lundi 25 novembre 2013

Un livre à paraître sur les cartes du Dauphiné

J'ai le plaisir de vous présenter un livre en souscription, que je vous laisse découvrir :





Ce beau livre prometteur, tant par la qualité du texte et des recherches, que par la variété et la rareté des illustrations, devrait vite devenir la référence sur la cartographie du Dauphiné. Il fait suite à un précédent livre de Jacques Mille : Hautes-Alpes. Cartes géographiques anciennes (XVe - mi XIXe siècle), uniquement consacré aux cartes des Hautes-Alpes, qui, lui aussi, est devenu une référence sur le département.



Vous pouvez télécharger un bulletin de souscription : cliquez-ici.

mercredi 13 novembre 2013

Martino Baretti : Otto giorni nel Delfinato, 1873

Poursuivant l’enrichissement de ma bibliothèque avec tout ce qui a pu paraître à l’étranger sur les Alpes dauphinoises, j’ai déniché récemment une plaquette rarissime chez un libraire turinois. J’aurais l’occasion à la fin de ce message de raconter comment je suis arrivé jusqu’à elle.


Rappelons quelques faits pour comprendre tout l’intérêt de ce texte. Jusqu’au début des années 1860, le massif des Ecrins (appelé parfois massif de l’Oisans) était en grande partie inconnu. La seule carte valable était celle de Bourcet, parue en 1758. Aucun des sommets majeurs du massif n’avait été gravi (sauf le Pelvoux, mais personne ne le savait). Pis que cela, le point culminant du massif n’était pas clairement identifié. La carte d’Etat-Major de la région n’avait pas encore été publiée (elle le sera en 1866). On le voit, il y a 150 ans, certaines régions lointaines du monde étaient mieux connues que nos propres montagnes françaises.


Malheureusement pour notre chauvinisme, ce sont d’abord les Anglais qui ont exploré et décrit le massif. Je rappelle juste les noms de Whymper, Tuckett, T. G. Bonney, Mathews, Coolidge, etc. L’existence du premier Club Alpin, fondé en Angleterre en 1857, a été un puissant facteur d’émulation et une tribune indispensable pour partager les découvertes. C’est ce que l’on a vu dans la série des Peaks, Passes and Glaciers ou dans les premiers volumes de l'Alpine journal, qui ont fait l’objet du message précédent. 

Comme certains des explorateurs anglais, c’est mû par une curiosité scientifique que Martino Barettti (1841-1905), géologue italien, explora le massif des Ecrins en août 1872. Parti de Bardonnèche en Italie, il rejoignit Ailefroide, explora plus particulièrement le secteur du Pelvoux et des Ecrins. Comme les Anglais, il pouvait profiter de la tribune que lui offrait le Club Alpin Italien, tout récemment créé, qui, à l’instar de son aîné, publiait un Bollettino. C’est dans celui de l’année 1872-1873 qui M. Baretti fit paraître le récit de son voyage. Il en a ensuite été fait un tiré à part de 72 pp., paru en 1873 : 
Otto giorni nel Delfinato,Torino, G. Candeletti, successore G. Cassone e Comp., Tipografo-Editore, 1873, in-8° , 72 pp., 4 planches en chromolithographies in fine hors texte dont 3 dépliantes.


Pour ce que j’ai compris du texte (ma lecture de l’italien reste approximative), il n’y a pas d’apport majeur. Il fait d’ailleurs souvent référence à T. G. Bonney, qui, avec Tuckett, sont ceux qui ont le mieux éclairci la structure interne du massif. Ce qui fait la valeur de cet ouvrage sont les 4 magnifiques planches chromolithographiques qui illustrent l’ouvrage. Elles méritent chacune d’être détaillées.

La première (numérotée VII, pour tromper le bibliophile anxieux d’acheter un ouvrage complet de ses planches), est une carte sommaire du massif, mais dont toute la valeur est dans son aspect esthétique. Certes, elle n’apporte pas d’éléments nouveaux par rapport à la carte de T G. Bonney et à la carte d’Etat-Major, mais, pour la première fois, on tente de donner une représentation plus esthétique du massif.


La deuxième est une vue du Pelvoux depuis le refuge Tuckett. Cette vue, une des plus classiques du massif, avait déjà été donnée par Bonney. Historiquement, c’est la deuxième qui a paru (je ne pense pas me tromper, mais je suis disposé à être contredit). 


A titre de comparaison, je donne l'autre vue qui l'a précédée.


Troisième planche, un panorama du massif depuis le sud-est et deux des faces des Ecrins, la face nord depuis le col du Glacier Blanc et la face sud-ouest, depuis le glacier de la Pilatte.


Enfin, la quatrième et dernière est un magnifique panorama en couleurs de l’ensemble du massif, sur une grande planche dépliante de plus de 60 cm de long. Cette planche est intéressante à plusieurs titres. C’est d’abord le premier grand panorama du massif, ensuite, c’est le premier panorama en couleurs, enfin, je le trouve beau… 



Et maintenant, me direz-vous, où étaient les Français ? Il faut reconnaître qu’ils sont arrivés un peu plus tardivement. Certes, ils étaient déjà présents, explorant le massif, mais ils ne disposaient d’aucune revue ou journal leur permettant de publier leurs observations. Au niveau national, il a fallu attendre la création du Club Alpin Français, en 1874, et la parution du premier annuaire en 1875 pour que l'on puisse enfin lire les textes des Paul Guillemin, Henri Ferrand, Henry Duhamel, etc. Au niveau local, c'est la création de la Société des Touristes du Dauphiné qui a accompagné cette « prise en mains » du massif des Ecrins par les Français.


Pour revenir à l’introduction du message, je voudrais dire en 2 mots comment j’ai découvert cet ouvrage. Auparavant, il faut dire que je ne l'ai jamais vu en 15 ans de chine bibliophilique et surtout que je n'en avais jamais entendu parler dans aucune des bibliographies ni aucun des ouvrages sur les Alpes ou le massif des Ecrins. Au passage, j’espère que je ferais découvrir un livre, indispensable, me semble-t-il, aux quelques amateurs de nos montagnes du Dauphiné.

Pour revenir à ma quête du Graal, je disais que je ne l'avais vu dans aucune bibliographique. C’est vrai sauf… dans un ouvrage de Paul Guillemin, auteur dont on ne dira jamais assez ce qu’il nous apporte encore pour l’histoire des Alpes dauphinoises.


J’avais noté cette référence dans ma bibliographie, mais je n’y avais pas plus porté attention. Il y a tellement de plaquettes… Cependant, profitant d’un passage à Grenoble, j’ai consulté l’ouvrage dans le Fonds Dauphinois de la Bibliothèque Municipale de Grenoble et, là, je suis tombé en arrêt devant ce livre. Il me le fallait ! Ensuite, plus classiquement j’ai lancé une recherche sur internet, ce qui m’a conduit jusqu’à ce libraire italien. Après avoir acquitté un prix italien (si l'Italie est le pays d’une certaine légèreté, ce n'est clairement pas le cas pour le prix des livres anciens…), il est venu rejoindre ma bibliothèque. Après l’avoir ausculté, détaillé, photographié, décrit, je partage avec vous ma découverte.


vendredi 1 novembre 2013

L'Alpine Journal : quelques textes fondateurs sur les Alpes Dauphinoises.

Comme je l'évoquais dans un message récent, ceux qui s'intéressent à l'histoire de la découverte et de l'exploration des Alpes dauphinoises et plus particulièrement du Massif des Ecrins ne peuvent pas faire l'impasse sur ces publications anglaises qui contiennent quelques uns des texte fondateurs pour la connaissance du massif. J'ai déjà parlé des ouvrages de Forbes (Norways and its glaciers), du Rev. T. G. Bonney (Outline Sketches in The High Alps of Dauphiné). J'ai présenté il y a quelques années un recueil d'articles de l'Alpine Club, Peaks, Passes and Glaciers. Second Serie, publié en 1862 qui contenait déjà quelques articles intéressant sur les Alpes dauphinoises. A partir de 1863, l'Alpine Club abandonna le principe des recueils et fit paraître une revue trimestrielle, l'Alpine Journal, ensuite regroupée en volumes annuels. Ce sont les 28 premiers numéros, formant 4 volumes, qui viennent de rejoindre ma bibliothèque. Ces 4 volumes couvrent 7 années, de mars 1863 à février 1870.


Ils sont dans la reliure de l'éditeur, une percaline brique avec un des volumes illustré d'un motif doré sur le plat.




Ils contiennent quelques articles fondamentaux sur les Alpes dauphinoises, d'une valeur scientifique supérieure à ceux parus précédemment.  En préambule, signalons que la préface du premier volume (Introductory Address) qui présente l'esprit et les objectifs de cette nouvelle revue, cite nommément le Dauphiné, parmi les régions des Alpes qui restent à découvrir : "The number of persons who know the mere name of the highest mountain in the great Dauphine group may be reckoned by tens". C'est un des but de la revue de contribuer à une meilleure connaissance des montagnes partout dans le monde.

Ce sont 3  Anglais, F. F. Tuckett, le Rev. T. G. Bonney et W. Mathews qui mirent à profit les étés 1862 et 1863 pour procéder à une exploration systématique du massif. Ces récits, complétés de nombreux tableaux de mesures, sont ensuite publiés dans l'Alpine Journal :
- Explorations in the Alps of Dauphiné, during the month of July, 1862. Read at the meeting of Alpine Club, June 9th, 1863, F. F. Tuckett, F.R.G.S. 
- The Grandes Rousses of Dauphiné, Wm. Mathews, Jun., M.A.
- The range of the Meije, Dauphiné, Rev. T. G. Bonney, M.A., F.G.S.

Le premier article est illustré de schémas novateurs dans leur esprit, en introduisant une manière détaillée et précise de représenter les montagnes, loin des styles plus artistiques et travaillées de leurs prédécesseurs :

The Ailefroide, Écrins, and Pelvoux, from above Guillestre

The Col and Pointe des Écrins seen frome the slopes N.W. of Les Étages

The Pointe des Ecrins col and névé of Glacier Blanc, from Col du Glacier Blanc

Chacun à leur manière, ces schémas sont les premières représentations fidèles et précises des sommets du massif. Le premier complète la vue plus restreinte du Pelvoux que  Whymper  a donné dans Peaks, Passes en Glaciers, Second Serie. Les deux autres sont les premières représentations de la Barre des Ecrins (face ouest, depuis les Etages, et face Nord avec le Glacier Blanc) avec la topographie associée.

Pour me faire comprendre, on peut comparer le 2e schéma avec la même représentation des Ecrins paru dans Peaks, Passes and Glaciers. Second Serie.


Le 2e volume  contient aussi le récit de la première ascension de la Barre des Ecrins, le 25 juin 1864, par Edward Whymper, A. W Moore, Horace Walker et les guides Michel Croz et Christian Almer. Il est illustré d'une très belle représentation des Ecrins, depuis le col du Galibier, d'après un dessin de Whymper. C'est la première représentation connue des Ecrins.


Pour finir, il y a un article savoureux de A. W. Moore sur les premières expéditions hivernales dans les Alpes, la première, en Suisse, durant l'hiver 1866 et la seconde, durant l'hiver 1867, en Dauphiné : On some winter expeditions in the Alps, Read before the Alpine Club, on June 8, 1869. Ce petit texte, rapportant une anecdote en 1867, montre comment l'image de la montagne en hiver s'est radicalement inversée en 150 ans.
Crossing, that afternoon, the little Col de Valloire, I slept in a very primitive inn in the village of the same name. On the top of the col I met a ' Commis-Voyageur' on his way back to St. Michel, who, naturally surprised at meeting a stranger in such a place at such a season, enquired for what purpose I was travelling; on my responding 'pour plaisir,' he threw up his hands, and, with a glance round at the dreary, snow-covered landscape and the gathering clouds, exclaimed in a tone suggestive of his own intense antipathy to his surroundings, 'que diable de plaisir !' and then fled down to St. Michel and civilisation, as though he had been escaping from a dangerous lunatic.

Pour en savoir plus, voir la page que je leur consacre sur mon site : Alpine Journal, vol. I-IV (1863-1870).

En guise de supplément, pour ceux qui sont friands de curiosités géographico-administratives, j'ai découvert une curiosité à l'occasion de l'acquisition de ces livres. Je les ai achetés à un libraire à Vancouver au Canada et ils ont été expédiés depuis les Etats-Unis. En réalité, les frontières tirées au cordeau ont fait que qu'un petit bout du territoire de Vancouver se trouve aux Etats-Unis. C'est Point Roberts (le A de la photo ci-dessous).


J'ai appris que l'on appelle cela une exclave : un morceau de terre sous souveraineté d'un pays du territoire principal duquel il est séparé par un ou plusieurs pays ou mers.