu du XVIIe siècle et, peut-être, de lui attribuer définitivement cette œuvre érotique. Ces mémoires écrits en latin, adressés par Nicolas Chorier à son fils Pierre-Laurent, couvrent la période 1619 à 1681, en s'arrêtant brusquement à cette date. Ils portent le titre : Nicolai Chorerii Viennensis J. C. Adversariorum de vita et rebus suis libri III. C'est un document important sur la société grenobloise et dauphinoise du milieu du XVIIe siècle. On y croise les principales personnalités qui se sont illustrées dans les lettres ou la politique : Guy Allard, Guy Basset, Pierre de Boissat, Denys Salvaing de Boissieu, Laurent de Bressac, Etienne Le Camus, Samuel Guichenon, Charles de Créqui, duc de Lesdiguières, Jean Nicolas, etc.

C’est Hyacinthe Gariel, de la Bibliothèque Municipale de Grenoble, qui prend en charge la transcription du texte et sa présentation devant la Société de Statistique des Sciences naturelles et des Arts industriels du département de l'Isère, lors de la séance du 4 avril 1846. Ludovic Vallentin prend en charge, pour sa part, la rédaction des courtes notices biographiques des personnalités citées dans l’ouvrage. Tout cela est alors publié dans le Tome IV du Bulletin de la Société en 1846. Tout était en bonne voie pour préparer un tiré à part de ce texte. Haycinthe Gariel et Ludovic Vallentin s’attellent à la tâche. L’impression est assurée par l’imprimeur Prudhomme de Grenoble. Tout semble prêt. Il ne reste plus qu’à faire imprimer le titre et le faux titre, rédiger une préface et on pourra alors disposer d’un de ces beaux ouvrages d’érudition dont le XIXe siècle a eu le secret. Mais les choses ne se passèrent pas ainsi. Écoutons Roger Vallentin du Cheylard, le fils de Ludovic, nous raconter la suite de l’histoire :
« Le chiffre du tirage à part du Bulletin de la Société de Statistique de l'Isère (année 1848) n'a pas dépassé 50 exemplaires. […]. Gariel qui avait présenté les Adversaria à cette Société devait surveiller la correction des épreuves du texte, mais ses multiples occupations lui laissaient peu de loisir et la mauvaise volonté de l'imprimeur fut telle que le titre ne fut jamais composé. […] Ce volume est d'une extrême rareté. Les collectionneurs dauphinois le possédant sont fort peu nombreux. »

On parlait alors de seulement de « trois ou quatre exemplaires qui auraient, seuls, été épargnés en faveur d'amis de M. Vallentin ou de M. Gariel. » En réalité, comme le rapporte le rédacteur de la notice du catalogue Perrin : « le galetas de M. Gariel [en a] finalement rendu quelques autres encore, il y a deux ans. »

En définitive, nous ne savons pas combien d’exemplaires existent de cette édition inachevée, puisque sans titre ni faux titre. Il est donc tentant de partir à la chasse des exemplaires existants. Le message d’un lecteur fidèle de mon blog, qui me signale un exemplaire récemment entré dans sa bibliothèque, m’a conduit à mettre à jour mon inventaire. On voit que l'on dépasse déjà le chiffre de 3 ou 4 avancé initialement.

Aujourd’hui, à ma connaissance (mais peut-être que ce message me permettra d’en faire émerger d’autres soigneusement et précautionneusement gardés dans quelques bibliothèques), les exemplaires actuellement identifiés et localisés sont :
- BNF : 8-LN27-4311, qui complète le titre avec : "Gariel in lucem edidit, cum notis Ludovici Vallentin" et donne la description suivante : Grenoble, imprimerie de Prudhomme, 1853.
- BMG, Fonds dauphinois : O.9746.
- Bibliothèque Universitaire de Grenoble Droit/Lettres : B1058 (exemplaire numérisé).
- Exemplaire sur papier vélin vert de la bibliothèque Chaper, bien relié en veau glacé vert (exemplaire de ma bibliothèque personnelle) :



- Exemplaire sur papier vélin jaune, en feuilles (exemplaire de ma bibliothèque personnelle) :


- Exemplaire en collection privée, complété de corrections, d'une lettre, de feuillets manuscrits et blancs interfoliés.

Il existe aussi des exemplaires cités, mais non localisés :
- Catalogue Perrin, exemplaire sur papier de Hollande : n° 196, avec un long commentaire
- Exemplaire Péricaud, passé dans la bibliothèque Roger Vallentin du Cheylard.
- Exemplaire de la bibliothèque Coste : Catalogue de la bibliothèque lyonnaise de M. Coste,..., Première partie, par Aimé Vingtrinier, Lyon, 1853 : n° 18571, p. 785. Il est précisé : « sans frontispice ».

La chasse est ouverte !

Pour ceux qui se demandent comment j’ai moi-même déniché 2 exemplaires de cet ouvrage rare, je vous livre ces quelques informations de provenance.
L’exemplaire sur vélin vert de la bibliothèque de Chaper provient d’une vente aux enchères en 2004, expert Pierre Berès. C'est d’ailleurs sa dernière vente comme expert. Il avait alors plus de 90 ans.
L’exemplaire sur vélin jaune provient tout simplement de mes chines dans les caisses de plaquettes en tous genres et en vrac d’un libraire lors du Salon du régionalisme alpin de Grenoble.

Pour plus d’informations sur cet ouvrage, reportez-vous à la page que je lui consacre en cliquant ici. Vous y trouverez les liens vers les exemplaires numérisés, ainsi que le lien vers la traduction en français de ces mémoires.

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