samedi 19 février 2011

Le Dauphiné en 1698 ou l'érudit "notes de bas de page"

Cela faisait longtemps que je voulais lire ce "Dauphiné en 1698" d'après un mémoire de l'intendant du Dauphiné Bouchu. J'aime beaucoup ces mémoires anciens qui nous font découvrir la vision de nos régions par ces ancêtres de nos fonctionnaires. J'englobe dans ce même intérêt les mémoires des militaires sur la frontière des Alpes ou ceux des premiers naturalistes qui ont parcouru nos régions. Ce mémoire de 1698 est l'ancêtre de ces "statistiques" qui se sont multipliés après la Révolution, au moment même où un état centralisateur souhaitait mieux connaître son territoire. J'espérais donc trouver quelques faits intéressants ou vues nouvelles. Lorsque j'ai eu l'occasion d'acheter un bel exemplaire de :
Le Dauphiné en 1698 suivant le mémoire de l'intendant Bouchu sur la généralité de Grenoble. Notes, dissertations & commentaires, par J. Brun-Durand, Lyon et Grenoble, 1874
je me suis empressé de l'acheter :



Las ! De mémoire, il n'y en a fort peu dans cet ouvrage. Il est littéralement noyé sous les notes du sympathique érudit Justin Brun-Durand qui l'a publié en 1874. Dans l'avertissement, il reconnaît lui-même qu'il a donné aux notes "une très grande étendue" au point d'arriver à "une interversion et un renversement" où "l'accessoire dépasse et de beaucoup le principal, c'est-à-dire le texte, qui ne semble être là que pour motiver une longue suite de dissertations et de commentaire sur tout ce qui touche à notre ancien Dauphiné." Il se réfugie derrière l'autorité de Bayle, entre autres, pour justifier cette situation paradoxale.

Certes, ces notes sont intéressantes, mais elles cachent mal l'indigence du mémoire en question, qui n'était là que comme un prétexte à un étalage d'érudition pointilleuse. Ces deux images de quelques pages donneront une idée de l'étendue des notes. Dans la première, c'est à peine si l'on distingue le texte du mémoire.


C'est pour cela que je l'ai qualifié d'érudit "notes de bas de pages", mais j'aurais dû l'appeler l'érudit des notes de pleine page.

Pour ceux qui sont arrivés jusque là, vous vous direz que je regrette mon achat. Que nenni ! En effet, au milieu de ce dédale de notes, j'y ai trouvé des faits intéressants (le bibliophile dauphinois fait son miel de tout). La note de bas de page sur les merveilles du Dauphiné (elle s'étend sur 4 pages !) est pleine d'informations utiles. J'ai aussi trouvé dans cet ouvrage un beau témoignage de cette érudition très XIXe où des amateurs pouvaient ainsi publier leur production pleine de détails érudits, à défaut d'offrir de nouvelles perspectives sur l'histoire de la région. Reconnaissons que dans le cas de Justin Brun-Durand, cette érudition nous permet aujourd'hui d'avoir un
Dictionnaire biographique de la Drôme, qui est une source d'informations indispensables sur la région. L'érudition besogneuse a parfois du bon.

Pour plus d'informations sur l'ouvrage : cliquez-ici.

Ce portrait nous montre Justin Brun-Durand, croqué par le peintre Ageron. Né à Crest (Drôme) en 1836 et mort en 1910, commerçant et juge de paix, il occupait ses loisirs en publiant de nombreux travaux historiques sur le Dauphiné et plus particulièrement sur la Drôme. Son travail de référence est le
Dictionnaire biographique de la Drôme, paru en 2 volumes à la Librairie Dauphinoise de Grenoble en 1900 et 1901.


Dans la notice biographique qui accompagne ce portrait, l'auteur anonyme nous apprend qu'il faisait partie du Comité des travaux historiques et scientifiques, du Ministère de l'Instruction et concluait : "Ce n'est pas trop mal, on en conviendra, pour un ancien marchand de calicot." Je vous laisse interpréter cette dernière remarque.

Glane

Dans un message après la vente du Docteur Blanc en décembre (voir ici), je racontais comment j'avais enfin pu acquérir un ouvrage qui m'était passé "sous le nez" quelques années auparavant. Je vous renvoie vers ce message où Yves Ballu raconte la même chose, pour cette même vente, à propose d'un livre sur le Mont Blanc (admirez les reproductions !). La seule différence est qu'il a dû attendre 35 ans au lieu de 6 comme dans mon cas : cliquez-ici.

1 commentaire:

Lauverjat a dit…

Commande pédagogique du duc de Beauvillier pour le duc de Bourgogne, je vous souhaite de trouver une des copies manuscrites de l'époque de ce "Mémoire sur la généralité du Dauphiné". Ces copies manuscrites, assez nombreuses pour certaines provinces, ont des titres changeants et bien malin qui repère "le" manuscrit original.

Lauverjat