dimanche 20 juin 2010

Une reliure signée Trautz-Bauzonnet

En 1829, le libraire E. Prudhomme avait fait paraître un recueil :
Poésies en langage patois du Dauphiné, Grenoble, Prudhomme, 1829, qui contenait trois pièces majeurs en "patois" de Grenoble :

- Grenoblo malhérou, de Blanc La Goutte.
- Dialoguo de le quatro commare, de Blanc la Goutte.
- Monologue de Janin, de Jean Millet.

En 1840, Paul Colomb de Batines publie les trois textes de l'édition de 1829, avec une préface, dans une nouvelle édition : Poésies en patois du Dauphiné. Edition publiée par Colomb de Batines, Grenoble, Prudhomme, 1840.

En 1859, le libraire Alphonse Merle reprend les 3 textes des éditions de 1829 et 1840, en les complétant de quelques textes supplémentaires en "patois" du Dauphiné et une relation, en français, des inondations de l'Isère le 2 novembre 1859 :
Poésies en patois du Dauphiné. Deuxième édition revue et augmentée.
(voir une notice détaillée en cliquant-ici).


L'attribution fréquente de cette seconde édition à P. Colomb de Batines est une erreur car, à cette date, il était décédé, erreur due à la reprise dans cette édition de la préface de Paul Colomb de Batines de l'édition de 1840.

C'est un exemplaire relié par Trautz-Bauzonnet qui vient de rejoindre ma bibliothèque :


Dilemme

Je possédais déjà un exemplaire broché de cet ouvrage. En toute logique, il devrait être relégué au second rayon, voire revendu, tant un exemplaire relié par Trautz-Bauzonnet ne peut que prendre le pas sur un exemplaire broché. Malheureusement, les couvertures n'ont pas été conservées. Et pourtant, elles sont belles, représentatives de l'art typographique de l'époque. Je vous laisse admirer la belle composition des deux couvertures, le bel encadrement du titre, lui même décliné selon une grande variété de polices de caractères. J'ai un prédilection particulière pour ces travaux typographiques :



Autre attrait de cet exemplaire broché, il contient encore le catalogue de la librairie Alphonse Merle de Grenoble ajouté en fin de volume.

En définitive, il n'y a pas de dilemme, je garde les deux !


Billet d'humeur

J'ai acheté cet exemplaire dans une vente aux enchères récente. La description du lot par l'expert était : "Demi maroquin saumon, dos à nerfs orné, tête dorée. Superbe exemplaire, finement relié par Trautz". On peut discuter la couleur, qui me semble plus havane que saumon. On peut discuter la qualification de "superbe exemplaire", alors que je l'aurai plutôt qualifié de "bel exemplaire". En revanche, on ne peut que constater que le dos n'est absolument par orné, sauf à dire que le titre doré est un ornement. Ou alors, il faudrait dire que le dos et les nerfs sont ornés ... d'épidermures ! (voir le détail sur la photo ci-dessous).


Sur Bauzonnet, je vous renvoie à ce message : Une reliure de Bauzonnet ?
Sur l'édition de 1829 des Poésies en langage patois du Dauphiné, voir ce message en cliquant-ici.

dimanche 6 juin 2010

Une collection de livres sur le concile d'Embrun (1727)

Un achat récent lors d'une vente aux enchères m'a inspiré ce billet. Année après année, je rassemble tous les ouvrages que je trouve sur le concile d'Embrun. Quel rapport avec le Dauphiné ? Comme chacun sait, Embrun est une ville des Hautes-Alpes (un des 3 départements constituant l'ancien Dauphiné), qui a été jusqu'en 1789 un archevêché dont le périmètre couvrait les Hautes-Alpes et une bonne partie des Alpes du Sud.

Un petit aperçu de ma collection d'ouvrages sur le concile d'Embrun :


En 1726, Jean Soanen est évêque de Senez (Alpes-de-Hautes-Provence), dépendant de l'archevêque d'Embrun, Pierre de Tencin. Depuis longtemps favorable aux thèses jansénistes, il publie une
Instruction pastorale ouvertement janséniste. L'ambitieux archevêque d'Embrun prend prétexte de cette Instruction pour convoquer un concile à Embrun afin de juger l'évêque dissident.

Le concile a lieu à l'été 1727 et se termine en septembre 1727 par la condamnation de l'évêque de Senez à l'exil. Il est assigné à résidence à La Chaise-Dieu, où il est mort le 25 décembre 1740, âgé de 93 ans.

Ce concile a souvent été considéré comme une opération plus politique que religieuse. Jean Soanen avait alors 80 ans et son
Instruction ne méritait probablement pas un tel déploiement de force. Mais l'archevêque Pierre de Tencin était ambitieux. Il espérait le cardinalat et un archevêché de plus d'ampleur qu'Embrun. Il souhaitait obtenir les bonnes grâces de Fleury. Il était secondé dans ses entreprises, d'aucuns diraient ses intrigues, par sa sœur Mme de Tencin. Tout cela fait que ce concile est parfois appelé le brigandage d'Embrun.

Les actes du concile ont été publiés dès 1728 chez Pierre Faure à Grenoble, avec un beau titre en noir et rouge :
Concilium Provinciale Ebreduni Habitum.


Après cette condamnation, tout ce que la France comptait de jansénistes a pris la plume pour défendre l'évêque Jean Soanen et donner sa propre version du concile d'Embrun. François de Montauzan a donné un
Journal historique du Concile, sous forme d'un recueil anonyme de lettres envoyées pendant le concile.


Jean-Baptiste Cadry a publié anonymement une
Histoire de la condamnation de M. l'Evêque de Senez, par les Prelats assemblez à Ambrun.

Mais ce sont surtout de très nombreux libelles qui ont été publiés. Ce sont deux recueils de ces libelles, constitués aux XVIIIe siècle, qui ont rejoint ma bibliothèque. Le premier débute par une
Consultation de Messieurs les Avocats du Parlement de Paris, au sujet du jugement rendu à Ambrun, contre Mr. l'Evêque de Senez. Il contient ensuite une succession de factums pour faire suite à cette Consultation.

Le deuxième recueil, que je viens d'acquérir dans une vente qui comprenait de nombreux ouvrages sur le jansénisme, débute par l'
Instruction pastorale qui a servi de déclenchement à toute cette affaire.


Ce Concile est, malgré tout, assez anecdotique dans l'histoire du jansénisme en France, probablement parce qu'il est plus le fruit d'une ambition personnelle que d'un vrai conflit idéologique. A notre connaissance, il n'y a eu qu'une seule étude sur le sujet, par l'abbé Jean Carreyre en 1929.


Jean Sareil, dans son étude sur les Tencin, consacre un chapitre à ce concile.


En définitive, est-ce que ce concile a été au moins favorable à Pierre de Tencin ? Visiblement non. Il doit attendre 1739 pour être nommé Cardinal et 1740 pour être mis sur le siège de l'archevêché de Lyon. Il devient primat des Gaules. Ses éventuelles ambitions politiques n'ont pas abouties. Il meurt à Lyon en 1758.

Quant à Jean Soanen, il a continué à intéresser le petit monde des jansénistes. En 1750, Jean Baptiste Gaultier fait paraître
La vie de Messire Jean Soanen, évêque de Senez. C'est plus une hagiographie qu'une biographie. L'auteur ne cache pas ses sentiments jansénistes. Il attaque très durement le "brigandage" d'Embrun et met en valeur la résistance de certaines des ouailles de Mgr Soanen après sa condamnation. L'ouvrage se termine par deux importants chapitres contenant la description des différents miracles dont il est l'auteur. Selon Quérard : "On trouve dans cette vie une histoire très-curieuse sur le secret de la transmutation des métaux." Le frontispice est un beau portrait gravé de Jean Soanen.

Pour aller plus loin, quelques liens Wikipédia :
Jean Soanen
Pierre de Tencin