lundi 5 septembre 2011

L'Oisans, d'André Allix, 1929

André Allix est un géographe français (1889-1966) qui appartient à l'école de géographie alpine animée par Raoul Blanchard à Grenoble dans la première moitié du XXe. Comme sujet de thèse, il choisit d'étudier complètement la géographie d'une petite région montagneuse, à cheval sur l'Isère et les Hautes-Alpes, région qui abrite quelques uns des plus hauts sommets des Alpes en dehors du Mont-Blanc. Cette petite région est l'Oisans.

Qu'est ce que l'Oisans ? C'est une région montagneuse proche de Grenoble, qui débute peu après Vizille, et qui englobe une partie des vallées du versant ouest du massif des Ecrins, massif que l'on appelle parfois par un abus de langage le massif de l'Oisans. Géographiquement parlant, c'est le bassin supérieur de la Romanche. Mais comme aujourd'hui la géographie alpine n'est presque plus connue que par les stations de ski, c'est là-aussi que l'on trouve les stations de l'Alpe d'Huez et des Deux-Alpes. Je n'ai malheureusement pas trouvé une carte satisfaisante sur Internet pour aider à situer ce petit pays. Je reproduis donc la carte de l'ouvrage que je vais maintenant vous présenter.


Cette thèse été publiée en 1929 par la librairie Masson.
Un pays de haute montagne. L'Oisans. Etude géographique.


C'est un gros ouvrage de presque 1000 pages, très abondamment illustré : 56 figures, dont 7 cartes dépliantes, 106 photographies en noir et blanc dont quelques panoramas.

Dans les grandes lignes, on y trouve un exposé en trois grandes parties :
- La nature : la géologie, le climat, les glaciers, l'eau, la faune, la flore, etc., avec une attention particulière pour les glaciers.
- Les sites humains et la vie rurale : le peuplement, l'habitat, l'économie rurale.
- Les facteurs de transformation : le tourisme, les mines, l'industrie.
Dans la lignée de la pensée de son maître Raoul Blanchard, cette géographie n'est pas seulement un travail de cabinet, mais se nourrit de recherches sur le terrain. André Allix a lui-même parcouru ces montagnes. De nombreuses photographies sont son œuvre. Il a su s'appuyer sur les témoignages des habitants et des administrateurs qui connaissaient bien le pays. Cela donne un aspect vivant à un travail universitaire qui aurait pu paraître, sans cela, fort aride. Ces deux panoramas illustrent l'ouvrage.



Pour voir la notice de l'ouvrage, cliquez-ici.

Un autre intérêt est qu'il contient un bibliographique qui, me semble-t-il, reprend l'exhaustivité des livres et des articles sur son sujet. Il en référence 861 !, ce qui est appréciable pour un sujet aussi circonscrit. Au passage, André Allix note d'un * les ouvrages « dont l'usage exige des précautions ». Lorsque on y regarde de plus près, on voit que ceux sont essentiellement les productions des érudits locaux, ceux qui ont mis leur talent au profit de la connaissance des Alpes dauphinoises dans la deuxième moitié du siècle précédant. Ce sont ces ouvrages « où débordent le mouvement, la jeunesse et le sentiment profond de la poésie alpestre », parfois au détriment de la rigueur scientifique. Avec l'arrivée des géographes, formés aux méthodes rigoureuses de l'école de géographie française, ce sont deux mondes, et deux générations qui se rencontrent et parfois qui ne se comprennent. La roue de l'histoire a tourné et l'érudit local, érudit du "dimanche", doit laisser la place au professionnel.

Déjà à cette époque, ces publications savantes étaient tirées à très petit nombre. Même si l'on en connaît pas le tirage exact, il doit être faible, vu le peu d'exemplaires que l'on voit passer sur le marché. Actuellement, il n'y en a aucun proposé sur les principaux sites de livres anciens. J'ai eu la chance de trouver un exemplaire bien relié en chagrin noir, dans une reliure janséniste. Au plaisir de trouver un texte qui reste une référence, se joint celui de posséder un exemplaire en parfaite condition.


Trouver ce livre rare dans une belle et sobre reliure qui en a assuré une conservation parfaite m'a amené à m'interroger. On le savait, mais cela confirme qu'il y a toujours eu des amateurs bibliophiles pour faire proprement relier même des livres de documentation. L'expérience prouve qu'il n'est pas rare de trouver des ouvrages de ce type, en général plus propres à orner la bibliothèque d'un universitaire que d'un bibliophile, qui ont tout de même fait l'objet d'un soin de conservation. Je me suis donc interrogé si nous lèguerions nous aussi à nos futurs bibliophiles les livres d'aujourd'hui reliés en chagrin ou même en maroquin. Je crains que non. Sans considérer que mon cas particulier doive être érigé en cas général, les quelques livres de référence publiés récemment, dont je sais qu'ils ont une valeur documentaire certaine et que la faiblesse de leur tirage rend déjà rares, sont brochés et restent brochés dans ma bibliothèque. Je n'envisage pas de les faire relier, pour une question de coût essentiellement. C'est probablement dommage. On pourrait aussi me dire que nos futurs bibliophiles ne rechercheront plus ces livres, car ils pourront les lire numériquement. C'est probablement vrai, mais cela rend encore plus souhaitable que les quelques exemplaires papier qui seront encore recherchés par quelques fétichistes soient dans une belle condition.

Pour finir ce message, une photo de vacance, représentant un des plus beaux, si ce n'est le plus beau sommet de l'Oisans, la Meije. Preuve que, comme le géographe, le bibliophile va aussi sur le terrain.

2 commentaires:

Textor a dit…

Et quel terrain !!
T

Textor a dit…

On dirait que c’est le même bibliophile qui a fait relier les 3 tomes de mon ouvrage « Les Bauges, Histoire et documents » de L. Morand (Chambéry 1889). Même soin à conserver un livre de documentation vendu broché et qui de ce fait m’est parvenu comme neuf. Il est certain que nous n’avons pas le même réflexe. J’imagine la moue de ma relieure si je lui apportais le catalogue de la vente Blanc et que je lui demande de l’habiller en maroquin !!

T