samedi 26 mai 2012

Quelques œuvres de Joannès Drevet et Joanny Drevet

Ce jeudi, une étude lyonnaise dispersait un riche ensemble des illustrateurs Joannès Drevet et Joanny Drevet, son fils. Parmi les 99 lots, on trouvait évidemment beaucoup d'ouvrages illustrés par l'un ou par l'autre, mais aussi de nombreuses gravures et, surtout pour Joannès Drevet, de nombreuses aquarelles. Des vacances opportunes m'ont permis de me rendre à la vente et de faire quelques acquisitions.

Commençons par Joannès Drevet. Né à Lyon en 1854, il y est mort en 1940. Il a très largement représenté sa ville natale, en particulier dans ce monument qu'est Le Lyon de nos pères, d'Emmanuel Vingtrinier. J'imagine que tous les amoureux de Lyon cherchent à posséder cet ouvrage, malgré le côté souvent très sombre des illustrations de Joannès Drevet. Mais il est une autre facette du personnage, celle de l'aquarelliste qui a peint de nombreux paysage du Lyonnais, du Dauphiné et des Alpes. Cette facette est plus lumineuse et plus joyeuse que celle du graveur. Le style des trois aquarelles de lui que je viens d’acquérir à cette vente nous le prouvera.

La première, la plus belle à mon goût malgré l'apparente banalité du sujet, est celle-ci :


Elle représente la vallée de la Guisane, depuis la route du Lautaret, en descendant vers Briançon. Lorsque je parle de banalité du sujet, je veux simplement faire remarquer que cette aquarelle s'abstient de tout pittoresque ou spectaculaire. Aucune montagne identifiable, aucun lieu connu, aucune présence humaine, mais une simple vue de la vallée avec la route sur la gauche et le ciel (le bleu du ciel briançonnais !) au fond. Mais quel jeu et quelle harmonie de couleurs !

Les deux suivantes sont des paysages non identifiés. La première ne m'évoque rien, peut-être le Champsaur, mais on m'a parlé de Val d'Isère. La seconde me semble clairement dauphinoise, voir haut-alpine, tant par la forme du clocher (avec les 4 petites flèches dans les angles de la base qui porte la flèche principale), que par le style des maisons. Si un lecteur reconnaît un de ces paysages, je suis intéressé.



Avant de passer au fils, je rappelle seulement que j'avais présenté il y a quelques temps une petite plaquette en hommage à Joannès Drevet où étaient mises en valeur sa peinture et ses aquarelles qui reprennent beaucoup de souvenirs de ses séjours en Savoie, Dauphiné, Hautes-Alpes. L'aquarelle de couverture représente Pont-du Fossé dans les Hautes-Alpes :



Son fils Joanny Drevet (1889-1969) a laissé une œuvre gravée extrêmement importante, en particulier sur la Savoie et le Dauphiné. C'est ainsi que j'ai pu enrichir ma collection de trois gravures :

Ancien Chalet Bonnabel au Lautaret
C'est une vue du col du Lautaret avec le massif de la Meije dans le fond.

Les Ecrins et le Hameau des Etages
C'est une vue prise dans la vallée de la Bérarde.

La Romanche
C'est une vue prise sur la route du Lautaret en montant depuis Bourg d'Oisans (ou Grenoble). On se trouve dans la gorge de Malaval.

En dehors de cet ensemble Drevet, la vente offrait quelques ouvrages intéressants sur le Dauphiné et la Savoie. Je n'ai pas été aussi chanceux (ou assez dépensier) pour ramener quelques ouvrages pour ma bibliothèque, à une exception dont je parlerai dans un prochain message.

vendredi 11 mai 2012

Quelques "petites" trouvailles...

Après ce salon du livre ancien du Grand Palais, occasion de voir et découvrir plein de beaux et rares livres, on peut reposer les yeux (et le portefeuille) sur ces petites trouvailles qui font souvent mon bonheur.

La première est un lot de 6 cartes de la Routes des Alpes, cette route touristique à travers les Alpes depuis Nice jusqu'au Léman. On ne compte pas le nombre de livres, brochures, dépliants, cartes qui ont été édités sur cette route, souvent sous l'égide de la compagnie P.L.M. (à vérifier, mais c'est peut-être cette compagnie qui a été à l'initiative de ce parcours touristique en voiture qui permet de découvrir toutes les Alpes françaises de l'intérieur).

Les 6 cartes qui illustrent les 6 étapes de la route se présentent pliées, recouvertes d'une chemise en carton oblongue illustrée au recto et au verso de dessins des paysages traversés. Le choix des paysages est des plus classiques. Ce n'est pas cela qui en fait le charme. C'est tout simplement le style, très années 40 (mais si quelqu'un sait être plus précis sur le style, je suis preneur). Plutôt que de tenter de décrite le style, je préfère vous faire découvrir quelques-uns de ces dessins :

 La Meije

 Château-Queyras

 Briançon, la Grande Gargouille

Le château de Vizille

La Grande-Chartreuse

L'Aiguille Verte et les Drus

La deuxième trouvaille est une édition du Guide-Joanne de 1910 sur le Dauphiné où un certain R. Richard, du Groupement de Haute-Montagne (G.H.M) du Club Alpin Français, a dessiné une belle vue de la face sud de la Meije sur la page de garde. C'est tout simple, mais ça me plaît !


Guide-Joanne, Dauphiné, couverture.

Guide-Joanne, Dauphiné, page de titre.

Détail du dessin de la face sud de la Meije.

samedi 5 mai 2012

Message de circonstance !

Comme chacun sait, en cette veille de deuxième tour des présidentielles, c'est la trêve de la politique. Comme sur ce blog je ne parle jamais de politique, j'ai décidé, pour une fois, afin d'être à contre-courant, de vous présenter un petit ouvrage très politique. C'est un livre que j'ai déniché dans mes chines. Le titre est déjà un programme en soi :
Faut-il fusiller 300 000 ouvriers en France? L'abolition des castes sociales. La méthode de travail. Les Eglises laïcisées. La libre pensée. La défense dans la République.


L'ouvrage n'est pas daté, mais la préface est datée d'août 1905 et 1906 apparaît sur la couverture.

Pourquoi cet ouvrage a-t-il attiré mon attention ? Il était disponible chez Louis Manent, à Guillestre dans les Hautes-Alpes, un endroit où l'on n'imaginerait pas que pouvait se diffuser ce type de littérature. Le seul exemplaire disponible dans les bibliothèques publiques (CCFr) se trouve dans le fonds dauphinois de la Bibliothèque Municipale de Grenoble.


Au-delà de tout cela, ce livre est un peu un mystère. Même si Clovis Hugues l'a préfacé (voir la notice biographique de Clovis Hugues, une des figures du socialisme méridionale à la fin du XIXe siècle : cliquez-ici), je n'ai pas trouvé d'informations supplémentaires sur ce livre. L'auteur, dont le nom n'apparaît qu'à la fin de l'ouvrage, est Théophile Mital. Malgré mes recherches, je n'ai rien trouvé sur cette personne. Quant à Louis Manent, je fais des recherches sur les Hautes-Alpes, mais pour le moment, rien dans les ouvrages sur les Hautes-Alpes. Il faut savoir que le mouvement ouvrier était peu actif dans les Hautes-Alpes. Sauf erreur de ma part, il n'existe pas d'histoire du socialisme dans les Hautes-Alpes. A peu près à la même époque, en 1907, il y a eu une grève très dure à l'usine de la Schappe à Briançon, la plus grande usine dans les Hautes-Alpes à l'époque. Ces deux images extraites d'un article dans le Bulletin de la Société des Hautes-Alpes de 2003 illustrent ce mouvement social :



Pour finir, la petite phrase au pied de la couverture est tout un programme en ces périodes ! :
Si, dans l'accord parfait, l'intelligence de tous les hommes agissait méthodiquement, l'Humanité pourrait atteindre au bonheur.
Complément

Depuis la publication de ce message, j'ai fait quelques recherches dans les recensements et l'état civil des Hautes-Alpes. Je pense en savoir plus sur Louis Manent.

En 1906 à Guillestre, vivaient trois membres de la famille Manent :
- Léon Manent, âgé de 34 ans, célibataire, instituteur, logé au Groupe scolaire de Guillestre.
- David Fié, 34 ans, aussi instituteur, et sa femme Louise Manent, sœur du précédent. Leur mère Rosalie Illy, veuve Manent, vivait avec eux. Ils vivent aussi au Groupe scolaire.
- Louis Manent, 24 ans, carrossier, qui vit seul au Barry, un quartier de Guillestre.
Il est probable que ce Louis Manent est celui chez qui on peut trouver cet ouvrage.

D'autres recherches montrent que cette famille est originaire de Saint-Genis, dans le sud des Hautes-Alpes. Les parents Léon Manent et Rosalie Illy se sont mariés en 1870. Ils étaient cultivateurs. Apparemment, ils ne pouvaient pas en vivre et on les retrouve dès 1875 à Montéglin où lui travaille sur le chantier du chemin de fer des Hautes-Alpes, comme poseur de rails, et elle comme garde-barrière. Visiblement, ils suivent l'avancée de la construction du chemin de fer, car ils habitent quelques temps à La Freissinouse, près de Gap, puis on les retrouve à Guillestre. C'est donc un milieu de cultivateurs prolétarisés, qui réussissent tout de même à ce que deux de leurs enfants, Léon et Louise, accèdent à un statut supérieur comme instituteurs.

Ces informations apportent quelques éléments sur le milieu où se trouvait ce livre, mais laissent beaucoup de question en suspens. Qui a véritablement écrit ces pages ? Comment un carrossier a pu se trouver le diffuseur d'un tel ouvrage dans les Hautes-Alpes ? J'émets l'hypothèse que Théophile Mital n'existe pas, mais que ce n'est qu'un pseudonyme pour Léon Manent l'instituteur. Pourquoi ne serait-ce pas Louis Manent lui-même ? A la lecture du texte, on n'imagine pas un homme de 24 ans écrire ces pages. La culture d'un instituteur était sûrement indispensable. Probablement pour se protéger comme fonctionnaire, Léon Manent a préféré laisser son frère, artisan, mettre son nom sur cet ouvrage. Tout cela n'est que conjectures...

Pour finir, j'ai trouvé quelques infos sur Internet :
- La référence d'une lettre de Louis Manent, annonçant ce livre,dans La dépêche des Alpes, du 5 & 18 août 1906 (cliquez-ici).
- une page consacrée à l'imprimerie communiste d'où est sorti cet ouvrage : L'Emancipatrice (cliquez-ici et cliquez-là).

mardi 1 mai 2012

Trouvailles dauphinoises au salon du livre ancien du Grand-Palais

C'est devenu un rituel. Comme toutes les années, je suis allé au salon du livre ancien du Grand Palais, exceptionnelle réunion d'ouvrages anciens, où l'on peut voir quelques uns des plus beaux livres actuellement en vente sur le marché.Ces deux amis blogeurs ont fait leurs comptes-rendus (voir ici et ). 

Chez le même libraire, j'ai déniché  deux ouvrages qui sont venus rejoindre ma bibliothèque. Le premier est un bel exemplaire d'un recueil de 8 lithographies en camaïeu qui illustrent un album sur la Salette. Pour ceux qui l'ignorent (et ils sont sûrement peu nombreux), la Vierge est apparue à deux enfants en 1846 à la Salette, un petit village au dessus de Corps, entre Grenoble et Gap. C'est rapidement devenu un lieu de pèlerinage et donc l'objet de nombreux guides.

Adolphe Maugendre (1809-1895), célèbre illustrateur et lithographe normand, publia ce recueil avec le libraire Merle de Grenoble en 1863 :
La Salette. Album composé de 8 vues dessinées d'après nature et lithographiées par A. Maugendre, accompagné d'un texte descriptif par Mr. l'abbé ***

La plus célèbre des lithographies est cette représentation de la place Grenette à Grenoble. C'était (et c'est encore) une des places centrales de la ville, une des plus animées. C'étaient de là que partaient les diligences, dont celles qui desservaient la Salette.


Pour les stendhaliens, l'immeuble qui occupe le fond de la place à gauche abritait l'appartement du grand-père de Stendhal, le bien aimé docteur Gagnon.Il en parle abondamment dans la Vie de Henry Brulard. J'aime beaucoup ces lithographies vivantes, avec ces petites scènes de genre : le départ de la diligence, les promeneurs, le militaire, le charretier, le gamin badaud, etc. J'y suis d'autant plus sensible qu'à cette époque-là, mes ancêtres ardéchois (eh oui !, j'ai des ancêtres ardéchois) vivaient dans la petite rue qui part au fond à gauche, près de la voûte qui donne accès au jardin de la ville. C'est peut-être mon ancêtre, qui était commissionnaire en peaux pour la ganterie grenobloise, que l'on voit sur la place !

Autre lithographie, cette vue de Corps :


et du lieu de l’apparition :


L'ouvrage se présente sous un cartonnage (légèrement sali, alors que l'intérieur est très frais) :


La page de titre est aussi une lithographie :



(remarque : malheureusement, les scans des lithographies ne rendent pas les nuances des couleurs).

L'autre achat est une de ces petites études d'érudition locale, publiée dans une revue savante dauphinoise et tirée à part à petit nombre (125). Il s'agit de :
Les allures et les mœurs de MM. de Maniquet et Audeyer, gentilshommes dauphinois. Contribution à l'étude de la vie domestique au XVIe et au XVIIe siècles, par Pierre Saint-Olive


 avec sa jolie couverture rose conservée :


dans sa reliure en demi-maroquin rouge à coins :


C'est l'exemplaire n° II des 25 exemplaires de tête, sur vélin à la cuve BFK.

J'en parlerai plus longuement lorsque je le décrirai. Il s'agit du récit des démêlés judiciaires au sein d'une famille de la petite noblesse locale, noblesse en cours de déclassement :
Durant quatre ou cinq ans, de 1696 à 1701, tout Grenoble et toute la vallée du Grésivaudan, de Barraux à La Tronche, s'en amusèrent. Les inculpés étaient d'un rang suffisant et nécessaire pour attirer l'attention des grands; par leurs relations de famille, ils se plaçaient au-dessus du commun; par leur vie quotidienne, ils étaient plus proches du paysan que du grand seigneur; d'où les brocards d'en haut et l'attention gouailleuse d'en bas qu'excitait le caractère tragi-comique et acharné des poursuites. Une belle-mère tente de faire assassiner son gendre : le gendre raconte « pis que pendre » de sa belle-mère : en faut-il plus pour devenir le point de mire de la malignité publique?
Pour revenir au Grand-Palais, je vous renvoie aux 4 comptes-rendus de mes visites précédentes :
Salon 2008, un compte-rendu succinct, pour un ouvrage acheté cette année-là dont j'ai parlé plus longuement ici.
Salon 2009, un compte-rendu plus complet.
Salon 2011, où je parle plus des livres que je n'ai pas achetés, et pour cause, j'étais revenu bredouille...