dimanche 30 janvier 2011

Glanes

Le message de ce soir est un florilège de quelques-unes de mes découvertes des jours derniers. J'aurai aussi pu l'appeler "Miscellanées", pour exprimer une idée de mélange. J'ai préféré "Glanes". Sans ordre, commençons par :

La Meije

Un lecteur qui se qualifie lui-même de discret m'a envoyé cette très belle carte postale représentant la Meije (3987 m.), un des sommets mythiques de l'Oisans.



Cette photo a été prise par Henry Duhamel, un des découvreurs du massif des Ecrins. Il a aussi la réputation d'avoir introduit le ski en France, mais une de ces polémiques dont nous avons le secret lui dénie cette paternité depuis quelques années. Il est vrai qu'Henry Duhamel avait, pour employer un terme fort moderne, un sens aigu de l'auto-promotion, ce qui expliquerait qu'il se soit attribué une paternité contestée. Mais, pour revenir à notre photo, notons la beauté de l'image, en dépit d'un support modeste (carte postale). On pourrait presque croire que le noir et blanc a été inventé pour représenter la montagne. Si vous êtes attentifs, vous remarquerez que l'on on y voir presque que deux nuances : le blanc et le noir. Je crois que l'on ne rend pas mieux la beauté de la montagne qu'en noir et blanc. La minéralité, opposée à la blancheur de la neige, n'est jamais mieux rendue que dans ce contraste presque sans transition entre le noir et le blanc.

Encore La Meije

Une Meije de fantaisie : en 1890, paraît
A travers les Alpes françaises, de Gustave Derennes, inspecteur d'Académie à Gap et fils du poète Charles Derennes. Le dernier chapitre contient quelques lignes sur la Meije : "Je ne connais pas, en effet, une montagne dont l'aspect soit plus redoutable et plus terrible quand l'orage y gronde, et qui soit plus belle et plus séduisante quand un ciel pur l'enveloppe." Pour illustrer l'ouvrage, l'éditeur n'a malheureusement pas jugé utile de rechercher une belle gravure représentant la vraie Meije. Il s'est contenté de récupérer "un vieux bois représentant une autre montagne" qui avait illustré la revue La Science populaire du 30 mars 1882.

Preuve, s'il en est, que la légèreté de certains éditeurs, qui n'ont pas peur de faire du neuf avec du vieux (je ne parle même pas de plagiat) n'est pas pas d'aujourd'hui. Cet ouvrage se trouve d'abondance, dans des cartonnages fin de siècle. Je n'ai qu'un piètre exemplaire dont la couverture ne manque pas de charme. L'ouvrage a été édité par Gédalge


Un colporteur-libraire

Mes lecteurs habituels savent l'intérêt que je porte aux colporteurs-libraires. J'ai déjà eu l'occasion d'en parler sur ce blog (cliquez-ici et cliquez-là).
J'ai visité la très intéressante exposition sur la Bastille à la bibliothèque de l'Arsenal. Dans une section consacrée aux livres interdits, il y a ce beau tableau représentant un colporteur-libraire, provenant du Musée du Louvre.


L'exposition présente de nombreux documents et ouvrages intéressants. On y voit des manuscrits de Sade, des ouvrages "philosophiques" des Lumières, des portraits de Sartine et de Malesherbes, etc. Il ne reste que quelques jours pour découvrir une vision de la Bastille débarrassée de l'imagerie popularisée, voire créée, par l'histoire officielle de la IIIe république. Pour les amateurs de souvenirs historiques, ils pourront y voir la veste de Damiens, célèbre pour avoir voulu donner un coup de canif à Louis XV et écartelé pour cela, mais aussi, les boutons de la culotte de Jean Soanen, évêque janséniste de Senez, célèbre (un peu moins) pour avoir été condamné lors du concile d'Embrun en 1721, dirigé par le cardinal de Tencin (j'en ai déjà parlé : cliquez-ici).

Présentation de l'exposition : cliquez-ici.

dimanche 23 janvier 2011

Quelques ascensions, d'Auguste Reynier, 1930

Auguste Reynier, né en 1849, homme d'affaires grenoblois, se lança tardivement dans l'alpinisme. Avec ses guides favoris, Joseph Turc et Maximin Gaspard, il s'engagea dans des voies nouvelles dans le massif des Ecrins. En effet, après la conquête de tous les sommets par les voies devenues "normales", vint le temps de la recherche de nouvelles voies, souvent dans les autres faces des sommets, toujours plus difficiles que la "classique". Cette recherche a marqué une nouvelle étape dans l'histoire de l'alpinisme. Dans le massif des Ecrins, Auguste Reynier a été un des pionniers de ce nouvel alpinisme, en particulier en ouvrant la voie qui porte son nom dans la face sud-est de la Barre des Ecrins en août 1893 (il avait 44 ans !). Pour donner la mesure de l'exploit, rappelons qu'il faudra attendre les frères Vernet pour qu'une nouvelle tentative soit réussie en 1924.

Comme il était d'usage à l'époque, il donna une relation de chacune de ses premières dans des revues d'alpinisme. Il en avait été fait des tirés à part, sous forme de petites plaquettes. Le style des textes est sobre, loin d'un certain lyrisme qui était parfois de mise à l'époque. Il adopte volontiers un ton légèrement ironique et modeste, donnant presque une impression de facilité de ces premières pourtant difficiles et ambitieuses. Avec Auguste Reynier, il semble presque naturel de s'attaquer à la face sud-est de la Barre des Ecrins.

Auguste Reynier meurt en 1929. Pour rendre hommage à l'homme et à ses ascensions, les éditions Didier & Richard de Grenoble rassemblent 5 récits de ses ascensions les plus marquantes, sous forme d'un ouvrage publié à petit tirage (150 exemplaires !) sur un beau papier Pur Fil de Lafuma. C'est un de ces rares exemplaires que je présente aujourd'hui (l'exemplaire n° 3).


Il est illustré de 4 planches photographiques, reproduite en héliogravure, qui ne sont malheureusement pas légendées. Il ne fait aucun doute que la première planche (en frontispice) représente Auguste Reynier. Elle donne un image de l'homme bien éloigné de l'idée que l'on peut se faire de quelqu'un qui a affronté quelques unes des voies parmi les plus difficiles du massif des Ecrins.


Sur cette planche, on reconnaît aisément le guide Pierre Gaspard, le vainqueur de la Meije (au centre, debout).


Quant à la 4e planche, j'avance l'hypothèse que l'on y voit Auguste Reynier au centre, entouré de ses deux guides favoris Maximin Gaspard et Joseph Turc.


Pour plus de détails sur cet ouvrage : cliquez-ici.

Pour finir, cette magnifique vue de la face sud-est des Ecrins, extraite du Panorama du Pelvoux, d'Helbronner (pour plus d'informations, cliquez-ici). On aura ainsi une idée du défi que représentait une telle muraille en 1893.


samedi 15 janvier 2011

Des fragiles témoins de la Résistance dans les Hautes-Alpes : Maquisards et Gestapo, de Richard-Duchamblo

La guerre à peine terminée, le père Joseph Richard (1906-2003), Duchamblo en Résistance, entreprit un travail de mémorialiste sur la Résistance dans les Hautes-Alpes. Il partit à la recherche des témoins, recueillit les récits et témoignages, recoupa les informations et publia une suite de courts récits et biographies à propos des principaux personnages et faits de ces années sombres. Aidé des frères Guibaud-Ribaud, autres résistants et imprimeurs, il livra au public le résultats de ses investigations dans une série de brochures, ou cahiers pour reprendre son terme, qu'il fit paraître entre 1946 et 1949, sous le titre Maquisards et Gestapo.
C'est la collection complète de ces 19 cahiers qui vient de rejoindre ma bibliothèque.


Il s'agit essentiellement de courts récits sur des faits d'armes de la Résistance et de biographies de nombreuses personnalités qui se sont révélées lors de cette période, y compris les personnalités troubles qui ont préféré collaborer avec la Gestapo et dénoncer des Résistants. Les 4 derniers cahiers sont plus particulièrement consacrés à la Libération de Gap en août 1944.

Quelques personnalités locales font l'objet de développements plus importants. Un cahier spécial est consacré à Paul Héraud, le commandant Dumont en résistance. Autre figure marquante, véritable chevalier des Temps modernes qui mit son énergie au service de prisonniers de Guerre, le commandant Mauduit, fondateur de "La Chaîne" au château de Montmaur.

Ces histoires de la Résistance dans les Hautes-Alpes se caractérisent par le ton très personnel de l'ensemble. L'auteur n'hésite pas à émettre des jugements de valeur, tout aussi bien positifs sur les grandes figures de la Résistance locale ou sur les modestes acteurs qui ont œuvré dans l'ombre, que négatifs, voire accusateurs, sur les personnalités sombres de cette période, dont il cite même le nom. Cependant, il s'abstient de tout jugement politique. Les luttes d'influence politique qui ont eu lieu dans d'autres régions semblent absentes des Hautes-Alpes, à moins que Richard-Duchamblo ait préféré les taire. L'ensemble de son travail lui donne plus une qualité de témoin ou de mémorialiste, que d'historien à proprement parler, rôle qu'au demeurant il ne revendique pas. Il eut souvent à se justifier de son travail. Il rapporte même : "Des amis ont, avec insistance, cherché à nous décourager. Mi-plaisant, mi-sérieux, l'un d'eux nous a dit : "Vous serez pendu à un réverbère". Simple boutade, nous l'espérons." Ces quelques mots placés en exergue de son récit de la Libération de Gap laissent pressentir les pressions qu'il a subies et les rancœurs qu'il a réveillées.

Vous trouver une description complète des 19 cahiers sur mon site : cliquez-ici.

Quelques couvertures :





Cette collection complète est particulièrement rare. En dehors des Hautes-Alpes, seule la Bibliothèque de l'Institut d'histoire du temps présent (IHTP) la possède. On ne trouve aucune collection complète au CCFr. Même le fonds dauphinois de la Bibliothèque Municipale de Grenoble ne possède que quelques cahiers. Il faut aller dans les Hautes-Alpes pour trouver des collections complètes, à la bibliothèque municipale de Gap, aux Archives départementales des Hautes-Alpes et à la bibliothèque de la Société d'Etudes des Hautes-Alpes.

Une telle rareté s'explique aisément. Les tirages ont été faibles, puisqu'ils ont été financés par l'imprimeur lui-même. A chaque cahier, la parution du suivant restait aléatoire. La qualité de l'impression se ressent de cette précarité. Le papier est de mauvaise qualité, les reproductions photographiques sont médiocres. Par économie, l'impression du texte se continue parfois jusque sur la couverture elle-même. Mais c'est aussi cela qui donne du prix à cet ensemble. A ma connaissance, il n'existe pas d'ouvrage de synthèse sur la Résistance dans les Hautes-Alpes, rendant le travail de Richard-Duchamblo d'autant plus précieux.

Pour finir, il a illustré la dernière couverture du premier cahier d'une photo de lui-même, assez humoristique, où l'on voit les deux personnalités de Joseph Richard : l'abbé Richard et le résistant Duchamblo.