dimanche 31 janvier 2010

Le père Para du Phanjas (1724-1797)

Le père Para du Phanjas est un jésuite du XVIIIe qui a laissé une œuvre abondante tant de la domaine de la philosophie que dans celui des mathématiques et de la physique.


François Para est né à Chabottes (Hautes-Alpes), au hameau du Fangeas, le 15 février 1724, fils de François Para, marchand, cultivateur et châtelain de Chabottes et de Catherine Faure. Dès la publication de son premier ouvrage, en 1767, il prit le nom de Para du Phanjas, nom sous lequel il est passé à la postérité. On voit bien que la forme "Phanjas" permet de faire oublier l'étymologie transparente de "Fangeas", qui sentait trop son terroir. Pour ne pas en rester là, depuis que Michaud a rapporté dans sa
Biographie universelle qu'il était né au château du Phanjas, cela a été repris par tous les dictionnaires biographiques. En réalité, sa maison natale n'est qu'une grosse ferme, située au-dessus de Chabottes. Voilà comment on écrit l'histoire ! Quant au titre de châtelain de son père, il ne doit pas induire en erreur. Le châtelain était le représentant local du seigneur dans la communauté. C'est un preuve de notabilité et non de noblesse.

Acte de baptême de François Para, dit le père Para du Phanjas

Elève au collège des jésuites d'Embrun, il est reçu novice dans la compagnie de Jésus le 16 septembre 1742. Il est ensuite professeur de philosophie à Embrun, Marseille, Grenoble et Besançon. Il fonde dans cette ville un cours de philosophie. Après la suppression de l'ordre, en 1764, il se fixe à la maison de la Madeleine à Paris. Il fréquente le cercle de Madame Adélaïde, la tante du roi. Il meurt à Paris le 7 août 1797

Il laisse une œuvre extrêmement importante. Parcourons quelques une de ses productions à travers quelques ouvrages de ma bibliothèque.

Son premier ouvrage est un traité de philosophie, publié à Besançon en 1767 :
Eléments de métaphysique sacrée et profane ou Théorie des êtres insensibles.


Selon F. Allemand, "le philosophe eut toujours pour cette première œuvre une préférence marquée sur toutes ses autres. Il ne cessa toute sa vie de la revoir, de la développer, de l'améliorer". C'est ainsi que ce livre a fait l'objet d'une deuxième édition revue et augmentée, au titre inversé :
Théorie des êtres insensibles ou cours complet de métaphysique sacrée et profane mise à la portée de tout le monde, Paris, Cellot Jombert, 1779, 3 volumes, in-8°. C'est d'ailleurs dans ce dernier que se trouvent les pages sur ses premières années, où il évoque son pays natal et ses parents (voir à la fin du message). L'abbé Para aurait prédit la Révolution dans cet ouvrage.

Il en existe une édition chez Jombert, à Paris, à la même date de 1767, qui n'est probablement qu'un rhabillage, avec un nouveau titre, de l'édition originale de Besançon.



En 1763, il fait aussi paraître son cours au collège de Besançon :
Principes de calcul et de la géométrie, ou éléments de mathématiques. Une 3e édition a paru en 1783 chez Jombert, à Paris : Principes du calcul et de la géométrie ou Cours complet de mathématiques élémentaires, mises à la portée de tout le monde.Troisième édition, augmentée et perfectionnée.


En 1772, étendant son champ d'action, il s'intéresse à la physique. Il fait alors paraître, toujours chez Jombert à Paris, un ouvrage en 4 volumes :
Théorie des êtres sensibles ou Cours complet de physique spéculative, expérimentale, systématique et géométrique, mise à la portée de tout le monde. Quelques années plus tard, en 1786, il en donne une nouvelle édition, complétée d'un 5e volume : Théorie des nouvelles découvertes en genre de Physique et de Chymie, pour servir de supplément à la Théorie des Etres Sensibles, ou au cours complet & au cours élémentaire de physique.




Ces derniers ouvrages contiennent tous des planches. Un exemple, qui rappellera un bon souvenir à tous ceux qui ont "séché" sur la géométrie à l'école :



Parmi les autres titres de sa bibliographie, on peut citer ces autres ouvrages, témoignage de la diversité de ses talents et intérêts :
-
Les principes de la saine philosophie conciliés avec ceux de la religion, ou La philosophie de la religion, par l'auteur de la "Théorie des êtres sensibles", Paris, Jombert, 1774.
-
Tableau historique et philosophique de la religion depuis l'origine des temps et des choses jusqu'à nos jours, par l'auteur de la "Théorie des êtres sensibles", PAris, Cellot, 1784.
Tous ses ouvrages ont fait l'objet de nombreuses éditions qu'il est parfois difficile d'identifier. Il existe une bibliographie relativement complète dans la
Bibliothèque des écrivains de la Compagnie de Jésus, par Augustin et Aloïs De Backer, Liège, 1859 (tome V, pp. 568-570)

J'ai gardé ce dernier titre pour la fin, preuve que ce grave personnage n'hésitait pas à taquiner la muse pour se délasser :
Odes, chants lyriques et autres bagatelles fugitives, par l'auteur de la T.D.E.S, Paris, Jombert, 1774.

C'est un de mes rêves de bibliophile de trouver ce petit ouvrage dans une belle condition.

Issu d'une famille de cultivateur aisé des Hautes-Alpes, il est l'exemple même de l'ascension sociale que permettait la carrière ecclésiastique. Loin de l'image misérabiliste d'une paysannerie pauvre et illettrée, l'histoire personnelle du père Para est la preuve qu'avant le Révolution, les campagne françaises abritaient une paysannerie aisée et notable, qui arrivait à pousser ses enfants vers des carrières prestigieuses. Un destin assez similaire est celui de Marmontel, qui venait d'un milieu comparable, peut-être un peu plus modeste, à qui une carrière ecclésiastique, certes abandonnée, permit de se constituer le bagage culturel qui lui ouvrit les portes de la littérature et de la renommée. Au passage, je conseille la lecture de ses mémoires. L'image qu'il donne de ses parents est comme un écho au texte que je reproduis ci-dessous.

Mon intérêt pour le père Para du Phanjas est double. C'est d'abord parce qu'il s'agit d'une des rares illustrations haut-alpines, qui ait laissé son nom dans la production littéraire, au sens large, du XVIIIe. Ensuite, je l'ai croisé dans mes recherches généalogiques sur ma famille maternelle. En effet, je descends d'une sœur du père Para, Madeleine Para, épouse de Dominique Gauthier. Dans la même descendance, on trouve aussi la famille Gauthier-Villars et son plus célèbre rejeton, Henry Gauther-Villars, dit Willy.

Pour finir, ces quelques mots du père Para sur son pays natal et ses parents dans la préface de la
Théorie des êtres insensibles, édition de 1779.

« Champêtre vallon qu'arrose et divise le Drac, à peine échappé de ses sources montueuses et déjà impétueux et incoercible, riantes prairies de Chabottes et de la Plaine, délicieux coteau du Fanjas, lieux charmants où mes yeux se sont ouverts pour la première fois à la lumière.

« Là s'est formée paisiblement ma tendre enfance, sous les yeux d'une mère chérie qui n'est plus depuis longtemps, mais qui fut toujours le modèle des épouses et des mères, un rare exemple de toutes les vertus sociales et chrétiennes, le cœur le plus sensible et le plus bienfaisant pour les pauvres et les malheureux ; sous les yeux d'un père également chéri, que l'implacable mort vient d'enlever récemment à l'affection de sa famille désolée, et qui fut toujours le tendre ami de ses enfants, les délices de tous ses amis, la lumière et le conseil de ses voisins et de ses compatriotes, et souvent même leur arbitre et leur juge par la seule autorité que donne la réputation d'intelligence, jointe à celle de droiture et de probité.

« Chère patrie, terre natale, ton image est toujours empreinte dans mon esprit ; ton souvenir intéresse toujours mon cœur. L'espoir de te revoir un jour offre à mon âme attendrie une perspective toujours riante, toujours délicieuse. »

Deux vues de Chabottes glanées sur le Net :


Sur cette dernière photo, on distingue le Fangeas :


3 commentaires:

Anonyme a dit…

je suis habitant du fangeas et decendant de la famille para la legende famillale donne l emplacement d une tour mais pas d un chateau

Jean-Marc Barféty a dit…

Bonjour

Je pense que la tour dont vous parlez correspond au pigeonnier dont parle l'abbé Allemand (si je ne me trompe pas). Il est visible sur le cadastre ancien.

Je serais heureux d'entrer en contact avec vous. N'hésitez pas à m'écrire à cette adresse mail :
bibliotheque.dauphinoise@numericable.fr

Philon a dit…

Parmi les Jésuites issus du collège d'Embrun, signalons également Joseph Innocent Escallier (1740-1815) qui enseignait au collège de Bourg-en-Bresse lors de la dissolution de 1763. Il revint à Gap, s'y maria, aura 4 filles. Notable, il joua un rôle important (de conciliateur) lors de la Révolution. Il aida notamment ses 3 frères curés réfractaires et son autre frère officier qui eurent à subir les foudres de l'époque.