Je m'intéresse ce week-end à une personnalité bien oubliée aujourd'hui . Louise Drevet, née Marie-Louise Chaffanel (Grenoble 1835-1898) fut un femme de lettres très active et prolifique dans le dernier tiers du XIXe siècle à Grenoble.
Elle s'était donnée pour but de faire connaître le Dauphiné et toutes les illustrations de la province. Ce fut d'abord par la création d'un journal avec son mari Xavier Drevet (1830-1904), Le Dauphiné, dont le premier numéro a paru le 15 mai 1863. Cet hebdomadaire voulait mieux faire connaître le Dauphiné aux touristes, en particulier à tous ceux qui venaient prendre les eaux dans les stations thermales comme Uriage. Il contenait aussi des chroniques mondaines et des articles sur l'histoire locales, dont beaucoup ont été tirés à part. Le frontispice a été dessiné par Diodore Rahoult.
Revenons à Louise Drevet. Elle ne s'est pas contentée de rédiger une chronique hebdomadaire dans Le Dauphiné, sous le pseudonyme de Léo Ferry. Elle écrivit un nombre considérable d'ouvrages romanesques, rassemblés sous le titre de Nouvelles et légendes dauphinoises. Répertorier tous les titres n'a jamais été fait et je ne me suis pas lancé dans cette tâche. D'autant plus qu'il y a eu de multiples rééditions, qui manquent souvent dans les bibliothèques publiques, même à la BNF et dans le fonds Dauphinois de la Bibliothèque Municipale de Grenoble. Le nombre de titre avoisine la soixantaine.
Dans ces nouvelles, Louise Drevt veut faire revivre les vieilles légendes du Dauphiné et faire connaître sa province natale. Comme l'a si bien dit son unique (et fervent) biographe, Henri Jacoubet, elle cherche à "animer le pays qu'elle décrit, rendre la vie à son histoire, repeupler la terre en ressuscitant son passé." Par sa volonté de faire revivre les anciennes légendes du Dauphiné, et par le ton romanesque qu'elle sut donner à tous ses ouvrages, elle fut appelée le Walter Scott du Dauphiné.
On se rend mal compte du succès qu'elle eut en son temps. Elle profitait aussi de ce que son mari avait adjoint une activité d'éditeur à celle de directeur de journal. Elle n'eut dons jamais à se préoccuper de l'édition de ses ouvrages. Son fils Xavier Drevet continua d'éditer pieusement les ouvrages de sa mère, permettant que sa renommée perdure jusque dans la première moitié du XXe siècle.
Aujourd'hui, elle est bien oubliée et seuls quelques passionnés de la chose dauphinoise s'intéressent encore à elle. Paradoxalement, ses ouvrages sont difficiles à trouver aujourd'hui et ils ne se trouvent quasiment jamais en condition bibliophilique. J'ai tout de même réussi à en rassembler quelques uns que j'ai décrit ce week-end :
Le Saule. – L'incendiaire. – Philis de la Charce.
Le porteballe de l'Oisans
Dans le Briançonnais. Colombe. Nouvelle édition.
En diligence de Briançon à Grenoble par le Col du Lautaret. Nouvelle Edition.
Je vais m'intéresser plus particulièrement aux deux premiers.
La nouvelle Philis de la Charce est une version romancée de la vie de Philis de la Charce (1645-1703), célèbre héroïne dauphinoise qui aurait arrêté les troupes du duc de Savoie au col de Cabre en août 1692, permettant aux Français de reprendre l'initiative et de chasser l'ennemi du territoire qu'il venait de dévaster. Ecrit en 1870, le ton est clairement patriotique. L'ouvrage débute ainsi : "Aux heures terribles où nous sommes, alors que la Patrie en danger appelle auprès d'elle tous ses enfants et réclame tout leur dévouement comme tout leur amour, il importe de citer les traits d'héroïsme qui, à des moments moins néfastes mais aussi solennels, décidèrent du salut du pays." (p. 73).
Le trait d'héroïsme de Philis de la Charce reste discuté, jusqu'à mettre en doute l'existence même du contact avec l'ennemi au col de Cabre. Les érudits se sont partagés entre les anti-Philis et les pro-Philis. Les esprits plus nuancés peuvent se ranger dans la catégorie des si-... La Charce (non, je n'ai pas osé !). Revenons à notre auteure. Louise Drevet se range clairement et sans états d'âme dans le camp de ceux qui croient en l'action décisive de Philis de la Charce, la "Jeanne d'Arc du Dauphiné". Cet ouvrage n'est qu'une version romancée de la vie de Philis de la Charce, mais elle est particulièrement bien documentée.
L'autre ouvrage :
C'est le récit romanesque et dramatique de la vie de deux colporteurs de l'Oisans (Villard-Raymond) dont l'un se consacre à la mercerie et l'autre au colportage lointain des plants de fleurs. Ce qui est plus étonnant est de voir la critique très favorable qu'en font C. Robert-Müller et André Allix dans leur ouvrage de référence, Les colporteurs de l'Oisans, paru en 1925 : "Le colporteur de l'Oisans, maintenant à peu près disparu, a vers la fin du second Empire, à la belle époque, fourni la matière d'un petit roman, aujourd'hui injustement oublié, Le Porte-Balle de l'Oisans, par Louise Drevet. Les épisodes de fantaisie qui en font l'intérêt sentimental sont brodés sur une trame de vérité. On y voit le colporteur hardi qui va faire fortune en Amérique du Sud avec le commerce des fleurs, et qui après une foule d'aventures revient au pays, ruiné par un naufrage. On y voit aussi le colporteur timide, le gagne-petit; il commence avec une balle de pacotille, approvisionnée de cotonnades peintes par l'imprimerie sur étoffes disparue en 1867 ! - de MM. Périer à Vizille; et arrondit lentement son petit magot par des tournées pédestres à travers le centre de la France. Une photographie prise et publiée en frontispice par M. Xavier Drevet, fils et éditeur de la romancière, est peut-être le seul document qui rende aujourd'hui l'aspect de ces porte-balle d'autrefois."
La photo en question :
Bonne illustration de la démarche de Louis Drevet, cette nouvelle est aussi l'occasion d'expliquer la légende de la "Pierre au Mercier", dans le massif de Belledonne. Considérée comme une sépulture, l'usage veut que chaque passant y ajoute une pierre. Pour plus de renseignements, voir ce document pdf (p. 29) : cliquez-ici.
Voilà, j'espère par ces quelques lignes avoir fait revivre une de nos oubliées du Dauphiné.
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