dimanche 20 mars 2011

Faits pour servir à l'histoire des montagnes de l'Oisans, de Léonce Elie de Beaumont, 1829

En 1822, Léonce Elie de Beaumont, jeune et brillant polytechnicien, ingénieur des Mines, est chargé par Brochant de Villiers d'établir la carte géologique de la France. Entre 1825 et 1836, avec son acolyte Dufrénoy, ils parcourent plus de 100 000 kilomètres à pied sur le territoire français.


Ils explorent ainsi une région presque totalement inconnue : le massif de l'Oisans, dans le Haut-Dauphiné, ce que l'on appelle aujourd'hui le massif des Ecrins. Aussi incroyable que cela puisse paraître, cette région montagneuse et sauvage, actuellement à cheval entre les départements de l'Isère et des Hautes-Alpes, semble presque aussi inconnue que des territoires lointains. Comme le dira Forbes quelques années plus tard, "The soil of Palestine and Egypt is more trodden, and has been more minutely described than many parts of Europe"

Réparant cet oubli ou cette désaffection, Léonce Elie de Beaumont parcourt la région. Il rédige un mémoire sur la description géographique et géologique du massif et tente une explication de l'histoire géologique de ces montagnes. Après avoir présenté son mémoire devant deux sociétés savantes en mars 1829, il pense le voir publier dans le tome V des
Mémoires de la Société d'Histoire naturelle de Paris sous le titre de Faits pour servir à l'histoire des montagnes de l'Oisans. Malheureusement, l'ouvrage tarde à être livré au public. Il obtient donc 50 exemplaires qu'il distribue aux savants de son époque.


C'est l'exemplaire qu'il envoya à François Arago, célèbre homme de sciences de l'époque et futur homme politique de la IIe République, qui vient de rejoindre ma bibliothèque.

L'envoi de Léonce Elie de Beaumont à François Arago :



Pour découvrir cet ouvrage, vous pouvez cliquer-ici.

Au-delà de l'intérêt purement géologique de l'exposé, c'est aussi un incunable, si l'on me permet cette expression, de la découverte du massif des Ecrins, puisque il n'y a pas eu d'équivalent auparavant. Texte peu connu, il semble pourtant avoir ouvert la voie aux futurs "explorateurs" anglais, dont les plus fameux sont Forbes et Bonney (voir, pour plus de détail, la page thématique consacrée à l'Exploration du Haut-Dauphiné : Oisans/Ecrins).

On y trouve aussi la publication, pour la première fois, d'un profil des montagnes du massif, ce qui, à ma connaissance, n'avait jamais été fait auparavant. Ce profil représente le Pelvoux (a) et les montagnes adjacentes vues depuis Guillestre où l'on reconnaît le Pic-sans-Nom (e) et Ailefroide (g).

On peut comparer ce profil avec l'extrait de cette planche de Outline Sketches in The High Alps of Dauphiné, par Thomas-George Bonney, paru en 1865, et une photo récente trouvée sur Internet :




Il y a aussi une des premières évocation de la Meije, qu'Elie de Beaumont appelle encore l'Aiguille du Midi de la Grave :
"La partie inférieure des pentes qui bordent la vallée de la Romanche, au midi de la Grave et du Villard d'Areine, est aussi formée par des couches de ce grand système. Le talus qu'elles constituent s'étend jusqu'au pied des masses escarpées de roches primitives qui s'élevant jusqu'à la hauteur des neiges perpétuelles et couronnées de glaciers, forment les avant-corps du massif de l'aiguille du midi de la Grave qui atteint une hauteur d'environ 4,000 mètres au-dessus de la mer." (p. 24)

En 1830, il retourne dans le massif et procède à de nouvelles observations. Une deuxième édition revue et augmentée est publiée en 1834. C'est la plus recherchée, car la plus complète.

La rareté de l'ouvrage (50 exemplaires !, combien en reste-t-il aujourd'hui ?), son dédicataire, François Arago, si proche d'Elie de Beaumont dont il soutint les travaux, son intérêt pour l'histoire de la découverte et de l'étude des montagnes, font de cet exemplaire un objet bibliophilique hautement désirable, malgré la modestie de sa présentation.

Pour la petite histoire, j'ai acheté cette brochure à une libraire américain de Phoenix, en Arizona. Comme a-t-elle pu arriver là-bas ? J'aurais au moins rapatrié un peu du patrimoine français.

Pour finir par une belle image, ce tableau de Charles-Henri Contencin, représentant la Meije, vendu récemment à Drouot



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