dimanche 23 octobre 2016

L'Hospice du Lautaret, par l'abbé Laurent Guétal, 1883

Cette petite étude de montagne par l'abbé Guétal (1841-1892), célèbre peintre dauphinois, vient de rejoindre ma collection.

Huile sur toile marouflée sur bois, H : 25 cm x L : 36 cm, signée en bas à droite : L. Guétal

La paysage représenté est le col du Lautaret, avec l'hospice au premier plan et le massif de la Meije, avec les glaciers de l'Homme et du Lautaret, au fond.

Retournons le tableau :


On constate qu'il y a deux inscriptions au crayon. L'une, très visible :


qu'on lit : "M. Faure, rue Servan 19" et l'autre, plus discrète, en haut à gauche, un chiffre au crayon, de la même écriture :

Il n'en fallait pas plus pour que je parte en quête d'informations sur la base de ces deux indices. Je prends d'abord ma casquette de bibliographe. Je sais qu'il existe un catalogue de l’œuvre de l'abbé Guétal qui est en réalité la liste des tableaux de l'exposition d'hommage qui a suivi immédiatement son décès le 18 février 1892. Organisée en mai et juin 1892 à Grenoble, par la Société des Amis des Arts de Grenoble, elle a été accompagnée d'un catalogue, établi par M. Reymond et Ch. Giraud, contenant une notice biographique et la liste chronologique des tableaux, avec, pour chacun, le nom du propriétaire. Ce catalogue est consultable sur Gallica (cliquez-ici).

 Couverture du catalogue
Page 22, je trouve ce que je cherche :
avec un zoom sur l'item qui m'intéresse, le dernier de la liste :
La description, la taille et le numéro correspondent. On apprend ainsi que le M. Faure inscrit au dos est un abbé Faure.

Il faut maintenant que je prenne ma casquette de généalogiste pour identifier cet abbé Faure. Ce patronyme est très courant. En Dauphiné, vers 1892, il existe plusieurs abbés Faure. Mais, grâce au recensement de Grenoble en 1891, je trouve immédiatement mon abbé au 19 rue Servan :

Par chance, il ne se prénomme pas Joseph, mais porte le rare prénom de Pamphile ! En poursuivant dans l'état civil de Grenoble, je trouve rapidement son acte de décès (il a eu le bon goût de mourir peu après 1892, en vivant toujours à Grenoble), qui me mène à son acte de naissance. Avec ces informations, je reviens vers Gallica, à la recherche d'informations complémentaires. J'y trouve des éléments sur sa carrière, sur sa passion de botaniste. Mais surtout, j'ai la chance de trouver le discours prononcé à ses obsèques par l'évêque de Grenoble, Mgr Fava dans l'Annuaire du Petit séminaire du Rondeau et de l'Externat Notre-Dame Grenoble, pour l'année 1897 (cliquez-ici). Je peux ainsi proposer une courte biographie de l'abbé Pamphile Faure, premier possesseur de ce petit tableau.

Joseph Félix Euzèbe Pamphile Faure est né à Quaix-en-Chartreuse le 29 mars 1835. Élève au Petit-Séminaire du Rondeau, à Grenoble, il y devient maître à partir de l'année 1855. Il consacre sa vie sacerdotale à l'enseignement au sein de cet établissement religieux. Il est successivement surveillant, professeur de 4e, de 8e et de philosophie, directeur de 1878 à 1880, et supérieur de 1880 à 1888. En 1888, il quitte le Rondeau et devient vicaire général du diocèse de Grenoble. Il est décédé à Murinais, en Isère, le 14 septembre 1896, alors qu'il était allé présider les exercices de la retraite annuelle de la Congrégation des Filles de la Croix.

A ses heures perdues, il était passionné par la botanique. S'il n'a laissé aucun ouvrage ou même article sur le sujet, son nom est très souvent cité dans le Catalogue raisonné des plantes vasculaires du Dauphiné, par M. J.-B. Verlot ou la série des Guides du botaniste dans le Dauphiné, par l'abbé Ravaud. Il a effectué de nombreuses herborisations dans le Dauphiné, en particulier dans le Briançonnais. Il appartenait aussi au Club Alpin Français.

L'abbé Faure et l'abbé Guétal se connaissaient-ils ? Évidemment. L'abbé Guétal a été hébergé toute sa vie au séminaire du Rondeau. Il a d'ailleurs souvent peint les alentours. Naturellement les deux hommes se connaissaient. Dans son allocution, Mgr Fava rapproche le destin de ces deux prêtres :
Et, ici, rappelons le souvenir de ces deux âmes qui ont été appelées à vivre de la même vie, comme artistes, au Rondeau ; l'abbé Guétal, comme peintre, et l'abbé Faure, comme botaniste. Tous deux amis de la belle nature ; tous deux passionnés pour la science qu'ils cultivaient ; tous deux éminents artistes, qui laissent, l'un, des tableaux estimés des plus grands maîtres ; l'autre, une mémoire de savant botaniste, et des collections, qui lui assurent un nom dans cette science si bien faite pour captiver les intelligences amies de la sagesse divine.
L'abbé Guétal a donc sûrement offert à son ami l'abbé Faure cette petite étude probablement peinte sur le motif, alors que, peut-être, ils s'y trouvaient tous les deux, l'un pour peindre ces montagnes dauphinoises qu'il a si bien illustrées, et l'autre pour herboriser dans les prairies du Lautaret, célèbres depuis toujours parmi les botanistes pour leur richesse.

L'abbé Guétal a peint un autre tableau pour l'abbé Faure, dans un lieu proche :
109. — Lac du Pontet, au-dessus du Villard-d'Arène. Dans le fond, la Meije et ses glaciers ; en avant, trois personnages : M. l'abbé F***. M. C*** et M. A***. Signé, daté 1881. H. 0m23. L. 0m39.

Il l'a représenté dans une des ses activités favorites :
68. — Environs du Séminaire [du Rondeau]. — Dans le fond, la chaîne de la Chartreuse et la chaîne de Belledonne ; au milieu, le petit Séminaire ; en avant, les élèves du Séminaire herborisent sous la conduite de l'abbé Ginon et de l'abbé Faure. Effet du soir. Signé, daté 1880. H. 0m38. L. 0m62.
Ce tableau appartenait à l'abbé Ginon.

Voilà, l'histoire est bouclée. Je connais le premier propriétaire du tableau. Je connais les liens entre le peintre et celui-ci. Je sais pourquoi il y a ces deux inscriptions au crayon au dos du tableau. Un jour, si j'ai le temps, je pourrais chercher ce que sont devenus les biens de l'abbé Faure après son décès, première piste pour reconstituer la chaînes des différents propriétaires jusqu'à moi.

L'abbé Guétal par Aimé Charles Irvoy.

Pour compléter ce message, une photo de Saint-Marcel-Eysseric (2e moitié du XIXe siècle), mise en ligne sur le site des Archives des Alpes-de-Haute-Provence (Merci au lecteur du blog qui m'a signalé cette belle photo).

Le point de vue est similaire.

Enfin cette photo m'a été transmise par un autre lecteur du blog, que je remercie. Elle a été prise en septembre dernier, avec un même angle de vue sur le massif de la Meije. A compare le volume des glaciers par rapport au tableau de l'abbé Guétal et la photo ci-dessus. Recul et diminution de volume impressionnants !


mardi 11 octobre 2016

Conférence sur la bibliographie briançonnaise

Je vous invite à la conférence que je donne sur la bibliographie briançonnaise vendredi prochain 14 octobre à Grenoble, dans le cadre de la Société des Écrivains dauphinois. Je tenterais de présenter en une heure un corpus de presque mille ouvrages.



Le texte de présentation :
Les Trésors cachés de la Bibliographie Briançonnaise
Prenons une de nos régions du Dauphiné, le Briançonnais, plongeons-nous dans les presque mille ouvrages qui lui ont été consacré depuis le début du XVIIe siècle jusqu'au milieu du siècle dernier. Dans cette masse impressionnante de plusieurs centaines d'ouvrages, il se cache quelques trésors, quelques “ pépites ”. Qui saurait dire que, dans tel ouvrage au titre improbable, se cache le premier mémoire historique sur le Briançonnais ? Que telle plaquette de souvenirs nous fait revivre une première communion au début du XIXe siècle ? Qu'un sous-préfet de Briançon s'est fait l'ardent défenseur du fouriérisme et de son introduction dans nos Alpes ? Qu'un savant anglais aujourd'hui oublié a, pour la première fois, dessiné nos sommets du Haut-Dauphiné ? Qu'un notable du premier Empire a raconté son séjour forcé dans le Queyras sous la Révolution ? Ce sont ces livres, et quelques autres, que je vous invite à découvrir à travers un parcours guidé parmi ces trois siècles.
La conférence a lieu vendredi 14 octobre 2016 à 16h30 dans la salle des Archives départementales de l'Isère, 2 rue Auguste Prudhomme, Grenoble.

Pour télécharger l'annonce de la conférence : cliquez-ici.